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On regarde le plus souvent la carrière de Gorki (1868-1936) du point de vue de ses positions politiques, notamment de son engagement auprès du pouvoir soviétique dans la mise en place d'une " nouvelle culture ". Ce regard rétrospectif conduit à sous-estimer la part de la littérature dans la trajectoire de l'écrivain. Cette attitude n'est pas nouvelle. L'extraordinaire succès de librairie des histoires de bossiaks (va-nu-pieds) parues en 1898, a été presque dès l'origine imputé au profil de bossiak de l'auteur lui-même, plutôt qu'à ses écrits. Il est entendu que c'est l'homme (biographique, social) qui fait l'oeuvre. Il faut probablement adopter le point de vue inverse. Les premiers lecteurs de Gorki (les mêmes, alors, que ceux qui lisaient Tchékhov) ignoraient tout de sa biographie, et c'est bel et bien dans la nouveauté de sa manière d'écrire que se trouve la clé de sa popularité. Les histoires de bossiaks tranchaient le noeud gordien dont s'embarrassait la prose narrative russe au tournant du XXe siècle. D'un seul coup, le jeune Gorki libérait l'univers du récit des idéaux écrasants des populistes. Il affirmait que la force, la vérité sont affaires de rencontres, et d'épreuve. Celles qui s'écartent de la voie tracée par les liens ne sont pas forcément les moins fructueuses. La facture maladroite, naïve, des histoires de bossiaks permettait d'identifier l'auteur à ses personnages. Les lecteurs enthousiastes découvraient dans les récits du jeune Gorki une désarmante fusion de la littérature et de la vie.
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