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Prenant appui sur les vies singulières des artistes ayant logé au 222 Bowery street, le récit explore les mouvements artistiques qui ont irrigué New York, mais aussi la constante mutation de la ville, des années 60 à nos jours.
En 1967, le 222 fut le premier YMCA américain. Rencontrant des problèmes, il devint un Institut pour jeunes hommes en perdition. Il fut équipé d’une piscine et d’un gymnase mais ça ne marcha pas et le bâtiment fut vendu et acheté par Sam Wapnowitz, issu d’une famille juive de Minsk qui y installa une boutique de sièges et tabourets, le Tip Top Equipments.
Au Cedar Tavern, un bar de Greenwich village, s’enivraient toute la nuit Willem de Kooning, Mark Rothko, Philip Guston, Franz Kline, Jackson Pollock et John Opper des artistes de l’action painting et expressionnisme abstrait.
Beaucoup revenaient de la guerre ou l’avaient fuie et ils voulaient non pas l’illustrer mais en représenter la violence. Et surtout ils étaient sans le sou et cherchaient, dans cette ville aux loyers surdimensionnés, des ateliers où peindre. Des espaces où la lumière entre.
John Opper en se baladant dans le sud-est de Manhattan, quartier pauvre, mal fréquenté et délaissé, repère le 222 Bowery street. C’est un petit bâtiment en brique rouge de 3 étages avec un boutiquier timide qu’il finit par convaincre de louer les espaces supérieurs vides et baignés de lumières par les grandes baies vitrées. En face le Bowery mission, refuge pour SDF.
C’est ainsi que Rothko, pour la modique somme de 40$ mensuel, investira le 2eme étage, dans l’ancien gymnase où il créera ses célèbres Seagram walls, décorations murales pour le Four Seasons restaurant qu’il finira par ne pas livrer mais resteront ses premières œuvres grand format mythiques et le feront connaitre dans le monde entier. (Aujourd’hui exposées à la Fondation Vuitton dans une rétrospective Rothko jusqu’en avril 2024). Après ça, Rothko déménagea.
Puis ce fut le tour de l’écrivain William Burroughs qui investit l’entresol qu’il appela le Bunker de 1974 à 1983.
Là, lui fut présenté par Andy Warhol, son compagnon le poète John Giorno qui a son tour habita une partie du 2ème étage et y resta jusqu’à sa mort en 2019. En 68, il y créa le fameux « Dial-a-poem » et fut très proche de Burroughs.
Par ailleurs, Warhol avait proposé au propriétaire du 222, Sam Wapnowitz, un caddy de supermarché rempli de ses œuvres en paiement du petit immeuble. Sam aimant ces aller et venues d’artistes qui le distrayaient, refusa. S’il avait accepté, il serait devenu multi millionnaire…
Puis arrivèrent Michael Godberg et Lynn Umlauf, Wynn Chamberlain, Lynda Benglis.
A travers les fêtes extravagantes chez John Giorno, où le pâté de crabe et champagne devinrent rituels, le 222 devint le must où le monde entier de la contre-culture et de la pop avec David Hockney ou Roy Lichtenstein, devait se faire voir.
Ainsi Patty Smith, Mick Jagger, Keith Richard, Kathy Acker, Madona, adulant Burroughs mais aussi foule d’artistes, de collectionneurs et galeristes du monde entier se bousculèrent aux fêtes du 222.
Ce livre est aussi un florilège de petites traces biographiques.
L’auteur nous parle de l’urbanisation de New York, de la tour Trump et du World Trade Center au sud de la ville, sa destruction, d’un soir où ces 2 tours remarquablement majestueuses étaient là admirables et disparurent d’un coup un matin du 11 septembre alors que la veille avait eu lieu la fashion week…
Continue une spéculation immobilière qui s’intéresse au sud de Manhattan que Giuliani ou Bloomberg décident de « nettoyer »…
L’auteur nous parle aussi de ce milieu gay où une peste mortelle fait son apparition. Il nous parle des morts, de tous les amis du 222 disparus.
John Giorno, devenu bouddhiste convaincu, qui recevait de grands lamas chez lui, y mourut seul, le 12 octobre 2019, loin de son nouvel amoureux épousé Ugo Rondinone alors en déplacement.
Ils moururent tous mais la fondation Giorno, ayant beaucoup œuvré pour la lutte contre le sida, réussit à inscrire le bâtiment au patrimoine des bâtiments nationaux le protégeant à ce jour des spéculations immobilières dévorantes.
Un bel hommage à New York et à la force de l’art.
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