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«Sur la première marche de la véranda, Buck était assis, la tête penchée sur la poitrine. Le fusil était toujours par terre, là où il l'avait laissé tomber. Ty Ty fit un tour complet pour éviter de le voir.- Du sang sur ma terre ! murmurait-il.Devant lui, la ferme s'étendait, désolée. Les tas de sable jaune et d'argile rouge, séparés par les grands cratères rouges, le sol rouge, inculte - la terre semblait désolée. Ty Ty, à l'ombre du chêne, se sentait complètement exténué. Il n'avait plus de force dans les muscles quand il pensait à l'or enfoui dans la terre, sous sa ferme. Il ne savait pas où se trouvait l'or et comment il le pourrait extraire, maintenant que ses forces l'avaient abandonné.»
Au début des années trente, au fin fond du Sud des Etats-Unis, en Géorgie, le vieux Ty Ty et ses fils, pris par la fièvre de l’or, passent leur temps à creuser leur terre au lieu de la cultiver. Pendant ce temps, la beauté et la sensualité des filles et des brus du patriarche enflamment désirs et jalousies…
Immersion chez les blancs pauvres du Sud américain, ceux que l’on a nommé « White trash » tant leur niveau de vie et d’éducation les renvoie à un état intermédiaire entre « la bête et l’esclave, mais sans leurs avantages respectifs » pour reprendre les termes du journaliste et producteur radio François Angelier, ce roman s’ouvre sur une note burlesque – Ty Ty n’a pas compris que l’or qu’est supposée contenir sa terre mentionne le fruit de son travail de cultivateur, et non la présence de pépites -, s’installe dans la concupiscence charnelle qui obsède ses personnages, et finit dans la cruauté de destins voués à la catastrophe par la bêtise et l’ignorance.
Avec un cynisme noir et une crudité sans fard, Erskine Caldwell nous emmène au plus crasse de la misère sociale et intellectuelle de son époque, sur un fond de crise économique qui conduit les plus démunis à la détresse absolue et au drame, en tous les cas qui semble les réduire à une quasi animalité. Aussi crétins qu’obsédés, les personnages évoquent une bande de lapins occupés à copuler tout en creusant inutilement d’innombrables terriers qui détruisent leur habitat. Si confondante est leur pauvreté, de corps comme d’esprit, que, sur le fond plus bêtes que méchants, ils finissent par en devenir somme toute attendrissants.
Rien n’est ici édulcoré et, entre son humour aussi grotesque que pathétique, sa noirceur autant violente que désespérée, et son érotisme sordide quasi animal, il n’est guère étonnant que Caldwell vienne en tête des auteurs les plus censurés de l’histoire de la littérature américaine. Ce livre reste encore aujourd’hui profondément dérangeant.
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