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Publié en 1967, ce beau récit, d'une grande simplicité, porte en épigraphe une citation de Tolstoï : « La moralité d'un homme se reconnaît à son attitude envers la parole. » George Steiner, dans un article de la New York Review of Books où il décernait à ce livre le statut de « classique », en résume le début : « Nous sommes en février 1949, et la Jdanovchina - la purge des intellectuels décidée par Andréi Jdanov, le voyou en charge de la culture sous Staline - commence. L'action se passe dans une maison de repos pour écrivains dans la partie russe de la Finlande. Nina Sergeievna, une traductrice, est l'une des privilégiés auxquels l'Union des écrivains a accordé un mois de repos à la campagne, loin du stress moscovite. O ciellement, elle est censée se reposer ou travailler à ses traductions. Ce qu'elle essaie en réalité de faire, c'est de se plonger dans la rédaction d'un récit de la disparition de son mari pendant les persécutions staliniennes de 1938, et de se libérer ainsi, au moins en partie, d'un long cauchemar. » À la torture face aux propos de ses compagnons de séjour, des intellectuels inféodés au régime qui crachent leur venin sur Pasternak ou dont les narines frémissent à la moindre rumeur des répressions qui sévissent à Moscou, elle se lie d'amitié, au cours de ses promenades dans la forêt enneigée, avec Bilibine, écrivain lui aussi, qui a vécu des années de camp et se trouve donc à même de l'aider pour sa « plongée », en lui apprenant ce que son mari a sans doute vécu. Un début d'idylle se noue. Jusqu'au jour où Bilibine lui con e le manuscrit du roman qu'il a écrit pendant son séjour : tout est travesti, elle reconnaît bien la mine où il lui dit avoir travaillé pendant ses années de camp, mais qui sert ici de décor à un livre de propagande réaliste socialiste célébrant l'enthousiasme des travailleurs. Bilibine, qui s'est mis au service du mensonge, sortira de sa vie, et tous deux retournent à la noirceur de Moscou.
Un jour, il y a de cela trois mille ans, je m’étais arrêtée devant le stand des Éditions « Le bruit du temps » au Salon du livre Paris (quand le Salon du livre ressemblait à un Salon du livre) et, indécise devant autant de titres inconnus et prometteurs, j’avais demandé que l’on m’en conseille un. L’indispensable, bien sûr, celui sans lequel ma vie resterait médiocre et fade à jamais... Sans hésiter, une jeune femme m’avait tendu « La Plongée » de Lydia Tchoukovskaïa. Tiens, évidemment, une Russe… (Les Russes, ils m’énervent. Parce que je sais que leur littérature est incontournable, indispensable, profonde et forte, un abîme d’intelligence, mais je n’y comprends pas toujours grand-chose et j’en ai très vite marre… Dostoïevski par exemple, je me suis attaquée à « L’idiot » des centaines de fois. Rien à faire. Malgré toute la meilleure volonté du monde, je finis par abandonner avec une mauvaise conscience absolue. Bon, j’ai quand même lu Tchekhov et Tolstoï, j’adore « Le Maître et Marguerite » de Boulgakov, et je voue un culte infini à « Oblomov » de Gontcharov. Mais quand même, les Russes, c’est pas simple... )
Après avoir laissé un bon bout de temps ma « Plongée » prendre la poussière, j’ai fini par la tirer des oubliettes (je ne vous dis pas pourquoi, c’est une trop longue histoire) et m’y suis plongée... (elle est nulle celle-là). Il s’agit d’une œuvre inspirée de la vie de l’autrice, dissidente convaincue dont le second mari a été arrêté en 1937. Elle ne l’a jamais revu. (Je regarde par la fenêtre : une merlette accompagnée de ses deux petits, trois fois plus gros qu’elle et ne se déplaçant qu’en courant, pique dans un gros champignon blanc et donne la becquée à ses deux lourdauds ridicules qui n’auraient qu’à baisser la tête pour se nourrir eux-mêmes mais qui attendent qu’on leur fourre la bouffe dans le gosier… Ces deux gros patauds ont l’air complètement idiots. Je souhaite bon courage à la mère...) Dans ce roman qui a la forme d’un journal intime, Nina Sergeievna, traductrice, part se reposer dans une maison réservée aux écrivains et gérée par l’État, dans la partie russe de la Finlande. Nous sommes en 1949 (date à laquelle une nouvelle purge d’intellectuels commence), son propre mari a été arrêté lors des persécutions staliniennes de 1937. Elle ne sait pas ce qu’il est devenu, s’il est mort ou vivant, et elle souhaite profiter de cette retraite pour faire des « plongées » en elle-même, dans sa mémoire, afin de retrouver par l’esprit l’homme qu’elle a aimé et essayer d’imaginer ce qu’il est devenu. Elle tente d’écrire sur ce sujet. Dans cette maison, elle se retrouve avec d’autres écrivains plus ou moins ouvertement à la botte du pouvoir. Leurs propos l’insupportent, l’atmosphère est parfois très oppressante et c’est auprès de la nature qu’elle trouve un peu de réconfort. Elle tombe cependant amoureuse d’un certain Bilibine avec lequel elle se promène en forêt. Il lui semble être bien différent des autres, peut-être parce que lui aussi a vécu la déportation… Ambiance tchekhovienne garantie (ici chacun se méfie de tout le monde et c’est surtout dans les forêts de sapins que l’on accepte de se confier...), un bon suspense (qui est vraiment ce Bilibine, cette « âme-soeur » qui suscite la confiance de la narratrice et quel est le contenu du livre qu’il est en train d’écrire?) et surtout une évocation de la nature (bouleaux enneigés et compagnie) absolument magistrale… J’ai vraiment beaucoup aimé ce texte. L’avez-vous lu ? En tout cas, je vous le recommande !
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