"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ces récits ont été écrits - avec quelques rares autres qui ne m'ont pas semblé valoir la peine d'être recueillis et de nouveau proposés au public - entre 1959 et 1972. Pourquoi ai-je recueilli et publié ces récits ? Parce qu'il me semble avoir ainsi composé une somme, un condensé de mon activité jusqu'à maintenant, et il apparaît (je ne peux cacher que j'en suis, d'une certaine façon, satisfait, dans le cadre de ma plus générale et constante insatisfaction) que, pendant toutes ces années, j'ai poursuivi ma route sans regarder ni à droite ni à gauche (c'est-à-dire regardant et à droite et à gauche), sans incertitudes, sans doutes, sans crises (c'est-à-dire avec beaucoup d'incertitudes, avec beaucoup de doutes, avec des crises profondes), et que, entre le premier et le dernier de ces récits, il se dessine une certaine ligne circulaire qui n'est pas celle du chien qui se mord la queue. L. S.
Le genre de la nouvelle est difficilement maîtrisable, dit-on, pour un écrivain ayant l’intention d’inclure dans ce type de récit autant de force de conviction et d’intensité que dans un roman, catégorie prétendument plus aisée pour l'atteinte de ce type de but.
Leonardo Sciascia, dans un recueil de nouvelles intitulé « La mer couleur de vin », contredit magnifiquement ce présupposé .Il parvient à y décrire pêle-mêle le mirage d’un voyage organisé par un passeur sans scrupules, monnayant ses services fort cher pour organiser un voyage vers l’Amérique … Las, la traversée se termine au point de départ : « Ils se jetèrent assommés sur le bord du fossé :il n’y avait pas urgence à porter aux autres la nouvelle qu'ils avaient débarqué en Sicile. »
Dans la nouvelle la plus longue, La mer couleur de vin, ayant donné son titre à l'ouvrage, Il est question du voyage en train d d’un ingénieur quittant Rome pour Reggio de Calabre en Sicile .Cet homme, ayant choisi a priori une vie solitaire est fasciné par les enfants de la famille dont il partage le compartiment .Comme si ces derniers ravivaient en lui le regret toujours vivace de n'avoir pas adopté une vie de famille , d’avoir configuré son existence autrement : « Le fait est, pensa l’ingénieur, qu’un voyage est comme une représentation de l’existence, par synthèse, par contraction de l’espace et du temps ;un peu comme le théâtre, en somme : et s’y recréent intensément, sur un fond inconscient de fiction,, les éléments, les raisons et les rapports de notre vie. »
On relève également dans ce beau recueil une dénonciation sans appel des méfaits de la mafia, mot dont l’auteur détaille les diverses origines étymologiques avant de définir, en forme de condamnation définitive, son acception actuelle : « La mafia n’est ni une secte ni une association, elle n’a ni règlement ni statuts. (…)Le mafieux veut être respecté, il sait se faire rendre raison par lui-même et, quand il n’en a pas la force, au moyen d’autres personnes qui sentent comme lui . »Leonardo Sciascia dénonce également l’exploitation de la main-d’œuvre immigrée, en proie à la pauvreté et à l’exil dans une nouvelle éloquente, L’examen, dont la conclusion décrit le sauvetage d’une candidate à l’émigration vers la Suisse organisée par un certain M.Blaser, par son fiancé.
On le voit, les thèmes sont on ne peut plus actuels, pertinents, ce qui ajoute à l'intérêt de la lecture de cet ouvrage qui atteint son but littéraire et documentaire : la description des facettes les plus significatives de l’histoire et de la vie d’une région : la Sicile, terre d’origine de l’auteur.
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