Le Feu a été écrit en 1916, lorsque Henri Barbusse, engagé comme soldat d’escouade ; puis comme brancardier, a été évacué dans les hôpitaux. Publié en novembre 1916, il remporte le prix Goncourt, en pleine guerre. Il est perçu par ses contemporains, comme un chef-d’œuvre de la littérature de...
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Le Feu a été écrit en 1916, lorsque Henri Barbusse, engagé comme soldat d’escouade ; puis comme brancardier, a été évacué dans les hôpitaux. Publié en novembre 1916, il remporte le prix Goncourt, en pleine guerre. Il est perçu par ses contemporains, comme un chef-d’œuvre de la littérature de guerre. A la lecture de ce récit, le lecteur acquiert d’emblée l’impression que c’est à une véritable radiographie de la guerre que nous délivre Henri Barbusse. Qui sont ces poilus, d’où viennent-ils, de quels milieux, de quelle tranche d’âge ? Nous sommes fixés dès le début : « Nos âges ? Nous avons tous les âges. Il y a, côte à côte, trois générations qui sont là, à vivre, à attendre, à s’immobiliser, comme des statues informes, comme des bornes. » Ce sont plutôt les classes populaires qui sont mobilisées, prêtes à être sacrifiées sur le front : « Un peu de tout dans le tas (…) Avant de venir enfouir sa destinée dans des taupinières, qu’étions-nous ? Laboureurs et ouvriers pour la plupart. » « Pas de profession libérale pour ceux qui m’entourent. »
C’est l’horreur, la cruauté, la peur qui sont bien sûr les éléments majoritaires de cette évocation. Mais Henri Barbusse soulève aussi des questions essentielles : comment la guerre transforme-t-elle les combattants ? Est-elle fatale ou évitable ? Peut-on la surmonter ? On sait que les survivants de ce conflit qui s’étaient convertis au pacifisme des années vingt l’ont surnommée « la der des der », espérant, hélas à tort, qu’elle serait la dernière dans l’histoire du continent européen.
Les combattants décrits par Henri Barbusse restent des hommes envers et contre tout : « Ce ne sont pas des soldats : ce sont des hommes. Ce ne sont pas des aventuriers, des guerriers, faits pour la boucherie humaine -bouchers ou bétail. Ce sont des laboureurs et des ouvriers qu’on reconnaît dans leurs uniformes ; Ce sont des civils déracinés. »
Le grand mérite du récit d’Henri Barbusse est de restituer l’horreur du conflit, de rappeler ce degré de barbarie que peut atteindre l’humanité en guerre ; il est aussi de faire entrevoir au lecteur qu’un autre monde est possible : « L’œuvre de l’avenir sera d’effacer ce présent-ci, et de l’effacer plus encore qu’on ne pense, de l’effacer comme quelque chose d’abominable et de honteux. Et pourtant, ce présent, il le fallait ! IL le fallait ! »
On pense évidemment au roman d’Erich Maria Remarque À l’ouest, rien de nouveau, écrit du côté allemand à propos de ceux de 14-18 et aussi à Orages d’acier d’Ernst Jünger, à titre de comparaison. L’ouvrage a fait date dans l’histoire de la littérature de guerre et dans celle du courant pacifiste, ce n’est pas la moindre de ses qualités multiples.