C'est le moment de découvrir les livres qui déchaînent les passions littéraires du moment...
Dans le Mississippi, de nos jours.
À treize ans, Jojo essaie de comprendre : ça veut dire quoi, être un homme ? Non pas qu'il manque de figures masculines, avec en premier chef son grand-père noir, Pop. Mais il ya les autres, plus durs à cerner : son père blanc, Michael, actuellement en détention ; son autre grand-père, Big Joseph, qui l'ignore ; et les souvenirs de Given, son oncle, mort alors qu'il n'était qu'un adolescent.
Et Jojo a aussi du mal à cerner sa mère, Leonie, une femme fragile, en butte avec elle-même et avec les autres pour être la Noire qui a eu des enfants d'un Blanc. Leonie qui aimerait être une meilleure mère, mais qui a du mal à mettre les besoins de Jojo et de la petite Kayla au-dessus des siens, notamment quand il s'agit de trouver sa dose de crack. Leonie qui cherche dans la drogue les souvenirs de son frère.
À l'annonce de la sortie de prison de Michael, Leonie embarque ses enfants et une copine dans la voiture, en route pour le pénitencier d'état. Là, dans ce lieu de perdition, il y a le fantôme d'un prisonnier, un garçon de treize ans qui transporte avec lui toute la sale histoire du Sud, et qui a beaucoup à apprendre à Jojo sur les pères, les fils, sur l'héritage, sur la violence, sur l'amour...
C'est le moment de découvrir les livres qui déchaînent les passions littéraires du moment...
Jojo, 13 ans est élevé par des grands-parents aimants car sa mère qui l'a eu à 17 ans est négligente voire maltraitante. Et lui, s'occupe de sa petite soeur de 3 ans, petite boule collante, gluante qui l'adore.
La grand-mère est malade, en fin de vie.
Léonie, leur mère décide d'embarquer ses enfants pour aller chercher leur père qui sort de prison.
Elle est noire, il est blanc.
Le voyage sera marqué par les souvenirs.
Il y a le racisme ordinaire, le racisme extraordinaire (des grands-parents qui rejettent leurs petits-enfants car ils sont métisses, un meurtre), de la drogue, beaucoup de drogue, de la pauvreté, de la violence et un peu d'amour même s'il est mal montré.
Et puis, il a les revenants ; ces morts qui cherchent des réponses à leurs questions.
L'écrite est fine, ciselée, poétique.
Le rythme est lent, caniculaire.
C'est triste, c'est émouvant, c'est noir et c'est beau.
Joseph, 13 ans, amené à se débrouiller seul. Sa mère se drogue ne s'occupe plus de lui depuis que son père est parti. Heureusement, pour l'aider à se construire et à s'épanouir, il a ses grands-parents. Il est entouré de son Papy aimant et attentionné, de sa mamie se débattant avec un cancer. Et puis il prend soin de sa petite soeur Kayla, tout juste 3 ans.
Sa mère, il l'appelle Léonie depuis la violente dispute, depuis que son père est parti. Léonie se drogue et attend le retour de Michaël, en prison depuis 3 ans.
C'est un roman choral. Jojo, Léonie, Richie prennent chacun leur tour la parole et nous exposent leur point de vue. Si j'aime beaucoup cette façon de faire, j'avoue avoir été un peu perturbé à chaque début de chapitre pour me remettre dans la peau du personnage qui prenait la parole.
Les thèmes de fond abordés sont la mixité du couple : elle est noire, lui est blanc. Elle est rejetée par sa famille à lui, traitée de négresse. Une grande présence de la ségrégation raciale.
Ce récit est ponctué de violence. Dans les mots, dans les gestes, dans les comportements. Jojo et sa soeur Kayla m'ont fait beaucoup de peine. J'ai été très sensible et très touchée par ces deux enfants. Par leur débrouillardise, par leur histoire.
J'ai eu quelques difficultés à entrer dans ce roman. L'écriture âpre et agressive ne m'a pas vraiment aidé à m'identifier aux personnages. Il m'a fallu plusieurs chapitres avant d'entrer pleinement dans le texte.
Donc une lecture en demi-teinte pour moi.
"Son mec est noir, et leur amour qui se moque des couleurs est une des raisons pour lesquelles on est devenues copines aussi vite."
"Mais on était chez elle, je restais noire et elle blanche, et si quelqu'un nous entendait nous engueuler et décidait d'appeler les flics, c'est moi qui irais en taule. Pas elle. Pas de meilleures amies qui tiennent. "
Jojo, 13 ans et Kayla, 3 ans sont élevés par leurs grands-parents maternels noirs. Leur mère Léonie, immature, accro au crack, peu aimante, voire brutale, décide d'emmener les deux enfants pour aller chercher leur père à sa sortie de prison. Leur père est blanc et sa famille à lui n'a jamais accepté que leur fils fasse des enfants à une noire. Un voyage cauchemardesque pour les enfants sur fond de misère, racisme et drogue.
Dès les premières pages, ce roman surprend par la tonalité singulière qu'il choisit d'emprunter. Jojo, 13 ans, est avec son grand-père qui lui montre comment tuer une chèvre, c'est cru, direct, saisissant. On sent toute la fragilité de l'existence de Jojo dans ce corps-à-corps avec la bête, sa lutte pour surmonter son dégoût, pour aiguiser sa force en prise directe avec le monde des adultes.
Et le monde des adultes, il n'est pas beau pour Jojo, élevé avec sa jeune soeur par des grands-parents maternels certes plein d'amour mais qui ne peuvent le protéger d'une mère immature quasi indigne, Leonie. Et y a la route à prendre pour aller chercher le père qui sort de taule, une odyssée cauchemardesque pour les petits. Et il y a le racisme virulent des beaux-parents car leur fils est blanc et la mère de ses enfants noire.
Thématiques classiques de la littérature américaine qui scrute les marges. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose de faulknerien dans la façon qu'à Jesmyn Ward de convoquer les pensées de Jojo et de Leonie grâce au procédé de flux de conscience. Chaque chapitre donne sa voix en alternance à ces deux personnages en des quasi monologues intérieurs, parfois calmes et apaisés, mais le plus souvent qui s'écoulent sans contrôle apparent.
Jojo, Leonie, mais aussi Richie, un très jeune adolescent afro-américain qui a partagé le quotidien du grand-père lorsqu'ils étaient enfermés dans le terrible pénitencier agricole de Perchman des années 1950, où les prisonniers survivaient dans un état de quasi esclaves à trimer dans des plantations. Lui aussi a droit à ses chapitres monologues. Mais lui est un fantôme. Et c'est là la très belle idée du roman que de connecter le monde des vivants qui s'épuisent à chercher à survivre et celui des revenants qui sont morts dans la violence et l'injustice.
Jojo est hanté par Richie, tabassé à mort dans son pénitencier. Leonie, elle, se débat avec le fantôme de son frère, victime d'une crime racial. C'est très fort de voir la mère et le fils se déchirer sans savoir qu'ils partagent ce don de voir les morts et de les entendre. Cette irruption du fantastique et du mystique est très bien intégrée au reste du récit qui lui est au contraire d'un naturalisme glaçant. On pense à Beloved de Tony Morrison et cela charge puissamment les enjeux romanesques.
Pour réussir cette porosité entre les vivants et les morts, il fallait une plume aiguisée. Elle l'est, luxuriante jusqu'à un lyrisme dense. Elle m'a terrassée d'émotions à plusieurs reprises, notamment lorsque l'auteure décrit la tendresse qui unit le frère et la soeur dans des gestes délicatement décrits, lorsqu'elle ouvre le coeur de Leonie pour donner à comprendre son endurcissement. Comme si tous les personnages tiraient derrière eux tout le poids de l'Histoire, comme si le traumatisme du racisme originel étouffait encore le présent des Etats-Unis. Triste réalité.
Un magnifique roman, sombre et intense, d'une grande beauté formelle et poétique, empli de rage et de compassion. Complexe aussi par sa non-linéarité qui pourra rebuter les lecteurs en quête de lisibilité immédiate.
C'est un roman époustouflant, l'histoire est intense, on ne le lâche pas. C'est un roman chorale puissant.
Les mots me manquent…
Ce roman est si intense qu'il est nécessaire de faire des pauses pour se remettre tant l'émotion est au détour de chaque page.
La plume de Jesmyn Ward est magnifique, poétique à souhait au service d'un texte humaniste qui dénonce une Amérique raciste.
Ce sont des romans de cette qualité littéraire que la lectrice que je suis aimerait lire le plus souvent.
Un roman bouleversant, qui marque son lecteur.
Un texte qu'il faut faire découvrir au plus grand nombre., c'est ce que je m'applique à faire depuis la fin de ma lecture.
N'hésitez surtout pas à le lire, je vous le recommande.
Dès les premières pages, ce roman surprend par la tonalité singulière qu'il choisit d'emprunter. Jojo, 13 ans, est avec son grand-père qui lui montre comment tuer une chèvre, c'est cru, direct, saisissant. On sent toute la fragilité de l'existence de Jojo dans ce corps-à-corps avec la bête, sa lutte pour surmonter son dégoût, pour aiguiser sa force en prise directe avec le monde des adultes.
Et le monde des adultes, il n'est pas beau pour Jojo, élevé avec sa jeune soeur par des grands-parents maternels certes plein d'amour mais qui ne peuvent le protéger d'une mère immature quasi indigne, Leonie. Et y a la route à prendre pour aller chercher le père qui sort de taule, une odyssée cauchemardesque pour les petits. Et il y a le racisme virulent des beaux-parents car leur fils est blanc et la mère de ses enfants noire.
Thématiques classiques de la littérature américaine qui scrute les marges. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose de faulknerien dans la façon qu'à Jesmyn Ward de convoquer les pensées de Jojo et de Leonie grâce au procédé de flux de conscience. Chaque chapitre donne sa voix en alternance à ces deux personnages en des quasi monologues intérieurs, parfois calmes et apaisés, mais le plus souvent qui s'écoulent sans contrôle apparent.
Jojo, Leonie, mais aussi Richie, un très jeune adolescent afro-américain qui a partagé le quotidien du grand-père lorsqu'ils étaient enfermés dans le terrible pénitencier agricole de Perchman des années 1950, où les prisonniers survivaient dans un état de quasi esclaves à trimer dans des plantations. Lui aussi a droit à ses chapitres monologues. Mais lui est un fantôme. Et c'est là la très belle idée du roman que de connecter le monde des vivants qui s'épuisent à chercher à survivre et celui des revenants qui sont morts dans la violence et l'injustice.
Jojo est hanté par Richie, tabassé à mort dans son pénitencier. Leonie, elle, se débat avec le fantôme de son frère, victime d'une crime racial. C'est très fort de voir la mère et le fils se déchirer sans savoir qu'ils partagent ce don de voir les morts et de les entendre. Cette irruption du fantastique et du mystique est très bien intégrée au reste du récit qui lui est au contraire d'un naturalisme glaçant. On pense à Beloved de Tony Morrison et cela charge puissamment les enjeux romanesques.
Pour réussir cette porosité entre les vivants et les morts, il fallait une plume aiguisée. Elle l'est, luxuriante jusqu'à un lyrisme dense. Elle m'a terrassée d'émotions à plusieurs reprises, notamment lorsque l'auteure décrit la tendresse qui unit le frère et la soeur dans des gestes délicatement décrits, lorsqu'elle ouvre le coeur de Leonie pour donner à comprendre son endurcissement. Comme si tous les personnages tiraient derrière eux tout le poids de l'Histoire, comme si le traumatisme du racisme originel étouffait encore le présent des Etats-Unis. Triste réalité.
Un magnifique roman, sombre et intense, d'une grande beauté formelle et poétique, empli de rage et de compassion. Complexe aussi par sa non-linéarité qui pourra rebuter les lecteurs en quête de lisibilité immédiate.
[ Lu trop tard ]
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Voilà un roman sans défaut:
1- C'est admirablement écrit,
2- Jesmyn Ward excelle à créer une ambiance singulière,
3- Les personnages sont forts, complexes.
Je comprends toutes les éloges que j'ai pu lire et pourtant ça n'a pas vraiment fonctionné avec moi.
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A cela une explication principale: la construction. Je crois que je sature de cette mode consistant à ce que chaque chapitre offre une voix narrative différente. Je suis plutôt bon public de ce découpage d'habitude. J'ai par exemple adoré Ici n'est plus ici de Tommy Orange où Les femmes de Heart Spring Moutain de Robin MacArthur. Mais je suis en train de me fatiguer de ces récits morcelés qui semblent avoir le vent en poupe dans la littérature américaine. J'imagine que si je l'avais lu à sa sortie, mon ressenti serait différent. J'ai actuellement envie de plus de linéarité pour pouvoir m'immerger dans l'histoire.
Et puis accessoirement j'ai aussi envie de dire stop à une autre tendance: intituler les chapitres du nom d'un des personnages ! Stop !
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Traduit par Charles Recoursé
Grand prix des lectrices de ELLE et prix AMERICA 2019
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