"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
De nos jours, en Allemagne, et à New York, dans les années 1990.
Un homme vient de mourir. En triant les papiers, sa fille retrouve son journal et se plonge dans l'histoire de ce père aussi fantasque que fragile.
Jonas n'a pas encore trente ans quand il débarque à New York, laissant à Berlin Mah, sa petite amie mythomane et follement jalouse, pour vivre son rêve de cinéma. Au gré de rencontres déjantées, Jonas découvre, fasciné, un milieu où flottent encore les fantômes de Kerouac et Ginsberg. Reste à trouver un sujet pour son film d'études. Film érotico-porno-expérimental ? Documentaire sur l'oreille, cet organe si peu filmé ?
Jonas semble volontairement passer à côté du sujet qui s'imposerait pourtant : celui sur l'histoire de sa famille. A New York, en effet, vit sa « tante » Paula, qui fut un temps très proche de son grand-père, à Riga, pendant la Seconde guerre mondiale. Et si Jonas ne veut rien entendre, Paula, elle, a beaucoup à dire sur cet homme complexe, nazi sanguinaire qui l'a pourtant sauvée, elle, Juive.
Et tandis que Jonas affirme à qui veut l'entendre qu'il ne tournera jamais de « film à la con sur les nazis », Nele va entrer dans sa vie...
Ce livre est déjà paru sous le titre Baiser ou faire des films.
Jonas Rosen est un tout jeune homme, étudiant en cinéma, quand il débarque à New-York en 1996. Il vient de Berlin où il a laissé sa petite amie, Mah, et doit préparer la venue d’un groupe d’étudiants sensé tourner un film sous la direction de leur professeur. Dès son arrivée, les choses s’annoncent un peu plus compliquées que prévu. Il doit d’abord compter sur un hôte un rien déjanté dont les capacités ménagères sont inexistantes. Et Jonas va bientôt croiser la route de Nele, stagiaire de l’institut Goethe, qui doit l’aider dans sa tâche et dont la personnalité hors cadre va le fasciner. Et c’est sans compter la présence dans la ville de “tante Paula”, une vieille dame juive que le grand-père de Jonas, le Sturmbannführer Rosen, a sauvé pendant la guerre. Mais pour Jonas, hors de question de se pencher sur ce passé même si tout l’y ramène irrésistiblement.
Chris Kraus poursuit ici son travail exploratoire sur le passé de l’Allemagne et sur l’héritage que doivent endosser les jeunes générations, descendants de nazis, et sur la manière dont elles peuvent gérer ce leg encombrant.
Ce qui est remarquable, c’est que l’auteur, même s’il revient sur des thèmes qu’il a abordés dans La Fabrique des salauds, écrit un livre totalement différent. Le style ici, peut se comparer à celui d’auteurs américains tels que Richard Ford ou Richard Russo voire à l’univers de Woody Allen, dans le côté parfois légèrement absurde et décalé des événements. L’histoire aussi qui met en scène un jeune homme déchiré par l’histoire familiale mais aussi entre deux femmes que tout oppose, la très jalouse Mah et l’évaporée Nele, une femme d’hiver contre une femme d’été.
Chris Kraus nous livre l’histoire sous la forme d’un journal tenu par Jonas sur la période où il est à New-York, retraçant jour par jour ce qui lui arrive, les rencontres qu’il fait, les évènements qu’il traverse. C’est subtilement drôle, grave sans être pesant, incroyablement intelligent, totalement addictif.
C’est ce genre de livre qu’on peine à lâcher avant la phrase finale mais qu’on regrette de fermer définitivement. Une vraie réussite !
Jonas est étudiant en cinéma. Il doit rendre sa copie, autrement dit un court-métrage. S’il a une idée vague du sujet qu’il pourrait traiter, ce qui est clair c’est qu’il ne tournera pas « un film à la con sur les nazis ! ».
Le lieu de tournage du futur court-métrage est New-York, et ce sont les confidences de trois carnets noircis lors de ce séjour déconcertant qui permettent au lecteur de fréquenter pour un temps les lieux branchés de la ville qui ne dort jamais, de s’immiscer au coeur ses souvenirs d’une tante sauvée par un officier nazi malgré ses origines juives et d’assister aux tergiversations amoureuses du jeune homme.
La galerie de personnages est haute en couleur, de l’hôte obèse atteint du syndrome de Diogène qui l’hébergera pour un temps, au fantasque équivalent d’un directeur de thèse. Sa fiancée restée à Berlin n’a pas un profil banal et notre narrateur lui-même fragilisé par un traumatisme crânien, a du mal à trouver ses repères cours de ce voyage qui fait voler en éclat ses certitudes passées.
Les situations cocasses et le regard à la fois tendre et sévère sur les personnages donnent un ton léger qui n’empêche pas de traiter avec sérieux le sujet en toile de fond, à savoir le rôle des SS dans les pays baltes au cours de la deuxième guerre mondiale.
Quel sera le sujet du court métrage réalisé à New-York, l’érotisme des oreilles ou un « film à la con sur les nazis » ? Les lecteurs le découvriront au terme du récit.
Lu avec plaisir et je remercie les éditions 10/18 et Netgalley.
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