La Revue de Presse littéraire de mars 2016
"J'ai rencontré Reda un soir de Noël. Je rentrais chez moi après un repas avec des amis, vers quatre heures du matin. Il m'a abordé dans la rue et j'ai fini par lui proposer de monter. Nous avons passé le reste de la nuit ensemble, on discutait, on riait. Vers six heures du matin, il a sorti un revolver et il a dit qu'il allait me tuer. Le lendemain, les démarches médicales et judiciaires ont commencé."
La Revue de Presse littéraire de mars 2016
Dans ces conseils de libraire" spécial rentée littéraire janvier 2016, Colette Keber de la librairie "Les cahiers de Colette" à Paris nous présente ses coups de cœur
Nouvelle rubrique : la Revue de Presse littéraire de janvier
Tout est violence dans ce livre, le traumatisme que subit Edouard bien sûr, le vol, la strangulation, le viol, mais aussi la procédure policière, les questions incessantes des fonctionnaires, les examens médicaux, les répétitions du récit.. L' impact psychologique et le rejet de l'autre, le racisme qui naît dans son esprit, le temps qui devient une prison.. L'environnement dans lequel il a grandi, le rejet de son histoire, de ses racines, les jugements et commentaires de la soeur, dans son dos, le mutisme du mari...
Le narrateur raconte parfois, mais on apprend beaucoup du récit qu'en fait sa soeur, monologue ponctué de digressions, de jugements et de commentaires, pas simple de suivre dans les toutes premières pages mais on s'y fait rapidement, on revit le drame via plusieurs prismes.
Un roman riche et parfois bouleversant. Fort en émotions.
Un soir de Noël, Edouard rencontre Reda, dans la rue, en rentrant chez lui. Immédiatement attiré par le jeune homme, il le laisser monter dans son appartement et ils passent la nuit ensemble, avant que tout ne dérape pour une banale histoire de vol.
Ce livre est un récit croisé de la soirée. Le lecteur suit les propos de la soeur d’Edouard qui expose les faits à son mari et, comme un monologue intérieur, les commentaires d’Edouard, qui assiste à la conversation, caché derrière une porte.
L’histoire de la violence dont il est question va bien au-delà des faits de la nuit, prétexte au propos. Edouard Louis parle racisme, homophobie, violence sociale. Il évoque les violences qu’il a subies mais aussi celles que la société fait subir à son violeur.
Les points de vue s’entremêlent comme les niveaux de langage, passant d’une prose soutenue quand Edouard s’exprime à un discours beaucoup plus simple quand l’auteur nous rapporte les propos de sa soeur.
Cette plume qui m’avait tant plue, subjuguée même, quand j’ai lu « En finir avec Eddy Bellegueule » n’a pas su me charmer cette fois-ci. Je n’ai pas retrouvé la parfaite justesse des émotions du précédent roman et j’ai été malmenée par la construction même du récit, laissant beaucoup de place aux propos de la soeur de l’auteur et, donc, au parler plus « prolétaire » que j’ai cette fois trouvé presque artificiel.
Une petite déception donc, mais certainement liée à l’emballement ressenti à la lecture du premier roman de l’auteur.
J’attends le troisième avec impatience.
https://lucioleetfeufollet.com/2017/03/20/quand-jecris-je-dis-tout-quand-je-parle-je-suis-lache/
Edouard Louis, la nuit de Noël, se fait draguer par un jeune kabyle, Reda, et lui propose de prendre un verre chez lui. S’en suit une nuit d’amour et de conversation intense. Suite au vol de son portable, le sexe s’est transformé en agression, puis en agression sexuelle. Edouard ira à l’hôpital, au commissariat porter plainte. La sœur d’Edouard participe à ce récit en racontant à son mari les évènements tels qu’elle les a compris.
Je n’ai pas lu le premier livre de cet auteur. La curiosité est un (vilain ?) défaut et me voici avec Histoire de la violence entre les mains.
Je n’ai éprouvé aucune empathie pour ce jeune homme et son histoire, tant le style m’a déplu. Les interventions de la sœur alourdissent la lecture. Je n’aime pas sa façon de vouloir faire populaire lorsque Clara raconte. J’ai senti son ambivalence entre ses sentiments restés vifs à l’égard du Reda du début et sa déposition à la police. L’impression qu’il a, à la fois, envie d’arrêter la plainte et le besoin de la maintenir « Je ne me doutais pas encore de l’intensité avec laquelle j’allais me détester d’être venu jusqu’au commissariat. » ou encore «Je ne voulais pas porter plainte, à cause de ma détestation de la répression, parce que je pensais que Réda ne méritait pas d’aller en prison. ». A trop vouloir se donner le beau rôle, Edouard Louis n’est pas crédible pour moi. Pourquoi se cacher pour écouter le récit de sa sœur ? Une discussion entre lui et lui-même qui ne m’a pas plu. Un titre qui appelait autre chose
J'ai trouvé que l'auteur tournait beaucoup autour de son nombril même si je comprends que ce qu'il a vécu soit obnubilant.
Je n'ai pas vraiment compris l'intérêt de l'effet de style : faire raconter à sa soeur les faits.
Je reste donc perplexe !
https://animallecteur.wordpress.com/2016/02/16/histoire-de-la-violence-edouard-louis/
Bon je ne vais pas faire ma fière-prout-prout en posant des questions du style « mais qui sommes nous pour juger le récit d’une agression? » même si c’est vraiment le genre de question qui me passe par la tête! J’ai lu pas mal d’articles sur ce livre et je ne trouve pas ça juste que certains magazines se permettent de juger ce livre (presque) comme un torchon alors que ce jeune homme a juste eu le besoin d’extérioriser cette tragique aventure qu’il a vécu la veille de Noël 2012. Mon côté manichéen qui ressort!
Vous l’aurez sans doute compris, Histoire de la violence est un récit autobiographique qui retrace la nuit du 24 décembre 2012 dans l’appartement d’Edouard Louis. L’histoire est à la fois racontée par Clara, sa sœur qui raconte elle-même cette histoire à son mari, et par Edouard Louis qui ajuste les propos de sa sœur. De même que différents récits se croisent, le discours que tient Edouard à ses amis Didier et Geoffroy, celui qu’il tient aux policiers, à l’infirmière, …
Comme dans En finir avec Eddy Bellegueule, ce livre parle de la honte, de la douleur, du désir, de l’homosexualité, du racisme, de la souffrance, de l’intolérance, de l’exclusion, … c’est un véritable livre coup de poing, Edouard Louis ne triche pas, on ressent sa force et sa fragilité.
En plus de ça, j’ai eu la chance d’aller voir une lecture de ce livre au Théâtre National de Strasbourg. La lecture était faite par un metteur en scène, Stanislas Nordey, il a lu le premier chapitre, le huitième (mon préféré! et le préféré d’Edouard Louis, il me l’a dit himself!) et le neuvième. Puis il y a eu une petite discussion autour de l’oeuvre et du travail de l’auteur (d’ailleurs Edouard Louis, si tu me lis et si tu te mets à écrire du théâtre, je courrai pour prendre mes places!). Et puis après tout ça il y a eu une petite séance de dédicace (ma collection de livres dédicacés s’agrandie!)
J’ai lu les deux d’un coup (En finir avec Eddy Bellegueule et Histoire de la violence) et suis restée sans voix.
La violence pure, la haine sans mélange m’ont stupéfiée.
Dans cette famille pauvre du Nord de la France, dans ce village où les fins de mois sont difficiles et où l’on boit pour oublier, la violence est omniprésente. Ce que l’on voit est laid, ce que l’on respire donne la nausée, ce que l’on avale engendre des haut-le-cœur, ce que l’on entend n’est qu’injures et cris.
Eddy Bellegueule, le narrateur, va tout d’abord essayer de se fondre dans cet univers qui l’agresse : il essaie de jouer les gros durs, de boire de la bière, de prendre une copine… mais rien n’y fait. C’est un tendre qui n’aime ni la bière ni les filles. Alors, il faut fuir. « La fuite est souvent associée à la lâcheté, alors qu’elle est éminemment courageuse. Rompre c’est se réinventer. » dira Edouard Louis, l’auteur, qui a changé de nom, de dents, de corps et de langue.
Seule l’école lui permettra de s’extirper de ce monde qui le rejette et dont il ne veut plus.
Mais peut-on en finir avec Eddy Bellegueule ? Ce n’est pas si simple…
Dans Histoire de la violence, ce sont les mots de la sœur aînée qui diront l’indicible : le vol, le viol, la tentative d’homicide, comme si seule la langue de l’enfance pouvait exprimer la violence subie. Il corrige les propos de sa sœur mais c’est elle qui parle, qui raconte à son mari ce que son frère a vécu cette nuit de Noël 2012, alors qu’il rentrait chez lui, la rencontre avec un jeune kabyle qui l’approche, le séduit. « Aimer une respiration, il faut le faire quand même. » s’indignera sa sœur. Et puis, les événements s’enchaînent très vite jusqu’au point limite, jusqu’au paroxysme de la violence. Mais le narrateur ne peut supporter d’entendre les policiers, ses amis, sa soeur prendre possession de son histoire : il sait que « le langage ment » et ne comprend pas comment son récit peut « ne plus lui appartenir », il se retrouve soudain « exclu de sa propre histoire. » Et ce qu’il dit se transforme en des propos racistes et violents vis-à-vis de son agresseur. N’avait-t-il pas subi de violences ce garçon dont le père avait quitté le pays pour vivre en foyer, lui qui n’avait pas su saisir la perche que lui tendait l’école pour s’en sortir ? Qui Edouard Louis avait-il eu en face de lui cette nuit-là sinon un double de lui-même, de ce qu’il aurait pu être lui aussi à peu de chose près. Alors, il ne supporte pas les mots des autres sur celui qui a failli le tuer, victime, lui aussi, finalement : « je ne pouvais pas entendre quelqu’un insulter Réda, j’ai eu envie de protéger Réda… »
Le narrateur se méfie des mots, lui qui oscille entre « deux langues ennemies, deux cultures ». Quelle est celle qui dit le vrai, ce qu’il est ? La langue des déshérités, de ceux qui sont dépossédés du langage ou bien celle de l’institution, de la classe dominante ? Comment peut-on vivre au sein de cette dualité ? Etre à la fois Eddy Bellegueule et Edouard Louis ?
Et pourtant, il faut dire, parler pour « s’arracher à son histoire » au risque de rouvrir la plaie à peine refermée, chaque mot prononcé étant une torture mais aussi une voie vers la vérité, « une nouvelle percée » vers la vie de celui qui, épuisé de douleurs, plié en deux sous le fardeau de la souffrance, est forcé de dire, lui qui aurait aimé se taire.
Les paroles de Imre Kertész viennent conclure : « … en écrivant, je cherchais la souffrance la plus aiguë possible, à la limite de l’insupportable, vraisemblablement parce que la souffrance est la vérité, quant à savoir ce qu’est la vérité, écrivis-je, la réponse est simple : la vérité est ce qui me consume, écrivis-je. »
Dire, écrire, souffrir pour s’exhumer et renaître, si c’est possible…
http://lireaulit.blogspot.fr/
On retrouve dans cet opus Eddy Bellegueule avec lequel l'auteur, Edouard Louis, n'en a visiblement pas fini. Le narrateur raconte le traumatisme d’une agression violente qu’il a subie le soir de Noël, alors qu’il revient d'une soirée passée chez ses amis. Sa rencontre avec Reda, parfait inconnu, s'achève par un viol et par la sensation d'être passé très près de la mort.
C'est en fait un récit dans le récit que l'auteur propose fort habilement, une superposition de points de vue narratifs : le sien, factuel ; celui de sa sœur qui narre l'agression à son mari, utilisant ses propres mots, en langage picard et populaire, presque sans respiration ; et le sien à nouveau, en correcteur des erreurs qu'elle énonce. C'est aussi la juxtaposition de deux mondes : son milieu populaire d'origine qu'il fuit pour un univers plus érudit, parisien.
Ces ruptures narratives sont parfois pénibles à la lecture, ralentissant le rythme, changeant la perspective (on se surprend à trouver plus empathique le personnage de Clara, naïf et toutefois plus intelligent ; ses nombreuses digressions montrant sa compassion alors que le narrateur reste souvent clinique dans son récit).
Histoire de la violence est surtout l'histoire d'une rédemption par la parole pour se libérer de l'horreur, du traumatisme : parler pour se défaire, pour en finir avec les réminiscences douloureuses, avec la culpabilité et la honte ressenties par un narrateur qui se surprend à céder à une stigmatisation facile. Un roman ambigu où la violence se cache aussi dans une lutte intime et que j'ai refermé, mitigée.
J'étais impatiente de découvrir Histoire de la violence, qui n'a pas été la découverte que j'espérais.
La construction rend la lecture difficile : il y a, d'une part, l'histoire d'Edouard racontée par sa soeur Clara, dans sa langue familière, et d'autre part, la vision du narrateur, Edouard en personne. Les deux récits s'entrecroisent, mais l'utilisation du personnage de Clara n'ajoute, à mon sens, rien à l'intrigue.
J'avais par ailleurs des attentes sur le traitement du sujet, que j'imaginais plus sociologique et ambitieux. Le roman m'a semblé se borner à raconter la vision d'Edouard, son ressenti, le poids du traumatisme.
L'auteur fait cela à merveille, mais j'espérais davantage de ce deuxième roman.
Ma chronique complète est ici : http://viederomanthe.blogspot.fr/2016/02/histoire-de-la-violence-edouard-louis.html
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