"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Près du village de Werst, en Transylvanie, se dresse le château des Carpathes qui, depuis le départ du dernier représentant de ses seigneurs, Rodolphe de Gortz, est complètement abandonné et fui par tous tant les rumeurs alarmantes et de folles légendes circulent à son sujet. Un jour, une fumée est aperçue au faîte du donjon. Malgré leur peur, le jeune forestier Nic Deck et le docteur Patak partent en reconnaissance et sont victimes de phénomènes surprenants. Peu après ces événements, le comte Franz de Telek qui voyage pour oublier la mort de sa fiancée, la cantatrice Stilla, arrive à Werst. Apprenant que le château des Carpathes appartenait à celui qui l'avait maudit au moment du décès de la Stilla, il décide de s'y rendre... Dans ce roman envoûtant, Jules Verne s'affirme comme un maître de la littérature fantastique.
Illustrations de l'édition originale Hetzel.
Les légendes les plus folles circulent au sujet du Château des Carpathes (Transylvanie) , vaste monument délaissé par la famille de Gortz depuis des siècles.
Les habitants du village de Werst cultivent ces croyances et s’y accoutument.
Jusqu’au jour ou un berger aperçoit des fumées s’échappant des murailles.
Une expédition composée du jeune forestier Nick Deck et du médecin Patak se dirige vers le château, bien décidée à élucider le mystère.
C’est un fiasco. Nick Deck perd connaissance, le médecin se retrouve provisoirement immobilisé.
Tout cela concourt à valider la croyance, le château est hanté...
L’arrivée au village du jeune comte Franz de Télek va rebattre les cartes.
Son histoire personnelle (il connait Rodophe de Gorz) ajouté à son dédain des croyances suffiront à lancer une nouvelle expédition à l’assaut du Château.
Lu une première fois à l’adolescence, j’avais conservé un souvenir (erroné) de vampires et autres phénomènes surnaturels.
Il n’en est rien !
Dans ce court roman, Jules Verne oppose croyances et science et se fait un malin plaisir de démontrer que la science a réponse à tous.
Enfin, presque... car un évènement restera inexpliqué : l’Amour !
Un agréable moment de lecture .
Le Château des Carpathes, seul roman gothique de l'auteur nantais, achevé en 1889, a dans un premier temps été publié en feuilletons du 1er janvier au 15 décembre 1892 dans la revue Le Magasin d'éducation et de récréation, puis sous forme de volume par l'éditeur Hetzel, la même année. Sa publication intervient 42 ans après celle du roman de Karl Adolf von Wachsmann l'Etranger des Carpathes oublié en 1844, et 5 ans avant celle du Dracula de Bram Stoker paru en 1897, œuvres littéraires reprenant les thèmes similaires d'un personnage maudit effrayant les habitants d'un village reculé dans des lieux inquiétants, thèmes très en vogue à l'époque. Bien que Le Château des Carpathes puisse être qualifié à raison de roman gothique, la science et la technologie y jouent un rôle non négligeable.
Frick, berger de Werst, essaie la lunette qu'il a achetée à un colporteur en observant le paysage. C'est alors qu'il aperçoit une chose insolite: une brume insolite qui s'échappe du donjon du vieux burg, abandonné depuis des lustres. Mais alors, s'il est à nouveau habité, ce ne peut être que par des êtres surnaturels ?!? "Mais à quel propos des esprits auraient-ils fait du feu dans un des appartements du donjon?" (Page 29). =>Voilà un mystère insondable!!
Les villageois sont tous unanimes: si le vieux burg est habité par des inconnus, voire même par des esprits, dès lors le village de Werst se trouvait dans une position fâcheuse Car que deviendrait-il si les touristes, déjà peu nombreux, désertaient la région? Ce serait la ruine assurée et les jeunes le quitteraient assurément pour trouver fortune ailleurs.
La seule solution est d'organiser une expédition jusqu'au château afin de se rendre compte sur place de ce qui s'y passe. Mais qui au village serait assez fou pour tenter l'aventure? Finalement, le jeune et intrépide Nick se porte volontaire, mais la tentative se solde par un cuisant échec, dissuadant les autres villageois de recommencer: "Interdiction formelle de chercher à s'introduire dans le château des Carpathes, voilà ce qu'il fallait conclure de cette déplorable tentative...Il suit de là que l'épouvante fut plus complète que jamais à Werst, même à Vulkan, et aussi dans toute la vallée des deux Sils. On ne parlait rien moins que d'abandonner le pays." (Page 116).C'est à ce moment qu'arrive au village le jeune comte Franz de Télek, qui, apprenant la situation du château, est frappé par le nom de son propriétaire.
Le narrateur revient quelques années en arrière afin de raconter l'histoire d'une cantatrice italienne, la Stilla dont le comte était très épris. Mais, à chacune de ses représentations, la jeune femme sent peser sur elle le regard terrifiant du baron Rodolphe de Gortz, également follement épris d'elle. Or, le jour où elle doit se marier avec le jeune comte, elle meurt en scène, comme transpercée par ce regard. Les deux rivaux en conçoivent une haine réciproque, chacun tenant l'autre pour responsable du décès de la cantatrice, Rodolphe de Gortz allant jusqu'à écrire au comte pour le maudire. Depuis, Franz de Télek voyage pour oublier sa douleur, ce qui l'a amené au village de Werst, où se trouve le château de son ennemi maudit.
Transylvanie: fidèle à son style didactique légèrement ampoulé, très répandu à l'époque, Jules Verne présente la Transylvanie à la manière d'une encyclopédie savante, avec pour résultat des passages qui deviennent vite ennuyeux à nos yeux de lecteurs modernes. Mais au moins, ressortons-nous de cette lecture plus instruits: "Tel est cet ancien pays des Daces, conquis par Trajan au premier siècle de l'ère chrétienne. L'indépendance dont il jouissait sous Jean Zapoly et ses successeurs jusqu'en 1699, prit fin avec Léopold Ier, qui l'annexa à l'Autriche." (Page 4)
Le village de Werst: nombreuses précisions géographiques, notamment que le village est situé dans le comitat de Klausenburg et qu'il est tellement insignifiant qu'il ne figure même pas sur les cartes. =>D'emblée, Jules Verne situe le paysage social en localisant son histoire dans un lieu si reculé que l'on peut admettre l'éclosion des superstitions les plus délirantes, base de son intrigue:"Puisque Elisée Reclus a pu dire de Vulkan "qu'il est le dernier poste de la civilisation dans la vallée de la Sil valaque", on ne s'étonnera pas que Werst fût l'un des plus arriérés villages du comitat de Kolosvar. Comment en pourrait-il être autrement dans ces endroits où chacun naît, grandit, meurt, sans les avoir jamais quittés!" (Page 37).
Le château: bénéficie lui aussi d'une description très circonstanciée, ne négligeant aucun détails propres à permettre au lecteur de se configurer les lieux avec rigueur et exactitude: "...à gauche, quelques pans de murs étayés de contreforts ajourés, supportant le campanile d'une chapelle, dont la cloche fêlée se met en branle par les fortes bourrasques au grand effroi des gens de la contrée; au milieu, enfin, couronné de sa plate-forme à créneaux, un lourd donjon, à trois rangs de fenêtres maillées de plomb, et dont le premier étage est entouré d'une terrasse circulaire...Sa situation, à la crête du plateau d'Orgall, est exceptionnellement belle. De la plate-forme supérieure du donjon, la vue s'étend jusqu'à l'extrême limite des montagnes. En arrière ondule la haute chaîne, si capricieusement ramifiée, qui marque la frontière de la Valachie." (Page 21).
Ambiance:
Cette propension aux descriptions quasi scientifiques n'empêchent pas l'auteur d'utiliser son talent pour créer une atmosphère mystérieuse, inquiétante, le roman flirtant entre rationalisme et croyances issues du folklore: "Devant ses yeux se développait une enceinte crénelée, défendue par un fossé profond, et dont l'unique pont-levis était redressé contre une poterne, qu'encadrait un cordon de pierres. Autour de l'enceinte, à la surface du plateau d'Orgall, tout était abandon et silence. Un reste de jour permettait d'embrasser l'ensemble du burg qui s'estompait confusément au milieu des ombres du soir." (Page 81).
Suite à l'échec de l'expédition de Nick et du docteur, un sentiment de malaise mêlé de peur irraisonnée se répand dans la vallée: "Ainsi, le village était terrorisé. Le travail des champs était entièrement délaissé...Et la fumée, est-ce qu'elle reparaissait encore à la pointe de la cheminée du donjon?...Oui, plusieurs fois la lunette permit de l'apercevoir, au milieu des vapeurs qui traînaient à la surface du plateau d'Orgall. Et les nuages, la nuit venue, est-ce qu'ils ne prenaient pas un teinte rougeâtre, semblable à quelque reflet d'incendie?...Oui, et on eût dit que des volutes enflammées tourbillonnaient au-dessus du château. Et ces mugissements, qui avaient tant effrayé le docteur Patak, se propageaient-ils à travers les massifs du Plesa, à la grande épouvante des habitants de Werst?...Oui, ou du moins, malgré la distance, les vents du sud-ouest apportaient de terribles grondements que répercutaient les échos du col." (Page 118).
Comment évoquer un classique tel que Le Château des Carpathes, lu et chroniqué des centaines de fois avant moi, sans trembler un peu d'appréhension? Que dire de nouveau, sinon que ce roman se lit avant tout pour l'esprit avant-gardiste de son auteur, même si le style présente une certaine lourdeur? En tout cas, c'est sous cet angle que je tiens à conclure mon article: lisez Le Château des Carpathes pour la modernité des thèmes développés mais également pour son côté insolite de la production pantagruélique de Jules Verne.
Pas mal. Un roman qui joue sur les superstitions. Jules Vernes l'a écrit à une époque charnière, où les technologies arrivent (électricité, téléphone par exemple) mais où les "gens" ne comprennent pas encore toutes les applications ni les utilisations qui vont en découler. L'irrationnel est très présent dans ce livre mais l'auteur a toujours une explication scientifique;
Une terminologie parfois désuète nous fait revivre avec un peu de nostalgie certains termes très jolis mais aujourd'hui disparus.
Un jules Verne peu connu mais que j'ai beaucoup apprécié. Écrit fin 19ème, le style est très différent de ce qu'on lit aujourd'hui. Beaucoup de descriptions, des termes qui n'existent même plus de nos jours (c'est parfois amusant, et parfois des mots incompréhensibles ), une écriture un peu théâtrale où l'auteur présente les situations, personnages et événements (parfois à venir ) en s'adressant directement au lecteur.
En tout cas c'est un langage très riche, qui permet de bien visualiser les décors, paysages, ambiances, dans lesquelles évoluent les personnages. Je me suis vraiment senti transporté dans les Balkans de l'époque, sombres et isolés.
On imagine les personnages (aux caractères bien brossés par l'auteur) comme dans une pièce de théâtre (Verne à commencé sa carrière par ça ). J'avais parfois l'impression de voir les personnages de Pagnol dans Marius, mais transposés dans les carpathes.
Amusant aussi, ou décalé, maintenant, les descriptions scientifiques qui devaient être très futuristes à l'époque et qui aujourd'hui sont des plus dépassées.
Un livre bien agréable à lire si on ne craint pas le vocabulaire et le style très anciens.
Mon edition, livre de poche, porte une autre couverture (DL 06/95) et est agrémentée de magnifiques et nombreuses illustrations, les reproductions des gravures de l'édition originale, qui permettent d'encore mieux se plonger dans l'ambiance. Et se termine par une biographie de Jules Verne bien venue.
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