L'auteur de "L'allègement des vernis" vous dévoile 10 précieux conseils de lecture
Passionnant... Je l'ai presque fini.
«En fait, j'aurais tout aussi bien pu ne pas écrire. Après tout, ce n'est pas une obligation. Depuis la guerre, je suis resté un homme discret ; grâce à Dieu, je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes anciens collègues, d'écrire mes Mémoires à fin de justification, car je n'ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car je gagne assez bien ma vie comme ça. Je ne regrette rien : j'ai fait mon travail, voilà tout ; quant à mes histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi, elles ne concernent que moi ; et pour le reste, vers la fin, j'ai sans doute forcé la limite, mais là je n'étais plus tout à fait moi-même, je vacillais, le monde entier basculait, je ne fus pas le seul à perdre la tête, reconnaissez-le. Malgré mes travers, et ils ont été nombreux, je suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la vie humaine sont l'air, le manger, le boire et l'excrétion, et la recherche de la vérité. Le reste est facultatif.» Avec cette somme qui s'inscrit aussi bien sous l'égide d'Eschyle que dans la lignée de Vie et destin de Vassili Grossman ou des Damnés de Visconti, Jonathan Littell nous fait revivre les horreurs de la Seconde Guerre mondiale du côté des bourreaux, tout en nous montrant un homme comme rarement on l'avait fait : l'épopée d'un être emporté dans la traversée de lui-même et de l'Histoire.
L'auteur de "L'allègement des vernis" vous dévoile 10 précieux conseils de lecture
Il travaille aujourd’hui en France, dans une fabrique de dentelle. Il est marié, père de deux enfants et mène une vie discrète et tranquille. Le nom sous lequel tout le monde le connaît aujourd’hui en France n’est pas le sien. Il est né Maximilien Aue, alsacien tendance allemand, et pendant la guerre il a servi dans la SS. Il va tout raconter, du début de l’Opération Barbarossa au Berlin en ruine, toute une Guerre au service du Reich dans la SS sur le front de l’Est et il va le faire sans pudeur, sans périphrases et surtout sans remords. Car c’est un fait, Maximilien Aue ne regrette rien, rien du tout…
Ouf ! C’est le premier mot qui me vient une fois les presque 1400 pages de l’édition de poche terminées… J’en suis venue à bout, et rarement une lecture aura été aussi éprouvante. Sur la forme pour commencer, « Les Bienveillantes » se découpe en 7 parties de longueur (et d’intérêt) très inégales qui portent toutes le titre d’une danse. La première chose, c’est que l’auteur n’explique rien des termes allemands qu’il utilise, des grades, des évènements, des notions idéologiques, des lieux visités. C’est assez logique puisqu’il s’agit des mémoires d’un SS pour qui ces notions sont toutes évidentes. Quand on n’est pas germanophone, où que l’on a encore des lacunes en histoire de l’Allemagne nazie, on est tenté d’aller voir en post face les explications de l’éditeur. Je l’ai fait au début puis j’ai vite arrêté et pris la décision de me laisser porter par le récit, en faisant un peu fi de toutes ces subtilités. Il y en a trop, cela aurait haché une lecture déjà sacrément difficile. Voulant embrasser dans un seul roman une multitude de thèmes, d’intrigues et de notions abstraites, le récit part dans tous les sens et se disperse à plusieurs reprises dans des longueurs à la limite du supportable. Le long passage dans le Caucase et ses nombreuses pages sur la linguistique des peuples juifs caucasiens était déjà une petite purge en soit, mais le chapitre intitulé « Air », mélange de scatologie et délires masturbatoires, est interminable et, disons-le, ignoble ! Littell choisit de présenter son personnage au cœur d’une sorte de tragédie grecque, l’émaillant parfois de passage à la limite du grotesque (les deux policiers qui le poursuivent dans les endroits les plus improbables). Aue est un SS érudit mais sans états d’âme, perpétuellement préoccupé par des questionnements philosophiques, pour ne pas dire métaphysiques, homosexuel mal refoulé, il a entretenu avec sa sœur jumelle des relations incestueuses, il hait sa mère et idéalisé un père absent : un SS d’un genre qui ne devait pas être la norme ! Sur le fond, nous suivons Aue en Ukraine (où il officie pendant la Shoah par balles, ce chapitre est insoutenable), dans le Caucase puis dans l’enfer de Stalingrad. Ensuite le voilà en convalescence avant de trouver des responsabilités auprès du commandement nazi qui lui confie des inspections dans les camps de la mort, avant que l’avancée des russes ne le rattrape. Tout au long de ce récit, il aura participé activement (et de toutes les manières possibles) au projet nazi d’extermination des juifs, en essayant de rationner l’irrationnel, de justifier l’injustifiable, de condamner les plus extrémistes pour s’auto-absoudre de tout sentiment de culpabilité. Rassurez-vous, à aucun moment il ne sera vaguement sympathique, a aucun moment le lecteur en aura quelque chose à faire qu’il survive ou pas. C’est un bourreau, il peut en préambule chercher les explications tordues qu’il veut pour se justifier, c’est un bourreau et pas grand-chose d’autre. Enfin si, en plus d’être un nazi, c’est un mauvais fils, un mauvais frère, un mauvais ami, un assassin au premier degré au cynisme assumé. « Les Bienveillantes », c’est l’autobiographie d’un homme qui s’imagine complexe mais qui n’est en réalité qu’un psychopathe bien dans l’air de son temps. Il reste que le livre est une mine d’or pour l’amateur d’histoire, où j’ai appris des tas de choses que j’ignorais encore sur la guerre et l’Allemagne nazie. Le roman démontre avec une clarté aveuglante comment le nazisme a planifié la Solution Finale d’une façon industrielle, bureaucratique, presque capitaliste : en diluant les responsabilités individuelles, en fractionnant le travail, en s’appuyant sur la lâcheté et faiblesse du genre humain, elle a façonné avec « bonne conscience » la plus grande entreprise de mort de l’Histoire du monde Moderne. Au final, le roman de Jonathan Littell coche toutes les cases : Il est à la fois passionnant et insupportable à lire, parfois grotesque, souvent insoutenable, il laisse le lecteur assommé et soulagé d’en avoir terminé avec Maximilien Aue, un sale type qui n’avait pas conscience de n’être rien d’autre qu’un sale type.
Lire "Les bienveillantes", de Jonathan LITTEL (chez Gallimard, 2006), c'est entrer en folies.
Folie d'abord, de s'attaquer à 900 pages qui retracent, selon le point de vue d'un officier SS allemand, le long chemin qui a conduit tant d'hommes à suivre l'idéal social- nationalisme et permis tant d'atrocités, de violences et de dénis de la personne humaine durant cette seconde guerre mondial. (Ceci dit en passant, cette « seconde » risque d'être la deuxième tant la bêtise humaine est encore capable d'en générer une troisième!) Les 900 pages sont d'autant plus folles à mes yeux de lecteur francophone qu'elles sont truffées de vocabulaire allemand et que le détour par le glossaire m'a semblé insupportable.
Mais, faisant abstraction de cette lecture quelque peu ardue, j'ai plongé dedans et j'ai été accroché, pris par les tentacules de la folie la plus raisonnable et stupide qu'il m'a été donné de rencontrer dans mes lectures.
Folie raisonnable d'un homme, représentatif de tant d'autres, qui accepte comme correcte l'idée du bienfondé d'une idéologie, le national - socialisme. Dans sa logique, poursuivre l'idéal socialiste est le moyen de rendre, enfin, au peuple, le pouvoir de décider de ce qui est bien et bon pour lui. Raisonnable, bien sûr ! Mais voilà, comme il est impossible de demander, effectivement, l'avis à chacun, il semble juste de s'en référer à ce que dit celui qui est sensé les représenter tous, Hitler! Folie plus déraisonnable, bien sûr!
D'autant plus déraisonnable que cet idéal croit, en même temps, à la suprématie d'une race, et donc, en toute logique, veut exterminer tous ceux qui ne sont pas de purs allemands?
Mais la logique du Dr Aue, le héros de cette histoire fictive (mais, probablement très représentative de ce qui se passait dans la tête de bien des acteurs du drame nazi) est de croire au discours ambiant considéré comme correct et donc de centrer sa vie sur cette volonté d'agir pour que cette suprématie allemande triomphe! Raisonnable … quoique, la mise en oeuvre de l'extermination juive ne sera donc jamais abordée par lui en termes d'humanité. Seuls les buts d'efficacité, de productivité, de soutien logistique à la cause arienne seront pris en compte! Pure folie !
Folie encore ( à moins que ce ne soit une méthode géniale de manipulation des consciences!) que cette segmentation des tâches et responsabilités dans la grande chaîne de destruction massive de "tout impur, nuisible, inutile ou malveillant"!! Chacun n'est responsable que d'un aspect et, même fautif ou manquant d'humanité, il peut se sentir juste devant les fautes "bien plus énormes" que d'autres commettent en amont ou en aval de son "poste de travail"! Folie au combien efficace pour engendrer des génocides... Ce livre met parfaitement au jour cette manière d'agir, façon qui se double d'une évidente rivalité entre les protagonistes d'un même camp, les envies génératrices de coup bas, les courses à la gloire productrices de tant d'excès au-delà même d'une stricte application des consignes déjà tellement déviantes et meurtrières!
Pour ajouter un zeste de folie supplémentaire, l'auteur fera de son héros, un homosexuel complètement déjanté ce qui obligera le lecteur consciencieux à se taper une vingtaine de pages de fantasmes sexuels assez peu utiles, à mes yeux, à la compréhension du parcours de ce Dr Aue. Ce dernier ira jusqu'au bout de sa logique, violent, destructeur, sans âme véritable ... jusqu'au bout donc de la déraison!
Ce livre est lourd (pas seulement par ses 900 pages), il est noir, violent, pauvre en humanité et triste miroir de ce que peuvent être les hommes lorsqu'ils sont opportunistes, indifférents et enfermés dans une logique dépourvue d'humanité! Ce livre fait peur! Comment sentir, voir venir ces courants extrémistes et y résister? Comment ne pas succomber au politiquement correct distillé par des petits chefs, des propagandistes, des puissants et des graines de dictateurs ou de fanatiques?
Un livre que j'ai aimé par l'espace de réflexion qu'il ouvre. Un livre qui nous renvoie au miroir de nos consciences... Nous, "en ces temps-là", quelle aurait été notre logique ? Qu'aurions-nous suivi comme idéologie ?
Aie, aie, aie, j'ai presque honte de l'avouer mais le livre m'est tombé des mains. C'est la première fois que j'arrête un récit en cours de lecture. Je n'ai "tenu" que 150 pages environ et me suis dit "c'est bon, Carrie, arrête les frais, c'est clair que tu t'ennuies". Et me suis rappelé alors l'interview que j'avais lu une fois d'un membre du Goncourt qui disait grosso modo: "laissez une chance aux livres que vous ouvrez mais si au bout d'un certain nombre de pages - selon la longueur du roman - vous ne prenez pas de plaisir, arrêtez la lecture, il n'y a pas de honte à avoir", et pour ça je lui dis MERCI.
Je n'ai donc pas grand chose à commenter si ce n'est de déculpabiliser les lecteurs qui, comme moi, n'assument pas de stopper définitivement la lecture d'un roman en cours de route (sensation d'échec quand tu nous tiens, particulièrement quand une de vos collègues vous dit "ah ben je comprends pas, c'est tellement beau pourtant...").
Mon 1 étoile est certainement sévère mais le plaisir de lecture reste subjectif.
Je ne pense pas que j'y reviendrai un jour.
Un roman dérangeant mais que j'ai lu avec plaisir!
Une somme, un pic, un cap, une péninsule de la littérature contemporaine. Son Prix Goncourt, son Grand prix de l'Académie française ne signifient pas grand chose face à la magnificence de l’écriture, à l’horreur de la narration, à la perfection de la forme. L’histoire de ce SS imaginaire, Maximilien Aue, qui a sans doute existé, sous cette forme ou une autre, est quasiment inattaquable en terme de documentation, de travail de fourmi pour représenter la machine nazie en marche. Des bureaux de Berlin avant guerre au front russe pendant le siège de Stalingrad, en 1943, jusqu’à la débâcle, les mémoires de ce monstre sympathique, de cette hydre purulente, de ce fonctionnaire du crime, se lit en un souffle. La minutie avec laquelle les massacres de Babi Yar, les chambres à gaz et, au milieu de l’horreur, la vie quotidienne de Max, est décrite est glaçante et fascinante. L’insoutenable est beau, le beau en devient répugnant et Maximilien Aue devient le seul témoin omniscient de la Deuxième guerre mondiale. Improbable et pourtant tellement évident.
Je n'ai jamais pu le finir.
Pave indigeste. Ce n'est pas un roman mais une lourde et fastidieuse compilation tirée des Archives du IIIème Reich ou d'ouvrages d'historiens ou d'essayistes spécialistes de la Seconde guerre mondiale. La fin (où le "héros" tire la moustache de Hitler) est d'un grotesque infini, ubuesque. J.Littell n'est pas l'érudit que les médias ont encensé à l'envi mais un spécialiste du copier-coller (bizarre tout de même qu'aucun correcteur de chez Gallimard, aucun des jurés du Goncourt, aucun des thuriféraires de ce livre n'aient pas relevé l'énorme bourde des premières éditions, ou Littell confond Laïos, père d'Oedipe, avec Laërte, père d'Ulysse.
Un roman vaste comme l'esprit d'un homme. Des longueurs parfois mais un souffle épique qui balaie tout.
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Ca y est je viens de le terminer. Je suis d'accord avec vous Christophe Chohin dans le sens où c'est extrêmement bien documenté et en cela je l'ai trouvé passionnant pour les trois-quarts. Mais dans la dernière partie, là où le personnage fictif est en prise avec son destin de personnage fictif, et qui se produit après que le camp d'Auschwitz ait été libéré, je ne vois plus que le récit d'un narrateur assassin parmi d'autres récits d'assassins, de livres noirs ou sur la guerre. Ce qui commence comme un roman documenté sur la Shoah finit sur l'horreur de la guerre prise dans dans sa globalité. Et puis, la débâcle semble n'avoir rien à envier à la Shoah, ce qui sur le plan documentaire cette fois me gêne terriblement. Cela semble lui donner raison quand dans le premier chapitre, le narrateur ne trouve comme seule explication que c'était la guerre. Je ne regrette pas la lecture de ce livre, il fallait le lire mais j'en retire le sentiment d'avoir été manipulée par le narrateur.