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L'auteur de polars polaires Mo Malø a vécu en immersion parmi les chasseurs d'ours du Groenland pour mieux enquêter sur cette tradition millénaire qui perdure dans un monde où l'animal est aujourd'hui le porte-parole du changement climatique.
Groenland, 74e parallèle Nord, 450 habitants coupés du reste du monde par la banquise hivernale, dont une poignée de chasseurs d'ours polaires.
A priori, pas le genre de personnes à ouvrir facilement leur porte. Et pourtant...
À raison de virées de près de douze heures d'affilée à traîneaux par -30°C, en immersion totale, Mo Malø a suivi la traque de l'animal emblématique sur ces immensités septentrionales et vécu une aventure humaine auprès des Groenlandais qui l'ont initié à cette pratique. Il a tenté de mieux comprendre la perpétuation de cette tradition ancestrale dans un monde en mutation accélérée, où l'ours symbolise plus que jamais le dérèglement climatique et notre conscience écologique. Le récit de ce cache-cache entre le nanook et les humains permet de toucher du doigt la mélancolie de cet " éternel errant ", spolié de ses terres, et de montrer à quel point leurs destins sont liés.
« Sait-on jamais vraiment pourquoi l’on part ? » s’interroge Mo Malo dans le prologue de ce livre qui nous offre plus qu’un récit de voyage. Le Groenland a toujours fasciné l’auteur et la vie des chasseurs d’ours encore davantage.
Comment part-on chasser l’ours polaire par moins 40° ? C’est ce qu’on découvre dans ce récit qui nous entraine parmi ces inuits qui perpétuent une tradition ancestrale dans un lieu qui s’ouvre au reste du monde et qui subit le réchauffement climatique.
Tout cela questionne l’auteur. Comment relater son voyage et son immersion sans trahir ces populations autochtones ? Car chasser est mal vu par les occidentaux qui ignorent tout de cette chasse vivrière exigeante et nécessaire.
Tout d’abord, un voyage au Groenland, ça ne s’improvise pas. Et l’organisation se révèle complexe « Et si Nanook ne voulait pas de moi ? » s’interroge l’aventurier en herbe. Et de quel droit serait-il admis parmi ces chasseurs inuits aguerris qui traquent l’ours depuis leur adolescence ? Il lui faudra apprendre à les connaitre et se faire accepter en toute humilité.
Le lecteur découvre ainsi un peuple authentique attaché à ses coutumes ancestrales qui reculent face à la commodité du modernisme. Ainsi les traineaux et leurs chiens sont remplacés par des motos neiges, plus rapides et qu’on n’a pas à nourrir.
Il y a beaucoup d’humilité dans le récit de Mo Malo qui tente cette approche dénuée de jugement envers ce peuple inuit. Leur vision du vivant est large et teintée d’animisme. On remercie donc Nanook, l’ours dans leur langue, pour le don de sa vie qui fera vivre plusieurs familles, car le produit de la chasse est partagé.
« Chasser l’ours n’est pas un sport, surtout pas un loisir, et bien plus encore qu’une stricte nécessité vivrière. Je le comprends maintenant : chasser l’ours polaire est un sacerdoce. On est admis dans ce club très fermé comme on rentrerait dans les ordres, l’ours lui-même en étant sans conteste le grand prêtre. »
J’ai également été séduite par les descriptions grandioses des paysages glacés, par ces longues virées en traineaux dans un froid polaire.
Je ne serais sans doute pas allée vers ce livre s’il n’avait été dans la liste des œuvres sélectionnées dans le cadre du Prix du festival Terres d'ailleurs qui se déroule à Toulouse et je ne regrette pas ma lecture.
Ceux qui suivent Mo Malø et se régalent des enquêtes de Qaanaaq Adriensen, connaissent la passion de l'auteur pour le Groenland. Cette fois, ce n'est pas un polar arctique qu'il nous offre mais un récit de son voyage dans le village reculé de Kullorsuaq, 450 habitants, sur les traces de l'ours polaire, Nanook en inuktitut.
Mo Malø n'a pas l'expertise d'un explorateur ou ethnologue comme Jean Malaurie, Paul-Emile Victor ou plus récemment l'aventurier Nicolas Dubreuil. Ce n'est que son deuxième séjour au Groenland, qu'il aborde avec une grande humilité. Celle d'un Occidental qui ne connait rien à la chasse à l'ours, la déteste même telle qu'elle est pratiquée en France , et s'apprête à participer à une traque accompagné de trois Inuits.
« Il est si difficile de faire preuve de discernement sur ces pratiques quand on n'a pas côtoyé ceux d'ici. Que peut-on entrevoir de leurs besoins (vitaux), de leurs coutumes (millénaires), de leur engagement (total), de leur respect des proies (absolu), de la maitrise et de l'écoute de leur environnement (sans égal) sans les avoir constatés de ses propres yeux ? On condamne toujours plus facilement depuis son fauteuil et/ou son écran. »
Dès les premières pages, l'auteur s'interroge sur sa capacité à restituer sans dénaturer, à raconter sans piller le mode de vie d'un des derniers peuples autochtones de la planète à perpétuer ses traditions millénaires. Il y parvient de façon très convaincante, alternant récit d'aventures très physiques et introspection plus intimiste. Il décrit de façon très factuelle et sensible la reddition des sens dans ce territoire de glace impossible à domestiquer, ses paysages étonnants, son froid extrême, le bruit d'un traineau. Les mots choisis permettent totalement de s'immerger, même sans photographie pour accompagner ( je conseille vivement d'aller visiter les réseaux sociaux de l'auteur qui en a posté de superbes très généreusement ).
« Il est si difficile de faire preuve de discernement sur ces pratiques quand on n'a pas côtoyé ceux d'ici. Que peut-on entrevoir de leurs besoins (vitaux), de leurs coutumes (millénaires), de leur engagement (total), de leur respect des proies (absolu), de la maitrise et de l'écoute de leur environnement (sans égal) sans les avoir constatés de ses propres yeux ? On condamne toujours plus facilement depuis son fauteuil et/ou son écran. »
Oui, c'est vraiment l'humilité de Mo Malø qui m'a le plus séduite dans ce livre. On le voit essayer d'éliminer son « émotivité made in France » qui altèrerait sa perception du Groenland. Là-bas, l'ours polaire n'est pas un totem iconique des animaux en voie d'extinction victime du réchauffement climatique, un dogme interdisant tout débat. Là-bas, la chasse est vitale, vivrière, ritualisé.
Grâce à l'auteur, on comprend mieux la complexité de la chasse à l'ours présentée dans toutes ses dimensions cosmogoniques dans un environnement de survie et dans une culture imprégnée d'animisme où il n'existe aucune rupture entre les différentes formes de vivant, toutes en communion.
Un texte authentique et sincère qui va bien au-delà d'une simple transcription de voyage.
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Dernière réaction par Yannis Fardeau il y a 2 jours
Dernière réaction par Jean-Thomas ARA il y a 5 jours
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