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Franck est né en1968. Enfance et famille d'accueil dans le Nord. Apprenti en pâtisserie à Paris. Puis Gare du Nord, Jourdain, Oberkampf, Les Halles, la vie dans les squats, les bars, les halls de gare, les stratégies pour faire la manche, la réalité de la marge. Après c'est Fleury-Mérogis, le quotidien de la cellule et du parloir, Béthune ou Lille, les maisons d'arrêt, le juge, le tribunal.
La narratrice de ce récit est la femme qui a aimé Franck, qui l'a soutenu, l'a visité en prison, a été le témoin de son errance et de sa chute. Celle qui a pris le métro, le bus, le train, voyagé des journées entières pour trente minutes de parloir, celle qui a réuni les papiers, fait des colis, déjoué les tracas avec l'AP (Administration pénitentiaire), celle qui a eu peur, qui a attendu, espéré. De ville en ville, de rues en montées d'escaliers, de chambres d'hôtel en cours d'immeubles, de couloirs en guichets, elle témoigne, observe, se souvient, écrit dans une langue tendue, acérée et visuelle, à la poésie parfois brûlante et approche au plus juste le sentiment de vertige, de solitude et de violence contenue dans les villes.
Franck est un livre qui dit la trajectoire d'un homme indésirable, qui n'a pas su trouver sa place mais a seulement tracé sa route dans des lieux hostiles et provisoires, poussé à la fuite, à la rue, à l'échec, traînant un sac qui contient toute son existence : lettres, photos, papiers, minicassette et quelques livres, dont Le vieil homme et la mer d'Hemingway.
Mais plus qu'un récit attaché à la seule vie de Franck, c'est aussi un livre qui dresse le portrait d'une société tout entière en posant avec force la question de l'homme chassé et celle de la prison : comment elle agit sur les hommes, comment elle humilie, soumet et interdit à ceux qui se retrouvent entre ses murs de se construire une vie future.
La pudeur est le maître mot de ce livre tout en retenue, qu’on peine à considérer comme un roman. Jamais la narratrice ne se met en avant – bien au contraire, elle se cache, sans cesse, derrière des phrases infinitives, des détails qui n’en sont pas (comme le ticket pour le trajet jusqu’à Fleury-Mérogis) ou des lieux qui parlent pour elle. Rarement l’absence a eu autant de présence – Franck, le détenu, est partout, empêchant la narratrice de vivre.
Le style d’Anne Savelli peut dérouter, voire décourager (révélant que ce qui est difficile à lire n’a pu qu’être plus difficile encore à formuler pour l’auteur) : elle écrit comme, imagine-t-on, elle pense, replonge dans ses souvenirs ; cela donne des phrases coupées, des paragraphes entrecoupés, emmêlés, une écriture très visuelle. Elle a surtout un rare talent pour observer et retranscrire les choses invisibles qui font la vie, celles qu’on pensait être les seuls à avoir remarqué – des détails qui n’en sont pas, encore, et qui, ensemble, forment un tout, le tout.
http://actualitte.com/blog/sophielit/2010/09/08/franck-anne-savelli/
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