"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La Roya est un fleuve qui prend sa source en France, au col de Tende et se jette dans la Méditerranée à Vintimille, en Italie. Durant l'été 2017, Baudoin et Troubs ont parcouru cette vallée à la rencontre des membres du collectif « Roya Citoyenne », des gens qui, comme Cédric Herrou, viennent en aide aux migrants qui tentent de passer la frontière. Comme à leur habitude (Viva la vida, Le Goût de la terre), ils ont rempli leurs carnets de portraits et ils interrogent avec bienveillance et simplicité, la violence du monde et l'humanité qui en jaillit. Cette fois ils sont ici, dans le sud de la France, confrontés au racisme et à la solidarité. Cette question ne les quitte pas : « Pourquoi pour moi c'est possible et pas pour un Afghan, un Soudanais, un Érythréen, un... ? ».
Préfacé par J.M.G Le Clézio, Humains interroge notre vivre ensemble et notre projet européen confronté aux migrations politiques aujourd'hui et climatiques demain et nous rappelle que ce que les états qualifient de flux représentent en fait de précieuses vies humaines.
Je voulais parler de cet album depuis longtemps… il s’agit ici d’un carnet de voyage, un recueil de portraits glanés ici et là… mais pas n’importe où. Autour de la Roya, frontière fluviale entre la France et L’Italie, lieu de passage de migrants. On part donc avec Baudoin et Troubs à leur rencontre et à celle de ceux qui les aident, dont un certain Cédric Herrou dont tu as sûrement entendu parler.
Encore un album qui nous bouleverse doublement. D’abord parce que rencontrer ces hommes qui ont quitté leur pays est poignant… Les portraits de Baudoin sont magnifiques (souvent réalisés en direct et en double pour l’offrir à la personne ). Ensuite parce que c’est une démonstration d’humanité que réalisent ces citoyens qui ont décidé d’aider, tout simplement.
Il y a des livres qui vous remettent à votre place…. Humains est de ceux-là.
Baudoin & Troub’s, comme ils se présentent en couverture de cette BD hors du commun, reconnaissent qu’ils sont invités partout dans le monde mais que se déplacer comme ils le font est impossible pour un Afghan, un Soudanais ou un Érythréen.
Partant de ce constat, ils sont allés voir sur place, début juillet 2017, près de Nice, dans cette vallée de la Roya, fleuve côtier qui prend sa source en France, passe la frontière et finit son cours en Italie pour se jeter dans la Méditerranée.
Ils rencontrent, se déplacent, découvrent le Pas de la mort grâce à Enzo Barnaba, écrivain et historien qui aide les migrants : « Parce que ça m’énerve qu’on ne puisse rien faire. » Entre Vintimille et Menton, la frontière est là avec son grillage, un trou et la falaise…
À Vintimille, devant la petite gare, la tension est au maximum. Sous la 4 voies, c’est la zone et la Roya est là… Les voilà un peu plus tard avec René Dahon, un des responsables de « Roya citoyenne » qui constate : 180 militaires et gendarmes coûtent 60 000 € par jour et un drône surveille la propriété de Cédric Herrou.
De jeunes Allemands, Hollandais, Suédois, Italiens et Français assurent la cuisine, venant compléter l’action des bénévoles de la vallée : « Ils donnent et n’attendent rien en retour. Cela réconcilie avec l’humanité. » Pour Humains, la Roya est un fleuve, les auteurs rencontrent Claudine dans son gîte, à 1000 m plus Enzo, Andrée et d’autres. Ce sont des Justes.
Les témoignages s’accumulent, ils racontent la Lybie, l’horreur au quotidien. Chamberlain vient du Cameroun où on viole, torture, pratique l’esclavage. Ils font des portraits en échange de réponses : Adam, Abdoul, Manson, Khalil, Abdoul, Albert (Sierra Leone), Adam, Kedir, Sherif Alan, Abdala, Yah Ya (Soudan) et bien d’autres venant aussi du Tchad. Leurs yeux sont émouvants. Il faut les regarder et le dessin leur redonne vie et espoir…
Cédric Herrou explique à tous les démarches à faire et recommande de ne pas mentir à la PADA (Plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile). Au col de Fenestre, un panneau rappelle « La memoria delle Alpi », en mémoire de centaines de Juifs qui fuyaient la France, en septembre 1943…
Le 15 août 2017, des demandeurs d’asile ont été ramenés en Italie. Sur ordre de qui ? Gedo Abdalha, poursuivi dans la montagne par la police, a fait une chute et se retrouve à l’hôpital. Malgré toutes ces épreuves, ils disent tous : « Si c’était à refaire, je le referais. »
Jeudi 31 août, le Tribunal Administratif de Nice juge que : « L’administration porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile. »
Hélas, quelques mois plus tard, d’autres drames se produisent au col de l’Échelle et c’est un poème de Lou Nodet (12 ans) qui conclut ce livre aux dessins précis, vagues parfois, évocateurs surtout, des portraits émouvants, des vies saisies au hasard d’une rencontre, des humains qui ne demandaient qu’une chose : qu’on les traite comme des êtres humains !
Heureusement, ces Justes du XXIe siècle sont là, magnifiques de désintéressement. Ils sauvent, aident, secourent, nourrissent et rassurent d’autres Humains.
Un Grand Merci à Simon pour m’avoir fait découvrir cette BD si importante.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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J'ai croisé Edmond Baudoin ici à Nice à la sortie de l'album. J'ai une très belle dédicace sur ce magnifique ouvrage :).
Tous les ans, il existe un beau festival "les passeurs d'humanité" dans la Roya, au mois de juillet.