Dans ce recueil de 13 nouvelles, la jeune autrice mexicaine frappe fort mais juste
C'est une histoire vraie que la poe´sie de´compose. Un livre du nord. Un livre d'amour. L'histoire d'une poe`te anthropologue que´be´coise qui parcourt l'Europe a` la recherche des lumie`res casse´es et de sa place dans le monde. Elle y vit un hiver noir, un hiver blanc, un printemps blanc, un printemps noir. Elle y tombe amoureuse trois fois, y compris d'un homme entre la vie et la mort qui perd la me´moire. Au fond des eaux des lacs noirs ou` elle se baigne dans ces pays de fjords et de fleuves - la Finlande, le Monte´ne´gro, l'Albanie - l'accompagne la voix de sa grand-me`re, qui remonte d'un sie`cle de perse´ve´rance. Une voix de re´confort, une voix qui enseigne l'art de tricoter les mots et de ne pas perdre les couleurs.
Que, du noir et du blanc, sorte le feu sous les lumie`res polaires.
J'avais remarqué ce recueil à sa sortie en mars dernier, le résumé évoquait la Finlande, le Monténégro, l'Albanie, j'ai réussi à mettre la main dessus en librairie début décembre. Je connais très peu la littérature québécoise, mais on s'éloigne ici quelque peu du territoire américain, Roseline Lambert nous parle, dans cet ouvrage paru chez La Peuplade, d'Europe, et de sa lumière, à travers les pays précédemment mentionnés, et de son expérience de vie là-bas, de sa grand-mère, de ses amours. C'est le troisième ouvrage poétique de l'autrice, anthropologue, ou plutôt poète anthropologue comme son site internet l'indique, titulaire d'une thèse anthropologie de la poésie de l’Université Concordia qui porte sur l'anxiété et la lumière en Norvège. L'anthropologue est ce "Chercheur dans le domaine de l'anthropologie, c'est-à-dire la science qui étudie le comportement des sociétés humaines (croyance, rite, etc.) selon l'environnement dans lequel elles vivent." (source : linternaute.fr)
Le recueil se décompose en six parties : Hiver noir, Hiver blanc // Intermède // printemps blanc, Printemps noir, // La couleur de la température : le recueil est un véritable poème par lui-même. Les poèmes sont systématiquement précédés de coordonnées topographiques qui sont regroupées en toute fin de partie dans une page intitulée Coordonnées. Les poèmes sont versifiés pour la majorité, regroupés en une unique strophe par page, quelquefois accompagnés la reproduction d'une photographie. Certains sont composés sous forme prosodique, le visuel tient une place importante dans ce recueil non seulement à travers les duplications des photographies, les lieux appelés par ces coordonnées, mais aussi par les dispositions graphiques sont totalement bousculées à la manière des Calligrammes d'Apollinaire.
Un premier poème ouvre la partie Hiver noir, sans titre, six vers émis à la première personne du singulier, une indication de temps, le 27 janvier, une indication de lieu, "la lumière polaire" supplée par la référence topographique qui nous emmène dans une petite ville de Finlande. Des associations surprenantes, une sonorité très chuintantes, une première allusion à ce Lac noir, qui pour l'instant apparaît sous la surface de l'enveloppe corporelle de l'autrice. Une ouverture sous le signe de l'ambivalence de la lumière, celle du Grand Nord, et de la nuit, celle du lac, sous l'antinomie des jours sans nuit. La deuxième strophe, qui compte autant de vers, à pour lieu, Black Lake et la grand-mère. Fil conducteur des prochains poèmes, le souvenir entretenu de cette grand-mère, finement entrelacé avec le fil de l'eau dans une toile de mots et d'images qui mène à une autre histoire, usant les mêmes thèmes, du lac et de ses éléments, des images. Sémantiquement, l'épithète noir commun entre le titre du livre et de ce premier chapitre, cette noirceur porte les errances, quelquefois la souffrance de la femme entre les lacs de Québec, du Monténégro, de Finlande.
La grand-mère, l'amoureux, les mots sont ce fil qui tisse entre eux les personnes, les moments de la vie de l'autrice, du bonheur à la douleur, elle transmet les sensations, elle joue sur les sens, la chaleur de la tendresse, le froid de l'absence et de la séparation et joue sur les contrastes hurlement/bercement, tel un choc thermique entre la violence et douceur, dans la voix, dans le toucher, dans le visuel. Des stimulations par des mots qui piquent, de cette broderie d'elle-même qu'elle tisse peu à peu, comme un patchwork de ces quatre saisons duales hiver/printemps, blanc/noir toujours présente, où le noir de l'hiver laisse place à la blancheur. Du mouvement : du haut vers le bas, jusqu'aux profondeurs du lac, puis du bas vers les sommets, de la nuit avec le jour, elle renverse tout, les groupes nominaux, elle crée des néologismes, des associations improbables, l'hiver blanc comme le négatif photographique de l'hiver noir, voir les choses autrement, à l'envers. De la douleur qu'elle ressent elle se sert des éléments de la nature pour fabriquer ses images, mettre des mots sur la douleur ressentie, une forme de violence sous-jacente constamment les poèmes, des allusions au sang, à la noirceur, au feu.
Des vers qui s'enchainent, insaisissables, difficiles à décrypter parfois, le sens global un peu intangible, l'autrice n'a plus d'enveloppe humaine, elle est vent, oiseau, au-dessus du lac noir. C'est assez déstabilisant, car il faut passer outre ses repères, avec cette langue qui outrepasse tous les standards sémantiques habituels. Lire et relire, tenter d'épingler et de tirer sur l'un des fils de ces poèmes, tenter de comprendre, ou plutôt de voir, tenter de s'immerger, tout en laissant ses repères de côtés. Une poésie en vers, en prose, en flux de conscience, en enchaînements d'images qu'il appartient finalement à chacune et à chacun de décrypter....
« Lac noir », ses fécondités glacées, échappées du temps.
Ici, les forces purifiées par le froid, les couleurs pâles, les marches-aubes et les arrêts somment l’émancipation d’un paysage intérieur.
« Il ne voit pas comment obscure j’attrape / son poème avec ma main gelée / même si on n’a pas assez de jours pour éclore. »
« La trame prend le billet à la gare file loin
des eaux stagnantes inspire la lueur. »
Les latitudes et les coordonnées, relier l’espace à la considération de l’instant.
Les points communs des silences inachevés dans l’intensité des sensations.
L’enracinement de l’écriture : « Il nous veille ce soleil ancré / deux fentes sur le lac s’ouvrent on traverse / et les couleurs tombent du ciel. »
Quête de l’autre, le tu et le il, voix pâle et boréale, il est dit qu’ici, c’est la magie d’un lac noir qui sort de son sommeil.
Tout est dans l’ordonnance, dans l’instant-même de l’aiguille arrêtée en plein nord.
Écrire pour encenser le jour de pleine vie.
« Tu bouges tu cours tu vis vivant partout autour / dans toutes les étendues je te trouve partout / mais où es-tu. »
« Je dis à ma grand-mère que je veux une tempête / rouge des jours d’oiseaux et toute la couleur / qui survit avant la neige. »
Rassembler l’épars de sa propre mémoire. Déambuler dans un hiver noir, un hiver blanc, un printemps blanc, un printemps noir.
Roseline Lambert est au cœur même des traductions intimes. Sa grand-mère, voix et regard, l’amour comme une écharpe autour du cou dont les couleurs changeront et apaisent d’emblée le givre des nostalgies.
Elle est dans cette posture de lumière et de couleur. Ici, rayonne l’acuité vivifiante. Une poète en quête. Relier l’hémisphère des pensées entre les fjords et les fleuves, les interpellations, les pays boucles spéculatives, qui de La Finlande, le Monténégro, l’Albanie, Le Québec …, sucre dans sa poche pour apaiser la faim et stimuler la vie.
Les armoires du Nord et les trésors enfouis, les vastes couleurs raisonnables.
L’Anthropologue si proche de l’humain et de ses palpitations vitales.
Lire à voix haute cette poésie polaire.
Solstice et étreinte, les battements d’elle (ailes), les correspondances hivernales entre l’ombre et la lumière, les présences humaines et les ombres sur un lac noir .
L’étymologie du vivant.
La transmission, à l’instar de l’étoile polaire, Roseline Lambert collecte la neige et les traces, le recueillement des paysages, le feu des couleurs signifiantes, la généalogie qui dévoile l’invisible dans le visible. La poésie souveraine et altière comme un don qui ne fond pas entre nos mains.
Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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