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En pleine Guerre froide, le « Service », organe obscur des renseignements britanniques, décide
d'enquêter sur ce qui se trame en Allemagne de l'Est. L'installation d'une rampe de missiles
soviétiques à portée de l'Ouest donnera-t-elle lieu à une nouvelle crise internationale oe
Ce roman palpitant nous entraîne de la Scandinavie à l'improbable Kalkstadt, en Allemagne de
l'Est. Ces hommes qui se battent pour leur patrie seraient-ils dupes d'un miroir aux alouettes qui
ferait de l'Angleterre une pièce maîtresse du grand jeu de l'espionnage oe
Second roman du maître John Le Carré que je lis, et étrange impression à la lecture, comme un « déjà-lu »… Alors soit il existe un livre à l’intrigue similaire, soit il s’avère qu’un pur espion n’était pas le premier livre de Le Carré que je lisais. Bref... L’intrigue est simple : Taylor meurt dans de curieuses circonstances lors de la récupération de photographies en Finlande. Avery est envoyé par le Service pour ramener le corps et si possible en savoir plus. Pendant ce temps, Leclerc, le chef du Service, se monte déjà la tête et croit à la réalité d’une base de missiles soviétiques installée à proximité de la frontière ouest-allemande, sur la base des indices qui lui sont parvenus. Tout est alors mis en œuvre par Leclerc pour redonner au Service son prestige d’antan et damner le pion au Cirque de Smiley. L’agent Leiser est alors retrouvé et remis au niveau avant d’être envoyé derrière les lignes ennemies, dans une périlleuse mission d’infiltration.
Il n’y pas là l’ampleur romanesque d’un pur espion, mais dans une forme plus simple, plus épurée, M. Le Carré arrive à nous faire ressentir la tension permanente des agents, de ces membres des services secrets qui mettent leur vie en péril pour une cause qui souvent les dépasse, pour défendre un intérêt national dont ils n’ont que faire, cherchant peut-être juste à se sentir vivant en faisant ce qu’ils font… Toujours une grande justesse psychologique, et une finesse d’analyse de certaines situations et de certains comportements. Et même si, là encore, le style n’atteint pas la maturité de celui d’un pur espion, il est déjà très sûr, et possède même cette touche d’humour pince sans rire si propre aux britanniques, qui convient ici parfaitement à ce monde feutré de l’espionnage, où l’on quitte le bureau pour aller à son club, et où l’on traite entre gentlemen d’enjeux diplomatiques considérables.
Au final, peu d’actions, et une intrigue resserrée, mais de capitales interrogations sur le sens à donner à ce que l’on fait, sur ce à quoi on peut se résoudre au nom d’un intérêt supérieur, comme sacrifier un agent, et sur les attitudes diverses des hommes qui auront à prendre cette décision. Un bon roman, à la simplicité d’une tragédie.
Qu’y a-t-il à voir dans Le Miroir aux Espions ? Vingt ans après…les héros de John Le Carré, au tournant des « sixties », ne sont pas aussi fringants que ceux d’Alexandre Dumas. Ont-ils d’ailleurs vraiment été héroïques ? Certains oui, d’autres moins. Et, c’est la triste vérité, les morts sont plus nombreux dans la première catégorie. Alors ceux qui restent se congratulent en se rappelant qu’ils ont gagné la guerre en formant et envoyant des agents sur le continent occupé. Lorsque la rédaction et l’envoi de leurs notes de frais leur en laissent le loisir, ils expédient des affaires qui, pour être courantes et peu exaltantes, n’en sont pas moins suffisantes pour leur permettre de s’imaginer toujours comme les fers de lance de la lutte contre l’ennemi à présent soviétique. S’ils jetaient un œil au Miroir, ils pourraient y voir les « has been » qu’ils sont devenus.
Avec Le Carré, on est plus proche de Balzac que de Dumas. Sa Comédie Humaine se limite au monde des services secrets mais ce sont bien les peines, les travers et les bassesses de l’Humanité qui nous sont exposées.
Résumons l’intrigue : ce service de renseignement de l’armée, florissant pendant la guerre, végète tristement lorsque lui parvient une information indiquant que des fusées seraient en cours d’installation dans le nord de l’Allemagne de l’Est avec pour cible les îles britanniques. Un Cuba bis, en quelque sorte, avec Londres en ligne de mire plutôt que Miami. Scoop formidable ou intoxication habituelle ? Une première tentative de vérification, pur cocktail d’amateurisme et d’improvisation, ayant conduit à l’échec programmé et mérité, on décide, avec l’aval du Ministère, plutôt que de laisser l’affaire au MI6 mieux équipé et organisé, de faire cavalier seul pour récolter les hypothétiques lauriers et subsides, gages de la renaissance du Service.
On racle les fonds de tiroir, on ressort le matériel de vingt ans d’âge (ce qui est excellent pour le whisky ne l’est pas vraiment pour un poste émetteur) et on finit par trouver un volontaire assez fou pour être jeté seul dans la gueule du loup avec la grandiose mission d’aller vérifier sur place, derrière le rideau de fer. N’en disons pas plus et laissons John Le Carré déployer quelques uns de ses thèmes de prédilection :
Pourquoi un homme, apparemment sain de corps et d’esprit, sans aucun besoin d’argent et n’étant aucunement susceptible de prêter le flanc à un quelconque moyen de pression ou de chantage accepte-t-il de risquer sa vie dans ce genre de mission ?
Comment de simples fonctionnaires, sans autre talent notable que leur aveuglement, peuvent-ils se persuader qu’ils sont capables de réussir, du jour au lendemain, une opération qu’ils n’ont plus tenté depuis vingt ans ?
Pourquoi les médiocres, dépourvus du moindre charisme, réussissent-ils toujours à trouver et à persuader des courageux de faire ce qu’ils trouvent beaucoup trop dangereux pour eux-mêmes ?
Comment parviennent-ils à effacer de leur mémoire les victimes de leurs bavures en quelques secondes ? Comment réussissent-ils à s’endormir paisiblement avec comme seul stimulant une infusion de camomille ?
John Le Carré ne raconte pas seulement des histoires d’espionnage, de peur et de solitude. Il dépeint la nature humaine et des hommes, qui doivent affronter, comme ils peuvent, ce que les autres ne veulent ni voir ni savoir !
Si vous avez eu l’occasion, dans votre carrière professionnelle, de faire partie du clan des « opérationnels » plutôt que de celui des «administratifs ou fonctionnels, comme on dit à présent», et même si, Dieu merci, votre métier ne vous a jamais amené, comme le héros de ce roman, à ramper dans les fougères, quelque part du côté de Lübeck, au pied d’un mirador truffé de Vopos armés jusqu’aux dents, cette citation est pour vous :
« Ils s’en fichent bien, eux, et il se souvint que rien ne comblait jamais l’abîme qui séparait l’homme qui partait de celui qui restait en arrière, les vivants des mourants. »
Great…comme la langue et l’œuvre entière de ce génial écrivain !
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