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Les parfums sont toute la vie de Sylvain Bragonard. Il a le don de cerner n'importe quelle personnalité grâce à de simples senteurs, qu'elles soient vives ou délicates, subtiles ou entêtantes. Tout le monde y passe, même les morts dont il s'occupe tous les jours dans son métier d'embaumeur. Cette manière insolite de dresser des portraits stupéfie Alice, une jeune thésarde qui s'intéresse à son étrange profession.
Pour elle, Sylvain lui-même est une véritable énigme : bourru, taiseux, il semble plus à l'aise avec les morts qu'avec les vivants. Elle sent qu'il cache quelque chose et cette curieuse impénitente veut percer le mystère. Doucement, elle va l'apprivoiser, partager avec lui sa passion pour la musique, et comprendre ce qu'il cache depuis quinze ans.
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10 livres chroniqués par les Explorateurs, 10 chroniques à découvrir !
Des talents émergents et prometteurs qui ont conquis nos Explorateurs de la rentrée
En attendant le Palmarès des Explorateurs, un dernier tour d'horizon de cette belle rentrée !
Premier roman de Marie Mangez où Sylvain Bragonard le protagoniste posséde un nez comme les plus grand parfurmeur, œnologue et autres professions dont l'odorat est important. Mais Sylvain lui travaille comme embaumeur. Alice, une jeune thésarde qui s'intéresse à son étrange profession et cette homme sera un mystère pour elle. Doucement, elle va l'apprivoiser, partager avec lui sa passion pour la musique, et comprendre ce qu'il cache depuis quinze ans.
Le sujet de ce récit est délicat et peu évident à traité, mais Marie Mangez s'en sort avec pudeur, espoir et une éclatante lumière et du coeur. Une intrigue sombre et atypique comme les personnages, des odeurs, des musiques défilent au fur et à mesure que l'on tourne les pages. Des personnages profond, hauts en couleurs, crédible, attachants et touchants.
Les secrets, Les sens, La mort, Le deuil, L'amour, La résilience.
"Est-ce qu'on pouvait vivre en ne sentant plus rien, est-ce qu'il pouvait vivre alors qu'il ne se sentait même plus lui-même ? Il n'avait plus d'odeur, plus d'existence, un ectoplasme et pourtant il sentait malgré tout, dans la poitrine de cet ectoplasme, résonner les palpitations sourdes et douloureuses d'une vie encore en marche, une vie qui, tandis qu'il se purgeait de ses dernières gouttes de liquide physiologique, tentait, dans un bricolage éperdu, de raccorder les fils."
Il s’agit du premier roman de l’autrice, et elle démarre avec un sujet plutôt hors du commun qui m’a fait découvrir un métier : thanatopracteur. J’ai été séduite par son écriture, une écriture pleine de douceur et fluide.
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Des personnages abîmés et attachants malgré le caractère un peu (voir même très) bourru de Sylvain. Sylvain qui redonne vie au corps des morts, on le voit reprendre vie lui-même petit à petit au fil du livre. Des descriptions de parfums qui nous transportent, et nous permettent de visualiser l’odeur décrite. J’ai passé un bon moment lors de cette lecture pleine d’émotions.
Pour les besoins de sa thèse Alice suit le quotidien de thanatopracteurs. Étrange métier que celui de rendre un visage décent aux morts avant de leur dire adieu, un métier méconnu, moqué et pourtant tellement utile. C'est ainsi qu'elle se retrouve chez Sylvain, un passionné de son métier mais un grand taiseux, un solitaire fracassé par un drame survenu 15 ans plus tôt qui l'a définitivement coupé du vivant. Ce n'est qu'auprès des corps sans vie qu'il se sent revivre, son nez exceptionnel reconstituant dans les effluves de ces corps la trame de leur existence. Alors que l'une va se rapprocher de la mort, l'apprivoiser et apprendre à ne plus la craindre, l'autre va au contact d'Alice se réconcilier peu à peu avec la vie.
C'est un roman bien original que celui ci. Un très beau voyage au pays des sens, faisant la part belle à l'odorat, au travers du don exceptionnel de sylvain', au toucher plein de délicatesse quand il rend leur dignité à ces corps malmenés par la mort, mais aussi à l'ouïe au travers de la musique qui peu à peu le ramènera vers le monde des vivants. C'est fluide et le style est enlevé mais à vrai dire je n'ai pas été complètement séduite par cette belle histoire. Peut être était elle un peu trop convenue ou ses personnages un peu trop caricaturaux? J'ai passé un bon moment mais je n'en garderai pas un souvenir impérissable. On est quand même bien loin du « Parfum » de Suskind auquel je l'ai souvent vu comparé.
Sylvain, thanatopracteur solitaire et indéchiffrable accueille en stage Alice, thésarde charmante et culottée : cette paire insolite est un bon point de départ pour ce roman qui bouscule les codes de la bienséance olfactive comme l’indique son titre.
L’auteure orchestre leur pas-de-deux sur fond de mystère et de tension inexpliquée, le saupoudrant d’émotion et d’humour (souvent noir, comme il se doit), autour de macchabées dans des housses et de non-dits familiaux.
« Le parfum des cendres » s’inscrit entre « Ensemble, c’est tout » d’Anna Gavalda pour le charme des personnages et l’improbabilité de leur rencontre, et le « Parfum » de Süskind ; mais contrairement au psychopathe Jean-Baptiste Grenouille (évoqué dans les premiers chapitres), Sylvain est un humaniste qui cherche à s’approcher au plus près de ce qu’étaient les morts quand ils ne l’étaient pas.
L'embaumeur est énigmatique, la stagiaire va s’employer à découvrir ce qui se passe derrière son mutisme et sa gravité, en activant ses ressources d’observation, de finesse et de curiosité. La mémoire olfactive aura son rôle à jouer, et une fois le livre refermé, vous ne sentirez plus la muscade de la même façon...
Le sujet est original, le récit et l’écriture sont maîtrisés, le cœur se serre au fil de la lecture et les personnages sont abandonnés à regret : quelle belle réussite, chapeau pour un premier roman !
Lu dans le cadre des 68 premières fois, ce livre voyage auprès des lecteurs/lectrices engagé.e.s dans l'aventure
« Ici un fragment de citronnelle, un effluve de camomille, de la cardamome, une pincée de badiane. Là du muguet, de la coriandre ou du bois de rose, des notes de sauge ou de lavande, acajou et églantine, ou encore cuir de chèvre et pain grillé, plastique neuf et mousse de chêne, parfois framboise et terreau frais. »
Sylvain, thanatopracteur, appréhende une personnalité grâce à son don, il hume les parfums des corps. Les senteurs sont variées : florales, puissantes, sensuelles, enivrantes, gourmandes. Que ce soit les vivants ou que ce soit les morts, Sylvain sent tout ce qui lui passe sous le nez. Quand Alice s’intéresse à la profession de l’homme, elle trouve sa façon de faire très particulière. En bousculant le quotidien de Sylvain, elle comprend que celui-ci cache quelque chose. La rencontre des deux est une explosion de fragrances.
« Depuis lors, son nez errait dans le vide atmosphérique, pauvre appendice isolé et stérile, privé de connexion avec son cerveau dont il constituait jadis, tout à la fois, la proue, la boussole et le radar ; et dans ce cerveau amputé de son radar, dans cette prison mentale flottaient, elles aussi condamnées à perpétuité, toutes les odeurs emmagasinées au cours des vingt-deux ans de sa présence au monde. »
Quelle surprise ! Le parfum des cendres est le style de roman que j’affectionne beaucoup. En effet, tous les sens sont en éveil pendant la lecture, impossible d’être insensible. Marie Mangez m’a immergé dans un lieu qui n’est pas des plus joyeux, je vous l’accorde, mais avec ses descriptions olfactives elle le rend tellement vivant et beau à lire que les pages défilent. Alice si pétillante. Sylvain si morne. Les deux forment un duo qui fonctionne vraiment bien.
Un premier roman sensoriel qui ne pouvait que m’attirer à lui. Ce rapport aux corps, aux morts se mêlant à nos sens, il ne pouvait en être autrement en étant soignante. Observer, sentir, toucher et se raconter leurs histoires.
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2022/05/31/39498669.html
Pourquoi Sylvain Bragonard (clin d'œil à la maison Fragonard de Grasse ?) a-t-il abandonné sa vocation de parfumeur de génie doté d'un odorat exceptionnel (on le surnommait alors le « Picasso du nez ») pour devenir thanatopracteur ?
Vous le découvrirez en compagnie d'Alice, une thésarde intéressée par cette étrange profession et intriguée par le comportement énigmatique de son objet d'étude.
De ce premier roman prometteur, j'ai aimé l'originalité du thème, qui n'est pas sans rappeler « Le parfum » de Süskind, même si Sylvain n'a rien d'un psychopathe, « et la manière dont l'autrice décrit un métier méconnu et magique qui tente de réussir la gageure de pérenniser l'aspect humain d'un mort ou, en quelque sorte, de rendre vivant un défunt en lui insufflant une forme de fausse éternité. Juste pour ses proches qui garderont de lui le souvenir de celui qu'il fut avant son décès.
Dans la manière dont il exerce son métier, Sylvain fait à la fois œuvre d'artiste, par sa capacité de création, et de philosophe, dans son rapport à la mort.
J'ai aussi apprécié le rythme du récit qui ménage le suspense et qui exalte les sens : odeurs, couleurs, sons...
Avec sa solitude, sa complexité, son passé dévoilé par bribes, ses obsessions, ses fêlures, ses silences, sa fascination pour la mort, le personnage masculin est bigrement attachant. Un autre personnage, essentiel car il est la clé de tout, va se dévoiler progressivement tout au long du roman.
En revanche, moins réussi est le portrait d'Alice, sorte de messie féminin toujours de bonne humeur et prêt à tous les sacrifices pour sauver le taciturne embaumeur. Quitte à tomber dans une sentimentalité un peu niaise.
Quant au style, il est un peu déroutant. Presque lyrique quand il évoque les rapports de Sylvain avec ses « clients », il vire trop souvent à la trivialité dans la restitution des dialogues, parfois trop convenus, et des pensées de l'étudiante.
EXTRAIT
C'est aux rituels d'embaumement que le parfum devait sa maternité. Les hommes avaient commencé par parfumer leurs morts, avant d'embaumer les vivants.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-le-parfum-des-cendres-marie-mangez-finitude/
Marie Mangez - Le Parfum des Cendres
Sylvain est thanatopracteur. Il s'occupe de redonner un peu de vie à ces corps abîmés par la mort.
Il le fait avec douceur, délicatesse et finesse, en définissant et en attribuant à chacun d'entre eux, un parfum de fleurs, de fruits, d'arbres, d'épices...
Mais dès que Sylvain interrompt son travail et sort de son laboratoire, il se ferme. Il refuse le contact avec le monde extérieur, devenant hermétique à tout ce qui l'entoure et se passe autour de lui.
Pour quelle raison est-il aussi solitaire, taiseux ?
Alice, éternelle étudiante, veut en savoir plus sur ce métier et demande à suivre Sylvain au jour le jour.
Elle l'observe, scrute ses moindres faits et gestes, voulant connaitre les raisons qui l'ont conduit à exercer un tel métier à son âge. Elle veut percer le mystère qui l'entoure.
L'expérience de la perte d'un proche, d'un être aimé est un cap difficile à passer. Mais il peut arriver aussi que l'on doive faire le deuil d'un membre, d'un sens ou d'une compétence.
Il peut y avoir beaucoup de choses dont on doit faire le deuil et dont on ne parle jamais assez.
Accepter qu'on ne peut plus faire quelque chose (marcher par exemple) et adapter sa vie en fonction de cela (utiliser un fauteuil roulant, modifier son logement...) est un exercice aussi difficile que de faire le deuil d'une personne...
" Sylvain ne s'entendait pas avec les vivants. Il ne pouvait établir avec eux la même complicité, ressentir à leur égard la même affection qu'envers ces dépouilles vaguement nauséabondes étalées sur la table de préparation. Un fossé le séparait d'eux : le fossé entre la vie et la mort."
p 10
"L'ouverture de la housse, c'était toujours un moment spécial. On ne savait jamais exactement à quoi s'attendre. Instant Kinder surprise".
p 11
"Je me sens trop vivante pour ne pas être passionnée par la mort, Monsieur Bragonard. Comme beaucoup de personnes, non ? (...)
Et vous, Sylvain, qu'est-ce qui vous intéresse dans la mort ?
Silence profond. Il semblait sincèrement réfléchir à la question.
"La vie,
- la vie ?..."
Il opina, l'oeil intense et trouble, termina son Perrier cul-sec, et de nouveau la boucla."
p 29
"Oui c'est dans cet univers des plus triviaux, l'univers de la mort, que surgissait soudain tout un monde de parfums, sensuel et vibrant, crée par une voix dont les accents s'adoucissaient au contact de ces particules olfactives jaillies du néant.
A leur contact, la voix bourrue et sèche de l'embaumeur devenait enveloppante comme celle d'un conteur et Alice se laissait bercer, transporter par ce son grâce auquel, sous leurs yeux, les chairs figées reprenaient couleur et vie."
p 77
(...) embaumement et parfum. Deux mots liés dans leur essence : c'est aux rituels d'embaumement que le parfum devait sa maternité. Les hommes avaient commencé par parfumer leurs morts, avant d'embaumer les vivants."
p 125
"Tout ça, dans le fond, c'était une histoire de perte de sens, et c'est par cette perte de sens qu'elle, Alice, avait finalement trouvé le sien. Une affaire d'Ephémère... oui, c'était ça."
p 202
"(...) le choc, en rompant les fils qui l'attachaient au monde extérieur, avait également sectionné le lien qui maintenait Sylvain à son enveloppe corporelle, son propre corps lui était plus étranger que ceux des cadavres qu'il manipulait toute la journée."
p 225
Cette lecture stimule tous les sens. On lève le nez pour sentir les odeurs que Sylvain évoque ; on salive à l'évocation des mets qu'il aime à cuisiner.
Ce roman est à la fois glaçant par l'évocation des gestes de l'embaumeur mais aussi plein de joie de vivre et d'enthousiasme.
La vivacité d'Alice, avec sa musique et ses playlists éclectiques, nous ramène rapidement vers la vie et l'optimisme.
Un premier roman sur la résilience, qui percute et dont on ne sort pas indemne !
Encore une belle découverte des #68 premières fois !
❝ Le coup d’œil est souvent trompeur, pas le coup de nez. N’ayez pas peur de reconnaître franchement les conclusions de votre olfaction. Cela évitera bien des massacres, des controverses et des conversations inutiles, des vies ruinées par l’ennui, l’asphyxie, l’envie. Je ne connais pas d’autre grâce que celle d’être nez.❞
Philippe Sollers, Passion fixe
❝ Bernadette était allongée, paupières fermées, les bras sagement étendus le long du corps. Au cœur de ses joues sillonnées de rides, légèrement affaissées, on distinguait le creux des fossettes, centres névralgiques d’un visage encore animé par des années de sourire. Visage arborant désormais une expression sereine — Bernadette attendait que l’on s’occupe d’elle, remettant placidement son enveloppe charnelle aux soins d’autres mains que les siennes.
Sylvain la contempla avec tendresse. D’un mouvement délicat, le pinceau alla caresser les lèvres de la vieille femme, une caresse minutieuse et colorante. Rouge grenat. Teinte identique à celle du tailleur que la famille avait préparé pour elle.❞
Ainsi s'ouvre Le Parfum des cendres de Marie Mangez. Pour son premier roman, l'autrice a choisi de s’intéresser à un jeune homme et à sa profession aussi peu banale que méconnue. Thanatopracteur. Sylvain Bragonard (clin d’œil à la Maison Fragonard, parfumerie fondée par Eugène Fuchs ?) est thanatopracteur, mais pas un thanatopracteur comme les autres. Sylvain a un nez, voyez-vous. Il hume les morts et leur offre, pour dernier hommage, l’embaumement qui raconte le mieux la personne qu’ils étaient de leur vivant. On pense bien sûr au Parfum de Patrick Süskind — Marie Mangez glisse d’ailleurs des allusions au fabuleux odorat de Jean-Baptiste Grenouille qui, lui, n’avait cure de l'enveloppe charnelle et de son apparence. On pense aussi à l'excellente série Six Feet Under qui a fait les beaux jours d'HBO cinq ans durant, elle aussi citée par l’autrice.
Sans surprise, les meilleurs passages de ce roman atypique sont ceux où Sylvain brosse le portrait subtil, tout en sensibilité olfactive, des morts que ce nouvel Anubis magnifie. Voilà comment il nous présente Bernadette :
❝ Ça lui allait bien, cette couleur au parfum de groseille. Sylvain écarquilla les narines, son regard glissa le long de la petite bouche ronde et encore charnue, séductrice, encadrée de plis amers que venaient contrebalancer, un peu plus loin, les deux fossettes rieuses. Et puis, au bout de ses doigts déformés par l’arthrose, ultime coquetterie, une dentelle de vernis écaillé… Groseille, oui. C’était bien ça. Cette fragrance piquante et fruitée. Une bille écarlate qui éclate en jus acide, très acide sous ses dehors pimpants, pas du genre à enrober le palais de douceur sucrée, la groseille, plutôt du genre à le picoter délicieusement – avec, de temps à autre, l’éclair d’amertume des minuscules grains qui cèdent sous la dent.❞
ou Giselle :
❝ parfum chaleureux et végétal, la lourde et capiteuse puissance du patchouli sur ces bras massifs, plutôt flasques, bardés d'hématomes, des bras faits pour serrer — éventuellement pour étouffer — et pour s'agiter avec expressivité... Une drama queen à l'orientale, le patchouli, fragrance liquoreuse, séductrice et entière, qu'on aime ou qu'on déteste, une note de fond, facilement entêtante, avec une tendance notoire à s'incruster. Et puis aussi, en humant bien, quelque chose d'autre... quelque chose de plus tendre et léger, une note de tête, aérienne, fragile : le lilas. Et ce n'était pas un mélange parfaitement harmonieux, non, le lilas et le patchouli, l'accord était risqué et parfois dissonant, comme une guerre que l'un et l'autre se menaient au cœur de Giselle. Souvent à l'avantage du patchouli, qui écrasait tout, mais le lilas résistait, il surgissait brièvement puis se faisait de nouveau engloutir, et l'ensemble formait malgré tout un semblant de cohérence, une odeur poudrée, vibrante, très effective, nimbée de naïve coquetterie.❞
ou encore ce long vieillard maigre aux joues creuses qui sent :
❝ [...] du vieux journal et de la bergamote. [...] Du vieux journal [...›] Quand le papier jaunit et commence à s'émietter, vous savez... ça dégage un genre d'odeur suave et humide, très légèrement plus sucrée que les vieux bouquins mais c'est la même famille, la cellulose en décomposition, c'est très fin et dé"lichât, cette odeur, léger comme la poussière et dense à la fois... ❞
Chez ce taiseux, ce lyrisme soudain à de quoi étonner. En tout cas, il captive Alice, jeune thésarde venue observer Sylvain dans le cadre de ses recherches en anthropologie. Des thanatopracteurs elle en a rencontré d’autres avant lui, mais celui-ci... celui-ci l’intrigue, sa manière de travailler... son mutisme... Il cache quelque chose que cette curieuse impénitente, prompte à mettre les pieds dans le plat, se fait fort de découvrir. Et Alice intrigue tout autant Sylvain :
❝ Qu'est-ce que ça cachait, cette gaieté permanente, il se le demandait, une fille comme ça, on aurait dit qu'elle surajoutait de la vie partout comme on noie sous le sel et les épices un plat trop fade,❞
Sylvain et Alice. Alice et Sylvain. L’un est taiseux, l’autre volubile, très volubile. L’un est solitaire, l’autre envahissante, très envahissante. L’un est rugueux, replié sur lui-même, l’autre spontanée (comprenez limite sans-gêne), pétillante, et bien décidée à fendre l’armure de cet homme taciturne pour lequel on se prend d'affection tant on pressent qu'il a laissé derrière lui sa propre vie. Que lui est-il arrivé ? Quel événement en est la cause ?
Difficile de trouver deux êtres plus dissemblables. Les opposer est un procédé convenu qui, poussé ici méthodiquement jusque dans les moindres détails, manque de finesse, c'est certain. Pourtant aussi mal assorti soit-il le duo qu’ils forment fonctionne bien et on pardonne son côté caricatural. Il est intéressant de voir comment petit à petit la virevoltante Alice apprivoise Sylvain, l’amenant avec toute la douceur brusque dont elle est capable à lui livrer des bribes de son passé qu’il remonte jusqu’à ce jour de juillet au parfum de cendres, quinze ans auparavant.
❝ Sylvain ne s’entendait pas avec les vivants. Il ne pouvait établir avec eux la même complicité, ressentir à leur égard la même affection qu’envers ces dépouilles vaguement nauséabondes étalées sur la table de préparation. Un fossé le séparait d’eux : le fossé entre la mort et la vie. Ce que ressentaient les macchabées, il le comprenait, et eux semblaient le comprendre aussi, bien mieux qu’aucun vivant. Leur monde à eux, le monde des vivants, Sylvain Bragonard l’avait quitté, sur la route de Grasse, le 21 juillet, il y a quinze ans.❞
La clef de l’énigme est là qui explique pourquoi Sylvain, après avoir suivi de brillantes études de chimie qui le destinaient à devenir nez chez un grand parfumeur, a tout laissé tomber du jour au lendemain pour devenir thanatopracteur et quitter le côté des vivants pour celui des morts.
De nombreuses variations de style (familier voire gouailleur, paroles de chanson, registre plus soutenu entre autres) créent un rythme dans un roman où, il faut bien le dire, il ne se passe pas grand chose. L'écriture de Marie Mangez n’est jamais aussi juste que lorsqu’elle évoque l’univers sensoriel des odeurs et des sons. C'est particulièrement réussi
❝ Oui, c’est dans cet univers des plus triviaux, l’univers de la mort, que surgissait soudain tout un monde de parfums, sensuel et vibrant, créé par une voix dont les accents s’adoucissaient au contact de ces particules olfactives jaillies du néant. À leur contact la voix bourrue et sèche de l’embaumeur devenait enveloppante comme celle d’un conteur et Alice se laissait bercer, transporter par ce son grâce auquel, sous leurs yeux, les chairs figées reprenaient couleur et vie.❞
et, comme Alice, on se laisse volontiers bercer. Par contre, l'écriture peine à me convaincre dès qu'elle s'éloigne de cet univers-là. Les dialogues, par exemple, sont empreints d'une vulgarité répétitive loin d’être toujours indispensable, me semble-t-il.
Roman de la perte, Le Parfum des cendres est l’histoire d’une renaissance comme un miracle laborieux à la faveur d’une rencontre fortuite, de deuil à faire, de fantôme à laisser partir, d'un fossé de douleur à enjamber pour revenir du côté des vivants, d’un passé dont l’odeur âcre a recouvert et annihilé toutes les autres, de goûts à réapprendre — celui de vivre n’étant pas le moindre.
Un premier roman intrigant, plein d'humanité sur une profession méconnue et de fraîcheur sur la mort comme vous ne l’avez jamais sentie.
Lu pour la sélection 2022 des #68premieresfois
https://www.calliope-petrichor.fr/2022/05/25/le-parfum-des-cendres-marie-mangez-finitude/
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