"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Tout commence lorsque Suzanne, qui anime des ateliers d'écriture, demande à chacun de ses élèves d'apporter un objet de famille susceptible d'illustrer sa vie personnelle. L'un d'entre eux, Arsène, un orphelin rwandais réfugié en France après avoir réussi à échapper aux massacres qui ont ensanglanté son pays, doit avouer qu'il ne possède rien d'autre qu'une valise qui lui a servi d'abri durant sa fuite. C'est à partir de cet objet singulier que Suzanne va le convaincre de lui raconter son itinéraire et de lui livrer le secret de sa jeune existence. L'exercice devient pour Arsène le moyen d'exorciser sa « peur de la nuit » et de renouer les fils d'une identité dévastée, tandis que Suzanne accomplit son propre rituel du souvenir en revenant, pour un ultime adieu, sur les traces d'un père prématurément disparu. Par la grâce de l'écriture et de l'imaginaire.
Un roman rapide à lire mais dont j'attendais un peu plus car je pensais que l'histoire était davantage centrée sur l'atelier d'écriture. J'ai été aussi surprise par l'utilisation de la 2ème personne du singulier dans la moitié des chapitres du livre. La quête de Suzanne quant à son passé m'a paru aussi un peu en décalage par rapport au reste du roman. Ce livre est original néanmoins et touchant
Yasmine Ghata confirme son grand talent dans ce cinquième roman qu’elle mène avec beaucoup d’originalité, un style qui touche beaucoup son lecteur tout en évitant longueurs et surcharges. "J’ai longtemps eu peur de la nuit" permet de comprendre au plus près ce que vivent les déracinés ayant vécu au plus près les violences les plus extrêmes.
Suzanne mène un atelier d’écriture dans le collège où elle a été elle-même élève. Elle demande aux élèves de 3ème qui sont en face d’elle, de parler d’un objet familier présent depuis longtemps dans la famille. Un adolescent noir a fini le premier et fixe Suzanne.
C’est Arsène et le récit va alterner entre récit classique et texte écrit à la deuxième personne du singulier. L’objet qu’il a choisi est une valise, cette valise qui l’a accompagné et sauvé durant sa fuite du génocide rwandais : « Tu te rappelles la faim, la soif, les nuages au loin qui barraient la route à tout espoir… Pour toi, elle loge un cadavre ; celui de ton enfance pillée, en lambeaux. »
Grâce à la confiance de Suzanne qui retrouve aussi des souvenirs douloureux, Arsène parle de Willy, Flora et Trésor, ses frères et sœurs. Il avait 8 ans et, grâce à sa grand-mère, il a pu fuir à temps, avec cette valise : « vous étiez deux sur ce chemin. Seul, tu n’aurais pas survécu. » Encore près de chez lui, il a entendu les rafales, les cris, les hurlements et vu « des silhouettes familières traînant les corps, récupérant le bétail. »
uzanne est patiente mais se comporte avec rigueur, bienveillance, exigence et familiarité. Arsène continue : « Inséparable de ta valise, tu as dormi sept nuits dedans, le lit neuf te terrorisait. Une parcelle du Rwanda respirait encore à travers les lambeaux de cuir. » Le rapport de l’enfant avec sa valise est étonnant mais se comprend très bien : « Ta survie ne dépendait plus que d’elle, elle était ton toit, tes murs et ton plancher. »
Si Yasmine Ghata a choisi cette façon de raconter à la seconde personne du singulier, c’est parce qu’Arsène n’arrive pas à écrire son histoire. Il raconte à Suzanne qui rencontre le couple d’enseignants qui l’a adopté après beaucoup de temps et de précautions. Il le fallait car Arsène, dans le camp de réfugiés où il a enfin pu être recueilli, n’arrive pas à dormir : « Leurs cris, leurs pleurs, hantaient la nuit. » C’est pourquoi, il a longtemps eu peur de la nuit. Heureusement, dormir dans sa valise tenait les morts à distance…
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
L'histoire nous raconte le lien fort qui se crée à travers un atelier d’écriture entre Arsène, un adolescent rwandais réfugié en France devenu orphelin suite au massacre de sa famille lors du génocide rwandais en 1994, et Suzanne sa prof de français qui a perdu son père très jeune.
La valise d'Arsène joue un rôle central dans l'histoire. En effet, elle lui a servi d'abri et de lit pendant sa fuite. C'est la raison pour laquelle il y est très attaché :
"Ta valise était toujours à tes côtés, tu ne la lâchais jamais. Les adultes cherchaient tous à t'en débarrasser . Tu exprimais alors sans retenue des signes d'hostilité, défendant corps et âme cette chose qui n'appartenait qu'à toi. Le soir tu crachais et frottais la surface du cuir pour lui rappeler votre lien indéfectible […] elle portait les traces de l'exil tout comme vous." (page 141)
"J'ai longtemps eu peur de la nuit" est un roman poignant, sur l'exil, la perte d’êtres chers (le deuil), et la reconstruction. L'écriture est simple, fluide et facile d'accès ce qui permet à un large public de le lire. De plus ce texte est relativement court et se lit vite.
Un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire d’automne 2016.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2017/01/jai-longtemps-eu-peur-de-la-nuit-de.html
Le génocide du Rwanda a souvent été traité ces dernières années nous offrant d'excellents livres comme Petit pays de Gaël Faye ou Un papa de sang de Jean Harzfeld paru en 2015.
Petit pays a bénéficié d'une large couverture médiatique ces derniers mois et il est dommage qu'on ait beaucoup moins parlé de celui de Yasmine Ghata "J'ai longtemps eu peur de la nuit" qui aborde le même sujet mais sous un angle différent.
Suzanne anime un atelier d'écriture avec de jeunes collégiens, elle demande à ses élèves d'apporter en cours un objet de famille pour illustrer leur vie personnelle et intime.
Arsène apporte la photographie du seul objet qui lui reste : une valise. Arsène est un orphelin rwandais réfugié en France et adopté par un couple français, seul survivant de son village tutsi.
S'ensuivent des séances entre Arsène et Suzanne au cours desquelles le jeune garçon raconte à Suzanne son histoire qu'il ne parvient pas à écrire lui même, des séances pour dire l'indicible, décrire l'impensable. Avec une infinie patience Suzanne va écouter et tenter de restituer ce qu'a vécu Arsène.
Arsène avait 8 ans lorsque le génocide a eu lieu, il s'est enfui avec une valise remplie à la hâte par sa grand mère, a obéi aux ordres qu'elle lui a donnés, s'est réfugié dans un champ de bananiers pendant que toute sa famille se faisait massacrer. Cette valise va devenir la maison de fortune dans laquelle il va dormir, un cocon qui lui sauve la vie " Tu agrippais cette valise, y trouvant le réconfort d'un corps humain" pendant une errance à travers les collines où il ressent la peur, le froid, la faim et a régulièrement des visions des siens.
"Tu as eu longtemps peur de la nuit avec cette croyance ancrée que l'on est plus fragile et plus vulnérable dans l'obscurité " résume Suzanne.
Le procédé narratif donne tout son intérêt à ce roman, le récit alterne entre le présent avec les échanges entre Suzanne et Arsène et les passages écrits par Suzanne sur l'histoire d'Arsène dans lesquels elle emploie le "tu".
Parallèlement le récit d'Arsène replonge Suzanne dans son propre drame familial, la mort de son père adoré, Suzanne va alors retourner sur les lieux de son enfance pour un dernier adieu à son père. Les deux histoires d'Arsène et de Suzanne s'entremêlent à merveille.
Ce beau roman raconte l'histoire d'une belle rencontre toute en pudeur et montre le pouvoir de l'écriture qui libère et apaise.
"Depuis que tu racontes ton histoire, tu souffres moins ou différemment. Tu as enlevé au mal le poids du secret. En partageant ton histoire, tu as allégé cette charge que tu étais le seul à porter depuis tant d'années"
Une écriture toute en finesse, sensibilité et retenue, une narration originale, un récit émouvant et poignant. Un gamin et sa valise que je ne suis pas prête d'oublier.
Un livre qui a certainement souffert du succès (mérité) de Petit pays de Gaël Faye.
J'ai longtemps eu peur de la nuit est un titre des plus intrigants qui laisse déjà paraître toute l'émotion qui va se dégager de ce récit. C'est ainsi que je découvre la plume et l'univers de Yasmine Ghata...
L'auteure nous livre un roman court et poignant, un roman qui va à l'essentiel et nous décrit la rencontre entre une écrivaine -Suzanne- animant un atelier d'écriture et un jeune rescapé tutsi -Arsène- qui vit à présent dans une famille d'accueil en France. J'ai trouvé l'idée vraiment intéressante : celle de permettre à cet être de s'exprimer, d'exprimer son histoire par les mots au travers d'un objet qui l'aura accompagné durant son périple : une valise en cuir.
Son histoire est très touchante, émouvante, déchirante. Personne ne pourrait sortir indemne d'un tel drame, d'un massacre, de la perte de tous les membres de sa famille et la fuite en avant pour survivre. Sur une route remplie de dangers, jonchée de cadavres, Arsène continue à avancer. Il est à la fois dans cette salle de classe et encore dans son pays d'origine. J'ai trouvé l'écriture de Yasmine Ghata absolument magnifique : elle est d'une poésie sublime, d'une douceur infinie, d'une fluidité parfaite. A mes yeux le couple formé par le récit d'Arsène et le style de l'auteure est le gros point fort de l'histoire.
Après le livre étant assez court il y a un point qui m'a légèrement déstabilisée. En effet, à mes yeux Suzanne est celle qui aide, qui soigne par la catharsis mais le fait que Yasmine Ghata amène une mise en parallèle -voulue ou non- entre la perte d'un père qui hante toujours l'héroïne et un génocide national semble inopportun. Les passages qui se voulaient tristes sur ce père disparu perdent délibérément de la profondeur car il y a une comparaison avec le sort d'Arsène. Ce personnage féminin aurait pu être approfondi via son passé mais pour moi ce livre est l'histoire d'Arsène et non celle de Suzanne.
En définitive, une lecture poignante dans l'émotion et magnifique dans le style avec un petit bémol pour le mélange de deux drames qui n'avait pas lieu d'être.
Ce roman n’est pas resté longtemps dans ma PAL (Pile à lire), le résumé m’ayant plu et attiré dès sa parution. C’est une histoire que l’on dévore, que l’on lit vite ; l’écriture est magnifique, le récit émouvant et tendre.
Nous découvrons tour à tour les quêtes personnelles et les souvenirs de Suzanne, une professeure française, et d’Arsène, son élève adolescent d’origine rwandaise. Le récit est rythmé à travers deux narrations différentes, les chapitres sont courts. L’écriture est fluide, pleine de tendresse, de nostalgie, d’émotion et d’amour. Malgré un sujet difficile (le génocide au Rwanda mais aussi les blessures de l’enfance des deux personnages), nous dévorons le fil de leurs vies, de leurs confidences, de leurs douleurs mais aussi de leur renaissance mutuelle, l’un exhortant le passé de l’autre. Leurs vies sont éloignées mais se rejoignent ici. Les langues se délient, les pensées s’éclaircissent, les rituels s’apaisent.
Arsène est le seul survivant de son village rwandais massacré. Il n’a alors que huit ans. C’est seul, avec sa valise préparée en vitesse par sa grand-mère pour le sauver, qu’il va s’enfuir. Il ne sait pas où il va et sera confronté à l’hostilité de la nature sauvage. Il verra ce qu’un enfant de son âge ne devrait pas voir. Il va survivre pendant deux semaines avant d’être recueilli par une organisation française puis être adopté par un couple français adorable et bienveillant.
« Tu as longtemps eu peur de la nuit avec cette croyance ancrée que l’on est plus fragile et plus vulnérable dans l’obscurité.
« La nuit, la mort rôde et visite les vivants. On peut se lever et suivre les morts sur un simple malentendu. Au premier rayon du soleil, ils se volatilisent et disparaissent. J’ai longtemps eu peur de la nuit. Dormir dans ma valise les tenait à distance. »
Suzanne anime un atelier d’écriture dans l’école d’Arsène et va demander à ses élèves de travailler au sujet d’un objet ancien appartenant à leur famille depuis longtemps et qu’ils choisiront. Arsène ne possède que sa valise, son compagnon de route d’un passé douloureux, et c’est avec difficulté qu’il entamera son histoire. Mais ces deux-là vont s’apprivoiser, certainement parce qu’ils portent tous deux des douleurs de l’enfance. Suzanne va donc comprendre plus que jamais cet élève qui va finir par se confier à elle. C’est à travers le récit de cet adolescent que Suzanne va entamer son propre pèlerinage, retourner sur les lieux de son enfance et « retrouver ses racines profondes ».
« Rien n’indiquait sa hâte de quitter cet endroit qui était pourtant devenu à ses yeux une sépulture à ciel ouvert. »
Ce roman est court et fort à la fois. La plume de Yasmine Ghata est magnifique et ponctue de poésie un récit percutant. Je ne peux que vous conseiller sa lecture !
« Les paroles pour l’un, l’écriture pour l’autre les conduisent à la recherche de soi. »
Ma chronique sur mon blog : https://ducalmelucette.wordpress.com/2016/09/09/lecture-jai-longtemps-eu-peur-de-la-nuit-de-yasmine-ghata-rentree-litteraire-2016/
L’évocation des génocides, leur restitution littérale, leur appropriation par les victimes elles-mêmes, sont délicates, parsemées d’obstacles et d’embûches les plus diverses. Yasmine Ghata, auteure d’origine libanaise, fille de Vénus Khoury-Ghata, parvient, pour le plus grand bonheur de ses lecteurs, à surmonter ces pièges .Elle y arrive en croisant les récits de deux personnages essentiels :Suzanne, qui anime à l'occasion des ateliers d'écriture avec des collégiens, et Arsène, jeune réfugié, membre d’un groupe de ces ateliers .L’atelier commence par une demande de Suzanne aux participants d’apporter un objet de famille qui puisse illustrer pour eux leur vie personnelle et intime .Arsène avoue, difficilement car il ne maîtrise pas , loin s’en faut, toutes les subtilités du langage parlé qu'il ne possède pas ce genre d’objet, à part une valise, qui semble avoir joué un rôle décisif dans son départ du Rwanda.
Le roman est magnifiquement structuré : deux récits y alternent, se superposent, se recoupent : celui d’Arsène, écrit à la deuxième personne du singulier, ce qui accentue son côté solennel et le désigne comme un être capable de volonté, malgré son jeune âge ; et celui de Suzanne, qui nous plonge dans ses interrogations et recherches les plus intimes, celles conduites au sujet d’Arsène, mais aussi de son propre passé. La mort de son père est évoquée, par le souvenir de la configuration de l’appartement de son enfance, des odeurs du tabac que fumait son père, du café, des bruits faits par ce dernier en tournant la serrure de la porte d’entrée.
Pour Arsène, c’est cette valise qui est la pierre angulaire de toute son odyssée : « Vous regardiez tous deux cette valise sans rien dire (…) Ta main restée au contact de la valise signifiait toutefois que tu n’oublierais jamais ce qui s’est passé dans ta vie d’avant. »
Suzanne, pour sa part, parvient à trouver une issue à la lancinante question : laisser une trace de son passé dans l'appartement familial sur le point d'être vendu : « L’appartement n’est plus qu'une boîte prête à abriter de nouvelles existences .Les empreintes paternelles vont disparaître sou une nouvelle couche de peinture (…) Suzanne le sait, elle ne peut emporter l'immatériel .C’est pour cette raison qu’elle laisse un bout de papier dans l a cheminée .Cet acte dérisoire es une revanche sur l'oubli, ou plutôt sa peur d’oublier . »
Concernant Arsène, le roman suggère, par touches successives parfaitement calibrées, le chemin de croix qu’est un exil, après avoir échappé à l’un des génocides qui ont marqué l'histoire contemporaine, celui du Rwanda : « La nuit, la mort rôde et visite les vivants. On peut se lever et suivre les morts sur un simple malentendu (…) J’ai longtemps eu peur de la nuit .Dormir dans ma valise les tenait à distance. »
Ancré dans l’actualité récente de la crise des réfugiés, ce roman contribue à mettre en évidence la nature du déracinement et de la reconstruction d’une vie : dramatique, empreinte de souffrances, génératrice de traumatismes. C’est tout cela que l’exil entraîne. A nous, lecteurs, de garder cette donnée présente à nos esprits.
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