Des livres à dévorer, à partager !
Sa vie, c'est d'écrire. Jamais il n'a bougé du Creusot, sa ville natale, ou seulement pour lui référer la forêt distante de quelques kilomètres. Son oeuvre est immense et singulière. Plus d'une soixantaine de livres qui, entre eux, se font écho. Pourtant il en manquait un qui éclaire l'ensemble. Un livre qui dise son arrière-pays, comment il s'est construit, ce qui l'a formé. Pour y répondre il fallait des écrivains, eux aussi, dont la parole soit juste. Sous leur plume, on comprend. L'enfance au sortir de la guerre, les ombres familiales, les premiers écrits et très tôt l'importance des poètes, des rencontres, des noirs de Soulages et des notes de Bach.
Mais cet éclairage resterait imparfait si Christian Bobin n'avait pas accepté d'ouvrir ses carnets, prolongeant le texte de sa voix, pour que se dessine le sens d'une vie.
Des livres à dévorer, à partager !
Très bel essai sur l'univers du poète Christian Bobin avec une multitude d'extraits des carnets de l'auteur. Les suiveurs de Bobin seront "aux anges" pour reprendre une image chère au poète du Creusot.
Il y a ces auteurs, qui, par la grâce de leurs mots, ont le don de changer une vie. Christian Bobin fait pour moi partie de ceux-ci.
C’est donc avec une grande émotion que j’ai voyagé dans l’arrière-pays du poète-ermite, grâce au livre que Dominique Pagnier lui a consacré , et qui est paru aux Editions de l’Iconoclaste.
Tout commence par la magnifique préface de Lydie Dattas, poétesse et compagne de Bobin . C’est d’ailleurs elle qui a conçu l’ouvrage, qui va rejoindre mes précieux livres de chevet.
« … Le rire atomique de Bobin est sa réponse. Cette bombe adorable projette en explosant des fleurs de feu, et des boulons de soleil… S’il est sans ruses, son entêtement à ne jamais mentir, même pour sauver sa peau, est grandiose. Rien ne le ravit plus que ce mot d’Arvo Pärt : « Même si je perds tout ». Bobin dit « Je suis – j’essaie d’être – un oiseau sans partition ». Génial ? Si ce mot signfie bien « qui a un caractère de fête, gai , abondant », qui plus que lui, mérite cet adjectif ? »
De l’enfance du poète, à ses carnets inédits, ce livre est émaillé de cailloux blancs, de ceux qui mènent à sa maison, nichée dans une clairière non loin du Creusot.
Lors d’une rencontre en librairie, l’auteur-enchanteur confiait qu’il avait toujours dans sa poche des carnets sur lesquels il notait ses pensées errantes, ses bribes d’idées, la couleur des roses trémières de la rue d’à-côté, les citations d’auteurs qui lui sont chers. Alors, forcément avoir accès à cette part d’intime, c’est un bonheur absolu !
Au fil des pages, on découvre le chemin qui a mené l’enfant Christian au poète Bobin. Un chemin fait de mots, de musique, de contemplation, d’amour, de foi, de soleil, d’étoiles. On retrouve bien sûr Ghislaine, la « Plus que vive », « Noireclaire » la « sœur de lait ».
« « Ma deuxième naissance a commencé en la voyant entrer dans une pièce ». Deuxième naissance. Vita nuova ».
On retrouve son admiration pour Bach, Django Reinhardt, Glenn Gould , Arvo Pärt, et bien sûr Jean Grosjean, Emily Dickinson, Cioran, Rimbaud, André Dhôtel et bien d’autres.
On découvre la bibliothèque de l’auteur, sa chambre d’écriture, celle-là-même où naissent les mots qui voyageront jusqu’à nous et nous enchanteront.
L’arrière-pays de Christian Bobin, c’est un ouvrage qui lui ressemble : tout en simplicité et poésie, partage, musique, et lumière.
« Je ne crois pas en Dieu messieurs dames. Je crois en ce qui l’annonce. Les courants d’air. Le clignotant jaune du coucou. Le souvenir des morts qui est plus qu’un souvenir, qui est plus qu’un souvenir, qui est un soleil attrapé par un miroir brisé. Et le rire messieurs dames. Le rire, celui du cœur fracturé, une branche de lilas qui sort de la poitrine, l’adieu aux logiques mortifères et aux rois accusateurs. Le rire – Dieu à portée de voix. Simple comme mourir »
L’ouvrage se clôt sur une chambre, une mansarde, un regard en arrière, et un retour à la patrie qui est la sienne : « sa feuille de papier blanc. Commence alors le livre dont il est enfin l’absent : La Nuit du cœur ».
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