"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«La vie ordinaire est une vie d'hypocrite. On fait comme si c'était déjà ça de vivre tranquillement, comme si on ne voulait pas d'aventure. Comme s'il suffisait de se la couler douce dans les plis du laisser-être pour atteindre la tranquillité tant recherchée. Sauf que la plupart du temps, on n'y arrive pas.Puisque l'existence humaine est à la fois provisoire et continue, puisque rien ne dure et que le temps ne se retient pas, la tranquillité n'est pas de ce monde. Et c'est tant mieux. Que le dard de l'intranquillité vous pique encore et encore ! Demandez-vous, au moins une fois, si le nombre d'années parcourues, les épreuves et les angoisses endurées, si vous avez vécu tout ça pour vous réfugier dans la mauvaise foi de l'émerveillement ordinaire, sans jamais vouloir fouiller en dessous, remuer la vase qui étouffe vos désirs et vous fait croire qu'être quelqu'un, c'est peser lourd, et s'accrocher aux horaires comme si la vie en dépendait.»
"J'aime te regarder devenir" dit Adèle Van Reeth à propos de son fils et c'est ce que j'aurais pu dire en contemplant mon second fils souffler ses 11 bougies hier soir. Mille pensées m'ont traversé la tête à ce moment là. Sur ce qu'il fera de sa douzième année et surtout les suivantes. Sur ce qu'on arrivera à lui transmettre et ce qu'il devra trouver par lui-même.
L'autrice explore dans ce livre intime la maternité, dans l'attente de son fils et la préscience de celle-ci avec ses beaux-enfants. Mais aussi et surtout la vie ordinaire, le quotidien, le banal trois sources légèrement différentes de frustrations et de fatigue.
"Le drame, c'est l'eau tiède. La vie qui continue après la fin du film et dans laquelle il ne se passe rien."
Mais c'est hélas nous seuls qui sommes responsables de cette vie, "je ne sais qu'une chose : la vie que je mène aujourd'hui, je l'ai choisie. Et même quand elle me rend dingue, je sais que c'est la seule qui m'aille."
Vivre dans le bonheur plutôt que dans la joie "sans odeur ni saveur, elle ne tolère ni l'accident, ni le changement d'humeur...".
Vivre dans et hors du collectif, la famille au sens large notamment, dans lequel le "on" règne.
Et finir par se dire "Dans la lumière chaude de fin de journée, le soleil, la mer et les rochers ne font qu'un, un monde qui n'a pas besoin de moi et que j'aime plus que tout."
La lecture de ce livre m'a permis de mettre des mots précis sur des sentiments très profonds. Lecture fondatrice d'un avant et surtout d'un ensuite.
Comment peut-on être à la fois si lucide et se laisser manipuler par un homme ? Ce livre m'a peinée pour Madame Van Reeth dont j'apprécie les chroniques par ailleurs. Je n'ai rien retenu de sa découverte d'Emerson, de son émerveillement devant la création de la vie mais j'ai été frappée par son adoration-admiration pour l'homme qui partage sa vie. Un livre somme toute bien ordinaire qui conviendrait probablement pour "légender" un magazine People mais qui n'est pas -à mon humble avis- une réflexion philosophique. Je ne comprends pas l'engouement de Monsieur Busnel lorsqu'il nous a "vendu" le livre lors de sa parution, probablement un échange de bons procédés entre collègues !-
Ce livre est une enquête sur ce qu'est "l'ordinaire" à ne pas confondre avec le quotidien ou le banal et une expérience de la maternité.
Petit extrait:
" Le drame, c'est l'eau tiède. La vie qui continue après la fin du film et dans laquelle il ne se passe rien. Les secondes qui se suivent et se ressemblent, d'année en en année. On en viendrait presque à la souhaiter, la fin, pour qu'enfin il se passe quelque chose. Interrompre le flux par tous les moyens, quitte à y laisser sa peau. Et pourtant, ça continue.
Comment endurer la durée?
La nouveauté est dans mon ventre."
Ecrit avant le confinement, » La vie ordinaire « est un essai d’Adèle Van Reeth publié en ce printemps 2020 aux éditions Gallimard.
Née en 1982, Adèle Van Reeth est philosophe et productrice de l’émission » Les chemins de la philosophie » sur France Culture, depuis 2011. Après des études en classe préparatoire littéraire, elle intègre l’Ecole normale supérieure. Elle travaille alors sur le philosophe américain Stanley Cavell, le cinéma, et la pensée de l’ordinaire.
En 2018, elle a animé l’émission littéraire Livres & vous diffusée sur Public Sénat, et elle anime aujourd’hui D’art d’art ! sur France 2.
p. 62 : » L’ordinaire n’est pas un concept. C’est une quête. «
Après ces mois de confinement, de privation de certaines de nos libertés, les petits moments de la vie ordinaire prennent la dimension de l’extraordinaire aujourd’hui. Cette période durant laquelle la vie nous a paru figée a eu pour effet de porter un regard nouveau sur notre propre manière d’habiter et sur notre relation aux autres. Adèle Van Reeth aborde dans cet essai deux thèmes rarement explorés jusqu’ici en philosophie : l’ordinaire et l’expérience de la grossesse et de l’accouchement. Au fur et à mesure de la lecture, nous comprenons le lien entre les deux, subtile combinaison !
p. 15 : » J’ai un problème avec la vie ordinaire. Quelque chose ne passe pas. «
Si l’ordinaire peut se révéler dramatique ou merveilleux, il manquait cet entre-deux.
C’est en suivant des cours de philosophie à l’université de Chicago que le déclic va s’opérer pour la narratrice.
p. 24 : » Je me disais qu’après cinq années d’études, il m’avait fallu traverser l’Atlantique pour découvrir que l’ordinaire avait droit de cité en philosophie. «
Bien loin de lui apporter une réponse, ce constat est le commencement d’une recherche active sur le sujet. S’inspirant des écrits d’Emerson, de l’expérience de David Thoreau dans » Walden » ou encore de Virginia Woolf dans » Une chambre à soi « , la philosophe s’interroge sur sa propre relation à l’ordinaire, que nous confondons trop souvent avec le quotidien.
p. 63 : » Le banal est condamné à le rester ; l’ordinaire, lui, déplace parfois le regard vers ce qui le dépasse. «
Finalement, comparer le quotidien et l’ordinaire revient à comparer être et exister.
p. 74 : » Exister, c’est ne pas se contenter d’être, et tenter d’en faire quelque chose… »
Dans les expériences du rapport au monde et à l’ordinaire, il y a l’expérience de la grossesse dont la narratrice va faire le constat d’un ancrage inéluctable.
p. 42 : » A quel moment m’a vie a-t-elle rejoint mon sujet d’étude ? «
Cette humilité dans l’attente, ces paroles adressées à l’être en devenir, cet amour inconditionnel sont autant de confidences profondément touchantes.
p. 11 : » On va se libérer l’un de l’autre, et de cette distance entre nos deux corps naîtra notre rencontre. «
Si le sujet est vaste et propice à de grandes réflexions, l’auteure y mêle des situations cocasses du quotidien, permettant ainsi aux lectrices et lecteurs de s’identifier.
Lire est très souvent une histoire de rencontre. Je reste convaincue qu’il n’y a pas de hasard. Un livre appel le lecteur à un moment opportun. Je savais que celui-ci serait une lecture marquante avant même l’avoir ouvert. Et il le fut ! Lire cet essai c’est prendre part à une expérience philosophique passionnante ! Unique bémol : beaucoup trop court ! Pour compléter cette chronique, je vous conseille fortement d’écouter l’interview d’Adèle Van Reeth sur France Culture dans l’émission » L’invité(e) des matins » présentée par Guillaume Erner.
» Je fuis père et mère, femme et frère lorsque mon génie m’appelle. J’écrirais volontiers sur les linteaux de la porte d’entrée : » Caprice « . J’espère du moins que c’est quelque chose de mieux que le caprice, mais nous ne pouvons pas passer la journée en explications. « Ralph Waldo EMERSON
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