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Relizane, pendant la guerre d'Algérie. Lorsqu'en pleine nuit, on frappe à la porte, Marcel, le grand-père d'Olivia Elkaim, craint pour sa vie et celles de sa femme et de leurs deux enfants. On lui enfile une cagoule sur la tête, il est jeté dans un camion et emmené dans le désert. Va-t-il être condamné à mort ou gracié ? Il revient sain et sauf à Relizane trois jours plus tard, et ses proches se demandent quel est le secret de ce sauf-conduit. A quoi a-t-il collaboré ? Quels gages a-t-il donné et à qui ? Viviane, son épouse, ses frères, sa mère, ses voisins, tous questionnent le tailleur juif. Mais il garde le silence. Quand un jeune apprenti arabe se présente devant son échoppe, Marcel comprend que tôt ou tard, il lui faudra quitter son pays natal.
Après ce début d'une folle intensité romanesque, Olivia Elkaim retrace l'histoire de sa famille, l'exil des siens, leur arrachement à cette terre africaine, et leur fuite chaotique vers une France où rien ne les attend - ni confort, ni sympathie, ni même aucune aide administrative.
Ces valeureux que le soleil caressait il y a peu, deviennent des réprouvés qui ne connaîtront que l'ombre d'une cave humide à Angers. Les grands-parents d'Olivia Elkaim, Viviane et Marcel, sont deux magnifiques personnages, entre Albert Cohen et Anna Magnani, qui ne cesseront de rêver d'échapper à cette triste France.
Au-delà de tout ce que nous savons du retour d'une famille pied-noire en métropole, au-delà du drame humain, familial, politique, souvent commenté par les historiens, Olivia Elkaim explore sa part algérienne, juive, lyrique, à la fois enchantée et hantée, que son père Pierre avait tenté en vain de lui transmettre.
Par ce livre qui rend hommage à ses ancêtres, et à travers la photographie jaunie d'une grand-tante, retrouvée par hasard dans le cimetière juif de Relizane, elle se révèle aussi à elle-même.
Olivia Elkaim, d'une plume précise et élégante nous conte le déracinement de ses grands-parents, de son père et des impacts insidieux, difficile à comprendre que celui-ci aura sur elle.
Je connaissais l'histoire de l'Algérie, des algériens, des colons, des harkis (avec le magnifique roman L'art de perdre d'Alice Zeniter) mais pas celle de ces juifs naturalisés français en 1870 alors qu'ils n'avaient rien demandé.
Considérés français, ils vont être sommés de quitter un pays aimé pour rejoindre un pays qu'ils ne connaissent pas et qui n'a pas envie de les accueillir.
Que cela est triste.
C'est histoire d'un déracinement douloureux comme tout exil.
Il est aussi questions d'identité, de courage, de ceux qui vont profiter de ces malheureux et de ceux qui vont les aider.
Un roman délicat et poignant.
« Le tailleur de Relizane » est le grand-père d’Olivia Elkaim.
Elle nous raconte l’histoire de ce grand-père pendant la guerre d’Algérie puis son arrivée en France.
J’ai aimé ce récit de vie, avec la guerre, l’exil, la famille, les secrets ; tout ce qui fait l’existence d’un homme, Marcel.
J’aime ces romans qui, sur fond d’une histoire vraie, retracent un pan de notre histoire.
L’autrice connaît en partie l’histoire de sa famille, mais ne s’y est pas intéressée plus que ça. Elle n’a pas entendu son grand père, Marcel, et son père, Pierre, quand ils évoquaient l’Algérie « française ». Elle connaissait ses origines algériennes, pied-noir plus exactement, mais elle voulait les gommer, être assimilée, « faire française ».
Ce n’est qu’une fois adulte, mariée (avec un français « de souche », « pur beurre » comme le qualifiait son père, voir de « blanc-bec » antonyme de pied-noir) et plus exactement après son premier accouchement qu’elle commence à étouffer « les poumons pleins d’une peine grisâtre, impossible à expurger ». L’épigénétique, l’hérédité des traumatismes, vous connaissez ? En voici une belle illustration.
Alors enfin, elle demande à son père de lui parler de l’Algérie. Il débarque avec une valise pleine de souvenirs, de coupures de journaux, de photos … et elle va recoller les morceaux, partir à la rencontre de cette famille juive, établie à Relizane plusieurs siècles avant la colonisation de l’Algérie par la France, devenue française par la grâce du décret Crémieux, mais algérienne avant tout. Mais que peut-elle faire de tout cela ? C’est B. son nouvel amour qui lui souffle la réponse.
Quand les « événements » débutent, on retrouve les questions qu’ont dû se poser des milliers de personnes : tout abandonner et recommencer ailleurs ou personne ne les attend ou rester et risquer sa vie ? En deux mots quitter l’Algérie ou pas !? Du départ dans des conditions sanitaires inimaginables à leur arrivée en France métropolitaine, nous revivons cet exil involontaire. La première année en métropole sera terrible et il leur faudra du courage et de l’abnégation pour avancer malgré tout, pour faire bonne figure, ne rien laisser paraître, se fondre dans la masse, disparaître …
Cet ouvrage est fondateur pour Olivia Elkaim, son autrice. Elle écrit, questionne, avance doucement dans cette quête d’identité, à la recherche de ses racines. C’est un magnifique hommage à ses grands-parents et par là-même à tous leurs compagnons d’infortune. Livre intimiste où l’autrice parle avec son cœur, ses émotions, tout en retenue, un brin nostalgique et terriblement poignant.
Bref à découvrir sans tarder !
Sur le même thème, pour celles et ceux qui ne l’aurait pas déjà lu, je vous conseille aussi le magnifique « L’art de perdre » d’Alice Zeniter.
L’auteure nous raconte l’histoire de ses grands parents Marcel et Viviane vivant en Algérie à Relizane dans les années 1950-1960. Juifs et Français, ils se trouvent dans cette période historique délicate où l’appartenance à une communauté, quelle qu’elle soit peut représenter un danger vital. La renommée du tailleur Marcel déclenche une situation ambiguë où être embarqué par le FLN et revenir vivant dans sa famille interroge. Au travers de cette histoire personnelle, c’est l’histoire de tous les pieds noirs très mal accueillis en France qui nous est contée. Bien incarnés sur quatre générations par une plume alerte, les personnages nous font vivre avec beaucoup d’émotion cette période difficile.
Installés en Algérie bien avant la présence française, les Elkaim sont naturalisés français par décret en 1870, comme tous les Juifs du territoire. Ecartelés entre Occident et Orient pendant la guerre d’Algérie, les grands-parents de l’auteur sont finalement forcés de fuir et de rejoindre la cohorte des pieds-noirs si mal accueillie en France. Ce n’est que bien plus tard, après leur décès, qu’Olivia Elkaim est amenée à reconstituer leur parcours, prenant alors conscience de l’ampleur de leur drame, au fur et à mesure que l’hostilité et la misère venaient verser du sel sur les blessures de leur déracinement.
Une grande émotion imprègne les pages de ce récit qui se lit comme un roman. Ne s’étant intéressée que tardivement à son histoire familiale, l’auteur réalise avec regret combien longtemps elle est restée indifférente aux cicatrices dont était cousu le coeur de ses grands-parents. Au-delà de la cruauté de leur drame, c’est l’impuissance d’une tendresse qui ne trouve à s’exprimer que trop tard pour être partagée avec ses destinataires qui rend le texte si poignant. Alors, à son tour, le lecteur se sent saisi par l’envie de serrer sur son coeur ce couple qui reprend vie sous la plume puissamment évocatrice d’Olivia Elkaim.
L’on se retrouve ainsi plongé dans les couleurs et les odeurs d’une Algérie à laquelle Marcel et Viviane s’accrochent désespérément, comme à un navire en train de couler. Ils sont bientôt jetés dans le flux d’un exode dont ils ne se doutent pas encore, ni qu’il sera sans retour, ni qu’ils y perdront, non seulement leurs possessions, y compris les plus sentimentales, mais aussi leur dignité et leur identité. Indésirables de part et d’autre de la Méditerranée, marqués malgré eux de l’injuste sceau d’une infamie et d’une traîtrise dont le sentiment prévaut dans l’opinion publique, le couple et ses enfants vont bientôt découvrir que le pire reste à venir. Contraints à des conditions de vie effroyables, ils finiront à force de courage par se faire un chemin, mais resteront bafoués pendant des décennies par une administration française sourde et aveugle. Quels plus grands symboles de leur souffrance que cette clef soigneusement conservée qui n’ouvrira jamais plus aucune porte, et que ce souvenir d’un modeste cimetière aux tombes désormais vouées à l’oubli et à l’abandon ?
Avec la troisième génération aujourd’hui, une page se tourne : en pleine réappropriation d’un passé qu’elle avait longtemps rejeté, la narratrice se découvre enfin capable d’empathie pour l’amertume et la mélancolie de ses grands-parents. Maintenant que les témoins directs ont disparus, ce livre est l’occasion d’une réconciliation avec des origines qu’elle se déclare prête à ne plus oublier, en même temps qu’un nécessaire témoignage et un émouvant hommage. C’est la gorge serrée et les cils humides qu’on en achève la lecture. Coup de coeur.
Fille et petite fille de ceux qu’on a appelé « pieds noirs », Olivia Elkaim remonte l’histoire de sa famille et de celle de l’Algérie française. Son texte, qui mêle biographie et fiction, est d’une sincérité qui bouleverse. Ce roman m’a rappelé par certains côtés « l’art de perdre » d’Alice Zeniter qui, comme Olivia Elkaim, cherche à comprendre l’histoire familiale et se rendra aussi en Algérie dans le village de ses ancêtres.
L’indépendance de l’Algérie est restée un souvenir douloureux, un arrachement à la terre de leurs ancêtres pour nombre de pieds noirs. Ces gens simples et sans fortune ont tout perdu, il leur a fallu du courage pour tout recommencer en métropole où ils ont dû affronter le mépris, voire le rejet.
Le témoignage de l’autrice est émouvant parce que dénué de pathos et puisé à la source même.
L’histoire débute ce jour d’octobre 1958, ou plutôt cette nuit, où Marcel Elkaim, grand-père d’Olivia, est enlevé par des hommes du FLN. Tailleur de son métier, Marcel est un homme simple, marié à Viviane et père de deux garçons. Cette nuit-là, il croit qu’il va être abattu comme tant d’autres avant lui. Il aura la vie sauve car le lieutenant Lazreg a besoin de ses talents de couturier pour lui faire des costumes. De retour chez lui, à Relizane, les langues vont se délier, pourquoi lui est revenu vivant de son enlèvement ?
Marcel continuera à coudre des costumes pour les chefs du FLN contre une protection tacite et lointaine. En 1962, il devra pourtant envoyer sa famille en France avec des milliers de français natifs chassés de leur pays. Lui les rejoindra plus tard, après avoir tenté de sauver quelques meubles et la voiture.
Les débuts en France seront difficiles, Marcel ne veut rien demander à sa famille et son épouse Viviane a toujours du mal à gérer les enfants.
En reliant les souvenirs de son père Pierre aux faits historiques, Olivia Elkaim dépasse le folklore lié à l’Algérie pour restituer au plus près la vie de sa famille écartelée entre deux pays, deux cultures. Chez les Elkaim, on parle français depuis toujours et on se revendique comme tel, mais le regard des français de métropole est tout autre. L’autrice plonge aussi dans ses propres sentiments par rapport à ses origines, cet éloignement et ce désir de devenir une vraie parisienne. Pourtant, elle porte en elle cette nostalgie et ce besoin de mettre par écrit cette histoire douloureuse qui lui a été transmise.
Ce roman, c’est un témoignage émouvant et une réconciliation avec ses origines.
L‘écriture d’Olivia Elkaim est fluide, son roman sonne juste et c’est une lecture que j’ai vraiment appréciée.
Les Plus : Ce roman relate une partie de l'Histoire française, pas forcément bien connue et récente, des pieds-noirs qui ne sont finalement chez eux nulle part. Roman instructif et intéressant, bien écrit, il se lit facilement.
Les moins : Malgré le sujet intéressant, ce roman ne me transporte pas. Il est intéressant mais pas passionnant ni haletant.
Dans son ouvrage, Olivia Elkaim nous parle de ses grands-parents, Marcel et Viviane, Juifs algériens, nés et vivant dans la région d’Oran. Il est tailleur, a combattu sur le sol français pendant la seconde guerre mondiale, a promis à sa femme de la soutenir jusqu’au bout de sa vie...
Mais les « événements », la volonté d’Indépendance du peuple algérien, vont les pousser hors de chez eux. Le FLN, l’OAS, les affinités des uns et des autres, les prises de position des différents membres de la famille...
Le roman retrace leur vie d’avant, le départ puis l’arrivée en métropole, où comme tous les Pieds-noirs, ils sont loin d’être les bienvenus... l’exil, laisser derrière eux la terre de leurs ancêtres, et leurs morts... quel drame incommensurable...! Les répercussions sur les générations suivantes ne sont pas anodines.
La force de ce livre est de rendre plus limpide et explicite ce pan d’Histoire par le biais du destin de ce couple et de cette famille...
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