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En revenant au domaine des Douves, Clovis est bien décidé à n'y rester que le temps de régler la succession de sa grand-mère, morte tragiquement dans l'incendie de sa maison. Mais nul ne revient impunément sur les lieux de sa jeunesse. À peine le seuil franchi, les souvenirs de cette enfance merveilleuse et cruelle ressurgissent avec violence. Happé par le passé, Clovis devra affronter les secrets cachés au fond des douves.
Quoi de plus banal pour débuter un roman ? L’annonce du décès d’une aïeule dans l’incendie de sa propriété, la demande express de venir reconnaître le corps, dont le visage a été épargné, un trajet en voiture jusqu’au domaine. Certes l’irruption d’une libellule géante sur le pare-brise pourrait étonner. Mais après de longues heures de route en solitaire, les sens ne sont-ils pas perturbés ? Le doute survient aux premières touffes d’herbes rouges. La certitude advient lorsque le flic chargé de l’enquête arrive au domaine escorté de deux cerfs blancs…
Deux solutions à cette étape : faire une petite sieste et passer à autre chose, ou plonger sans hésitation au coeur de ce roman totalement déjanté, où il faut se méfier des tulipes furtives, et accepter que le trafic de lait de tiques constitue un négoce juteux pour la famille hors norme qui vit dans ce territoire incroyable.
Pire encore, Benjamin Planchon ne recule devant aucune traitrise, mêlant les vraies fausses références et les fausses vraies informations pour mieux nous perdre. De néologismes en créations délirantes que Boris Vian (L’écume des jours) ou Louis Malle (Black moon) n’auraient sûrement pas reniées.
C’est délirant, jubilatoire ! Un conseil, se laisser porter par la poésie qui se dégage de ce roman extravagant, et se laisser accompagner dans les créations hallucinées du récit. On peut détester : j’adore.
PS Même la couverture me séduit
256 pages millet Barrault 16 mars 2022
Tout commence comme une banale enquête. Clovis exerce avec passion son métier de peintre restaurateur. Il s'adonne au jogging dans le bois de Saint-Ouen quand un appel téléphonique l'oblige à replonger dans ses souvenirs d'enfance. Le Domaine des Douves qu'il a quitté 25 ans auparavant a été ravagé par un incendie. On y a retrouvé un corps, probablement celui de Phéodora Portemer, sa grand-mère, qu'il est le seul à pouvoir identifier. Voilà pour les premières pages. Mis à part le détail de Bosch en couv, de très mérovingiens prénoms, rien ne prépare à autre chose que de très ordinaire.
Et Clovis entame son retour au Domaine, s'immergeant peu à peu dans le territoire de son enfance. Très vite, ma lecture pantouflarde est chahutée par des métaphores audacieuses. La réalité semble factice et se peuple de figures féeriques, tantôt grotesques, tantôt cruelles. Ici, c'est un cheval échappé sur l'autoroute, là c'est le langage même qui se contamine. "Sirulgeineuse"? Ça existe? Dans ma grande naïveté, d'abord, j'ai cherché. De page en page, mes repères se brouillent, se fissurent, se fracassent de toutes parts, sous la pression d'une nature à la vigueur foisonnante d'ogresse.
Me voilà prisonnière d'un album de Claude Ponti ou d'une nouvelle de José Carlos Somoza. Au domaine des douves, on trait des tiques obèses, les méduses papillons fanent et l'alcool de larmes se récolte lors des funérailles.
L'imagination est bombardée de visions, de "rouges déments, de jaunes à dents, de oranges hérissés", le nez épuisé d'odeurs jusqu'à la nausée. Et quand on croit reprendre pied, c'est pour se laisser berner par un catalogue de références artistiques digne de la rabelaisienne bibliothèque de Saint-Victor. Le faux contamine le vrai, plongeant la lecture dans une permanente insécurité intellectuelle. Les souvenirs se forment, se déforment, se confondent avec les rêves. Quelle idée, aussi, d'aller chercher la vérité dans la littérature!
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