Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
En septembre 1969, Vincenzo Benedetto, un dessinateur industriel roumain, franchit le rideau de fer pour rejoindre la France, qu'il ne quittera plus. A-t-il fui la Roumanie pour retrouver sa famille installée à Villeurbanne ? Est-il un agent secret à la solde de la Securitate ?
Dans ce récit haletant, à la croisée du roman d'espionnage, du suspense politique et de la chronique familiale, Fabrice Arfi court après les fantômes d'un homme et tente de percer le secret d'une vie où tout s'invente. Même la vérité.
La troisième vie, cette vie secrète que certaines personnes choisissent de vivre ou qui la subissent malgré elles, voilà un sujet bien intriguant. C’est sur ce thème que Fabrice Arfi se lance pour tenter d’élucider un mystère qui va le conduire dans les plus hautes sphères de notre République française.
Avant de mener des recherches acharnées dans plusieurs archives nationales, départementales, communales et même privées, l’auteur a la bonne idée de nous remettre en mémoire l’assassinat de Sadi Carnot, le 25 juin 1894, à Lyon. De nombreuses artères de nos cités rappellent son nom mais qui se souvient que cet homme était Président de la République de 1887 à sa mort ?
Il venait à Lyon inaugurer l’Exposition universelle, internationale et coloniale. C’est un anarchiste italien, Geronimo Caserio, qui l’a blessé mortellement en pleine rue. Cela déclencha une terrible vague de haine raciste envers tout ce qui était italien dans notre pays.
Ce rappel historique intéressant permet d’ancrer La troisième vie dans la métropole lyonnaise, à Villeurbanne surtout.
Un certain Hubert, ami du père de l’auteur, le lance sur la piste de Jean Benedetto venu vivre à Lyon avec sa famille, en 1919. Ouvrier dans le bâtiment comme beaucoup de ses compatriotes, il a deux sœurs et un frère disparu, mort à la guerre. Mais, coup de théâtre, ce frère aîné ne serait pas décédé et vivrait en Roumanie, du côté de Cluj.
Sans hésiter, Jean part là-bas pour tenter de retrouver ce frère. Patience, au passage, Fabrice Arfi, journaliste co-responsable des enquêtes à Mediapart, raconte les douze batailles d’Isonzo puisque ce serait au cours de ce carnage du niveau de Verdun chez nous, mais jamais rappelé ici, que Benedetto senior aurait trouvé la mort.
On le voit, l’auteur raconte beaucoup de choses ignorées ou oubliées et cela se complique rapidement, surtout que, fin janvier 1969, Jean a 69 ans et que son frère aurait 75 ans. Le rideau de fer est en place et la Roumanie, depuis quatre ans, est sous la coupe du « génie des Carpates », Nicolae Ceaușescu.
À Cluj, c’est Vincenzo Benedetto, le fils du frère aîné, mort, qui le reçoit. C’est un certain Angelo Scapini qui a rendu la rencontre possible. À partir de là, Fabrice Arfi analyse la situation roumaine, se souvient de la chute du couple Ceaușescu, en direct à la télévision, alors qu’il n’avait que 8 ans. Beaucoup de liens unissent la France à la Roumanie mais que de choses curieuses à élucider ! En effet, un peu plus tard, Vincenzo et son épouse réussissent à venir vivre et travailler en France, à Villeurbanne.
L’enquête menée par Fabrice Arfi est de plus en plus intéressante car elle évoque des années pas si lointaines et d’importantes implications politiques avec un certain Charles Hernu qui fut maire de Villeurbanne, député et surtout Ministre de la Défense pendant plus de quatre ans sous la présidence de François Mitterrand.
L’auteur cite bien sûr ses sources, parle de la DST, les services secrets français, et tente de prouver que Vincenzo Benedetto était bien un agent secret. Grâce à une progression remarquable dans le récit, Fabrice Arfi jette toutes les bases avant de revenir en arrière pour détailler certains points. Il retrace surtout le parcours de Charles Hernu, délaisse les services secrets roumains pour notre DST et l’énorme fiasco du Rainbow Warrior dont Hernu est tenu pour responsable malgré toutes les dénégations officielles. Ainsi, les dessous peu reluisants du monde politiques ressortent et ne rassurent pas.
La troisième vie est un livre-enquête illustré par quelques documents et des photos représentant des personnages importants de cette histoire. C’est passionnant, très bien conduit ; il faut le lire pour éclaircir des épisodes récents et pour tenter de comprendre ce qui se joue au plus haut niveau malgré les versions officielles, des mensonges bien construits pour berner le peuple, un peuple qui ne peut que s’instruire grâce à un livre comme La troisième vie que j’ai pu lire grâce à Babelio et les éditions du Seuil que je remercie.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/10/fabrice-arfi-la-troisieme-vie-3.html
Quand Fabrice Arfi apprend fin 2007 que Edwy Plenel s’apprête à lancer un journal en ligne, Mediapart, dont les deux boussoles sont l’indépendance et l’enquête, il bondit sur l’occasion.
Ayant rejoint le pôle « Enquêtes » du site d’information en ligne, c’est la même année, en mars 2008, en déjeunant avec un agent retraité du contre-espionnage français au sein de la DST et vieil ami de son père, que l’auteur entend parler de Vincenzo Benedetto, ce dessinateur industriel roumain qui, en septembre 1969, franchit le rideau de fer pour rejoindre la France pour ne plus la quitter.
En 1919, une partie des Benedetto dont Jean, vingt ans, originaire du village de Monasterolo Torinese à une vingtaine de kilomètres de Turin a émigré dans la région lyonnaise.
Jean, lui, s’est établi à Villeurbanne, persuadé que son frère Benedetto de six ans son aîné, a été fauché durant la Première guerre mondiale, sur le front autrichien lors de batailles de l’Isonzo le 2 décembre 1915 ; Son corps n’a jamais été retrouvé, mais le doute n’est pas permis.
Aussi tombe-t-il des nues lorsqu’à l’automne 1968, il apprend que son frère serait vivant, vivrait en Roumanie et aurait un fils Vincenzo !
Après s’être rendu à Cluj en Roumanie, c’est au tour de Vincenzo, accompagné de sa femme, de surmonter les difficultés liées au rideau de fer pour obtenir les autorisations de sortie du territoire, de venir à Villeurbanne. Quelque chose d’irrépressible les attire vers la France et ils y resteront.
Fabrice Arfi va pendant plus de quinze ans mener une enquête au long cours pour tenter de comprendre qui était ce Vincenzo Benedetto, fils de Benedetto Benedetto qui n’est peut-être pas là par hasard et pourrait bien être un agent secret à la solde de la Securitate.
Pour tenter de cerner le personnage, il va recueillir des témoignages aussi bien en France qu’à l’étranger, s’appuyer sur des interviews, sur des documents d’archives nationales, départementales, du service historique de la Défense ainsi que des archives de la Securitate, à Bucarest.
Au fil de l’enquête, il s’avère que Benedetto a été soupçonné par la DST rapidement relayée par la justice, d’être un infiltré et l’histoire va croiser celle de la grande politique française, avec François Mitterand, Maurice Faure et principalement Charles Hernu, ministre de la Défense. DST, Securitate roumaine mais aussi KGB, difficile d’y voir clair dans ces imbrications.
C’est ainsi que Fabrice Arfi a accumulé beaucoup d’éléments sur Benedetto et Hernu, sur leur vie secrète, leur troisième vie, la vie publique et la vie privée étant les deux autres, sans pouvoir affirmer que Benedetto avait un lien avec Hernu, mais peut-il en être autrement sur des vies inventées ?
J’ai été fascinée par le fastidieux et minutieux travail d’enquête qu’a mené l’auteur porté par son obsession pour les mystères de la vie ou plutôt des vies de Vincenzo Benedetto et néanmoins parfois un peu perdue par l’imbrication de tous ces services de renseignements.
Ce récit m’a ouvert les yeux sur une autre facette de la personnalité de Charles Hernu même si j’avais, en son temps, suivi l’affaire du Rainbow Warrior.
C’est également tout le pan historique que j’ai beaucoup apprécié. Il m’a permis de réviser mes connaissances, notamment l’assassinat de Sadi Carnot par Caserio, Italien de naissance, et du terrible déferlement de haine raciste qui s’en est suivi à Lyon. Il m’a remémoré ce régime totalitaire dirigé par « le génie des Carpates » jusqu’à sa chute en décembre 1989. Je me souviens très bien de la procédure expéditive largement télévisée qui avait conduit à l’exécution du couple Ceausescu, Nicolae et Elena. Une photo les représentant le jour de leur exécution fait d’ailleurs partie des photos, portraits et documents, en noir et blanc incluses tout au long du récit, l’accréditant encore plus.
Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes à Médiapart, connu pour ses enquêtes, est à l’origine de nombreuses révélations dans les affaires Karachi, Bettencourt et Cahuzac. Je l’avais découvert et particulièrement apprécié dans l’affaire des financements libyens de Nicolas Sarkozy (BD Sarkozy-Kadhafi. Des billets et des hommes).
J’ai à nouveau été conquise par cette dernière enquête journalistique, notamment par ses nombreuses digressions historiques et politiques.
Je remercie vivement Babelio et les éditions du Seuil pour m’avoir proposé la découverte de ce récit : La troisième vie, de Fabrice Arfi.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/10/fabrice-arfi-la-troisieme-vie.html
Journaliste d’investigation à l’origine de nombreuses révélations dans plusieurs affaires retentissantes, Fabrice Arfi publie aujourd’hui le résultat de plus de quinze ans d’une enquête qui nous replonge dans les arcanes de l’espionnage en pleine Guerre Froide.
En 1968, alors que depuis un demi-siècle on l’avait porté disparu sur le terrible front d’Isonzo – le Verdun italien – lors de la première guerre mondiale, quelle n’est pas la stupéfaction de sa famille, désormais établie en région lyonnaise, d’apprendre que le soldat Vincenzo avait en réalité réussi à gagner la Roumanie et que, bien vivant, il y est devenu dessinateur industriel. Le rideau de fer les sépare, qu’à cela ne tienne, les efforts des siens ont tôt fait de soulever des montagnes, et voilà notre homme qui, en 1969, quitte définitivement la Roumanie de Ceaușescu pour une nouvelle vie à Villeurbanne. Une vie tranquille et sans histoire, quoique…
Menant l’enquête en recroisant les sources, dont certaines touchant au plus près des services secrets français et étrangers, Fabrice Arfi ne manque pas d’arguments, à défaut de preuves, pour convaincre des très probables activités sous couverture de cet homme si miraculeusement réapparu. Mais quelles informations, provenant de quelles sources, aurait-il bien pu servir à véhiculer jusqu’aux oreilles de la Securitate ? Là encore, pas de preuves, mais un faisceau d’indices gros comme le bras pointant vers une personnalité au centre de nombreuses affaires et polémiques - passé vichyste et accusations d’espionnage - : Charles Hernu, ministre de la Défense sous François Mitterrand.
Si, aussi longue et minutieuse soit son enquête, Fabrice Arfi ne s’en casse pas moins les dents sur l’absence de preuves définitives, ce livre documenté et convaincant laisse au final assez peu de place au doute dans l'esprit du lecteur. Pas toujours absolument passionnante lorsqu’il s’agit des méandres intriqués du monde des services de renseignement, cette histoire un peu ancienne entre étrangement en résonance avec l’actualité et la famille si « normale » d’espions russes récemment libérés par la Slovénie dans le cadre d’un échange.
Un livre sérieux, bien informé et étayé, qui se lit presque comme un roman dans sa première partie centrée sur la légende de son personnage central, pour se faire ensuite un peu plus aride pour les non passionnés d’espionnage.
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