"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Je ne respecte les règles d'aucun romancier » affirme Chahdortt Djavann. En effet, la voilà qui entre et sort de manière virtuose de son roman, comme si elle franchissait les frontières d'un pays. Narratrice de sa fiction, elle en devient aussi un des personnages.
Après « faute de naissance », un premier chapitre intime où l'auteur confesse son « indélicatesse d'être née sans pénis après un frère mort », elle nous raconte, de Téhéran à Ispahan, le destin de plusieurs femmes qui paient un prix effroyable pour avoir joué autour d'une fontaine, refusé un mariage arrangé en vivant un amour homosexuel, ôté son voile en public ou tenu tête à un mari puissant.
Dans le dernier chapitre aux allures de conte, l'auteur traverse l'Europe, l'Arménie et l'Azerbaïdjan et rentre clandestinement dans son Iran natal, au risque d'être arrêtée comme espionne. Elle y retrouve deux cousines, devenues grandes résistantes, qui vont changer le cours de l'Histoire.
Voici le roman le plus atypique, le plus poétique et le plus audacieux de Chahdortt Djavann dont la plume, limpide et puissante, nous surprend et nous transporte.
Chadortt Djavani, écrivaine iranienne qui a fait de la France sa terre d'adoption depuis plus de 20 ans évoque ici le sort de ses sœurs iraniennes réduites, comme le suggère le titre, à l'état de créatures incomplètes, donc inférieures .
Ses œuvres écrites et publiées en France témoignent de son engagement pour dénoncer les discriminations dont sont victimes les femmes de son pays, depuis l'accession au pouvoir des ayatollahs . En voici quelques titres : IRAN, J'ACCUSE (2018), COMMENT LUTTER EFFICACEMENT CONTRE L'IDEOLOGIE ISLAMISTE (2016), NE NEGOCIEZ PAS AVEC LE REGIME IRANIEN(2009), BAS LES VOILES(2003).
Si la forme exclamative du titre ( que l'on peut qualifier de titre « pétard ») nous incite déjà à l'indignation, le contenu qu'il annonce réserve au lecteur à la fois découvertes, émotions et empathie.
Un ouvrage difficilement classable . Il commence par une cinquantaine de pages à caractère autobiographique où l'auteure évoque son enfance et sa famille à l'époque plus libérale du Shah d'Iran, se poursuit par 3 récits glaçants dont les héroïnes sont des femmes ou des jeunes filles et se clôt par une fiction, une sorte de conte à vous tordre le cœur dans lequel Chardott Djavani revenant en Iran tient le rôle d'une bonne fée .
Puisse un changement de régime lui permettre un jour de rentrer dans son pays …....
Un ouvrage généreux qui éveille nos consciences à la condition des femmes iraniennes et un vibrant réquisitoire contre le régime politique actuel des mollahs, servi par une écriture percutante.
A sa lecture, me sont revenues en mémoire quelques lignes des paroles de DEBOUT LES FEMMES, l'hymne du MLF, (que certaines d'entre nous ont peut-être chanté en 1971.....) et qui correspondent
au sort actuel des Iraniennes .
« Asservies, humiliées, les femmes
Achetées, vendues, violées
Dans toutes les maisons, les femmes
Hors du monde reléguées »
Pas courant de voir un point d'exclamation dans un titre de livre. Ici, quand j'imagine cette exclamation dans la bouche de certains hommes, je ressens tout le mépris, la moquerie exprimés par ce signe de ponctuation, et je peux presque entendre le reste de la phrase : "mais à quoi ces êtres négligeables peuvent-ils donc bien servir ?"
La réponse de Chahdortt Djavann n'est pas tendre : dans son pays, l'Iran, pour les "hommes d'Allah", les femmes (puisque c'est bien d'elles qu'il est question) servent, au mieux, à faire des enfants et le ménage, au pire, d'objets sexuels jetables, violables, torturables et tuables à merci. "Tuez donc vos femmes, il n'y aura pas mort d'homme". Comme si ça ne suffisait pas, les femmes en Iran sont vues comme de si dangereuses tentatrices pour les hommes qu'il convient de les cacher sous des couches de voile et de vêtements amples (je ne comprendrai jamais ce paradoxe qui veut que le sexe dit "fort" faiblisse à la vue du moindre cheveu s'échappant d'un hidjab et soit aussitôt pris d'une irrésistible envie animale de coït. Mais soit).
Dans ce roman qui n'en est pas vraiment un, puisqu'il est à la fois témoignage et récit inspiré de faits réels, l'auteure commence par nous raconter sa "faute de naissance" qui marquera son destin, celle d'être née fille alors qu'on attendait d'elle qu'elle remplace le merveilleux frère décédé peu de temps auparavant. La voilà dotée d'une culpabilité ad vitam et d'une absence de pénis qui l'amènera des années plus tard à fuir son pays, et à écrire. Après nous avoir confessé son parcours (j'allais écrire "après s'être dévoilée", mais le jeu de mots est douteux), elle nous livre quatre récits, quatre destins de femmes qui basculent dramatiquement, pour un rien ou presque, pour avoir trop joué près d'une fontaine, pour avoir fui un mariage arrangé, enlevé son voile dans la rue ou avoir contredit son mari.
La condition – misérable, ignoble – des femmes en Iran est donc au centre de ce livre, qui est aussi une charge virulente (au vitriol, et ce n'est que justice – celles/ceux qui ont lu comprendront) contre le régime, l'Etat islamique des ayatollahs, qui bafoue allègrement les droits des femmes et de manière générale toutes les libertés fondamentales de tout qui oserait s'opposer à lui. Entre les lignes, on y lit tout l'amour d'une exilée pour son pays, celui d'avant 1979, avec son histoire, ses traditions, sa culture. On y apprend aussi son désarroi de déracinée qui ne se sent chez elle nulle part, "la désolation accablante qui [l']afflige" quand elle pense à ce qu'est devenu l'Iran, le "mélange de culpabilité congénitale et de rage impuissante qui [la] terrasse".
Ce sont précisément cette rage et cette tristesse qui font que l'auteure, dans un dernier chapitre, décide de s'affranchir de toutes les règles du roman et de revenir à la fiction pour terminer par un final fantasmé, utopique, tellement beau qu'on a envie d'y croire avec elle. Dans le silence assourdissant des gouvernements occidentaux, la littérature, l'écriture comme seules armes contre le totalitarisme, la fiction et l'imagination comme ultimes refuges contre l'obscurantisme religieux ?
La plume est sincère, la narration puissante, le texte marquant et nécessaire, et Chahdortt Djavann une femme (cet être sans pénis!) admirable d'audace et de lucidité.
Encore une fois estomaquée par le texte de Chahdortt Djavann. J'adore son écriture incisive et précise telle un scalpel qui décortique dans ce texte son identité et l'identité de l'Iran.
Entre autobiographie et fiction, entre faits divers et Histoire, l'oeuvre nous offre des regards multiples sur ce que vivent les femmes en Iran, sur leur condition de vie et leur place dans les sociétés. Ces histoires sont poignantes, d'autant plus qu'elles sont criantes de vérité.
Chahdortt Djavann m'a beaucoup émue aussi à confesser son déchirement entre deux pays. Son auto analyse sur son identité est bouleversante; toujours mise en doute, elle se cherche elle même. Son identité, malgré son exil, malgré son adoption de l'identité française, sa naturalisation prend source dans son enfance et dans ses racines, ses origines. Et elle n'y peut rien, comme le fait d'être un "être sans pénis". C'est la raison pour laquelle elle éprouve le besoin d'imaginer son retour et sa rencontre avec des femmes de sa famille qui lutte contre tout ce qu'elle exècre : la tyrannie politique et la tyrannie des hommes.
A travers ses récits, elle nous offre un texte engagé et nécessaire : elle nous prévient contre les dangers de l'islam politique, contre le statut réservé aux femmes dans ce pays magnifique qu'est l'Iran mais si mal gouverné.
Malgré ce qu'on lui a souvent reproché (qu'elle regrette dans la première partie), le fait de ne pas être française, son écriture et les valeurs qu'elle défend sont une ode à la France et une preuve, s'il en fallait une, qu'elle est française. Au travers ce texte perce son identité de femme française.
En tout cas, j'adore cette auteure française et je recommande son ouvrage.
Ne vous arrêtez surtout pas au titre, vous risquez de passer à côté de ce récit intense, brûlant et engagé. Chahdortt Djavann est une auteure française, d'origine iranienne, c'est une auteure de l'exile, déracinée volontairement bien malgré elle, qui par bien des côtés m'a rappelée Sedef Ecer et son roman Trésor National. Elles ne viennent certes pas du même pays, Sedef Ecer est d'origine turque, mais les épreuves dont elles ont fait l'expérience est semblable, celle de quitter un pays aimé mais qui s'est radicalisé brutalement, celle de s'adapter à un pays et une culture inconnus. D'ailleurs toutes les deux ont inscrit noir sur blanc dans leur récit, qu'il leur était désormais impossible de revenir au pays, sous peine d'emprisonnement ou pire, leur nom étant sur la liste noire des gouvernements en place.
Je le disais, ce récit est à mi-chemin entre la biographie et la fiction, Chahdortt Djavann incarne la première personne narrative, un double romanesque et mêle épisodes fictifs à un constat tristement réaliste sur son pays de naissance : elle en parle comme l'auteure française qu'elle est devenue, qui a quitté le pays dans lequel elle a grandi, mais qui lui manque encore terriblement, à travers les liens qui la relient encore à lui. Elle dresse le constat de ce qu'est devenu l'Iran en tant que République Islamique en montant de toutes pièces des anecdotes terribles, lesquelles, dit-elle, collent parfaitement à ce qui arrive quotidiennement là-bas.
C'est un cri du coeur, de colère, de détresse, d'impuissance. du coeur pour le pays qui restera toujours une moitié d'elle, avec sa langue le persan ou farsi, sa culture. de colère, pour ce même pays, qui sous le règne des différents Mollahs, depuis la chute du Chah (ou roi) en 1979 est devenu un pays hostile à la femme, qui y risque sa peau chaque fois qu'elle sort dans la rue. de colère pour la France, son pays, sa langue, sa culture d'adoption, qui lui fait chaque jour ressentir ce statut d'exilée, de non-française de souche, alors même que l'extrême-droite ne cesse d'étendre son influence. de colère contre l'occident qui ferme obligeamment les yeux faces aux graves et multiples atteintes aux droits de l'homme – surtout de la femme, à vrai dire – et qui refuse tout interventionnisme. de colère contre chacun d'entre nous qui ignorons, ne daigne pas s'intéresser pas au pays, à ses habitants. Et surtout une colère intense, inextinguible contre ces Iraniens, ces hommes, qui chaque jour arrêtent, tabassent, violentent, molestent, violent, massacrent, torturent tuent en toute liberté, et encore pire, en toute impunité, celle qui aura l'audace de vouloir profiter de la vie, de se révolter.C'est un portrait au vitriol que l'auteure nous fait de ce pays, de ce que ses dirigeants en ont fait depuis quarante ans qu'ils sont au pouvoir. C'est aussi un constant amer sur la perversité de ce #metoo qui a certes eu un impact sur les pays occidentaux, qui a été considéré comme un phénomène de foire par les mollahs iraniens, de ce féminisme occidental à la petite semaine qui exige finalement peu de bravoure puisque finalement les femmes n'y risquent pas grand-chose. le féminisme n'existe pas là-bas, l'humanité n'existe plus dans ce pays où même les enfants sont maltraités et abusés, rejetés, entassés dans des bidonvilles infectes à la périphérie de Téhéran. Je comprends la manière dont elle condamne avec véhémence ce féminisme qui est le nôtre ici, même si on pourrait lui opposer quelques objections. Je pensais, à tort, que depuis le provocateur et tonitruant Ahmadinejad, les choses avaient évolué quant à la condition féminine, je me suis lourdement trompée. La situation reste catastrophique pour les femmes, et l'auteure constate justement avec colère son impuissance, l'inaction occidentale, à travers les récits fictifs de ces femmes malmenées par la toute-puissance et le sadisme masculins.
L'auteure pose un regard sans concession sur ce qui est son pays de coeur, accompagné d'une colère qui bouillonne et explose sous l'injustice réservée à ces êtres qui ont eu le malheur d'être nés sans pénis. À très juste titre. Derrière tout ce ressentiment qui ressort à vif chez elle, se cache un attachement profond à sa culture perse, issu d'un pays doté d'un patrimoine culturel incroyable et unique. Mais étouffe par le conservatisme haineux de ces mollahs haineux. L'auteure a une écriture très forte, et d'une limpidité unique, la colère sourde explose phrases après phrase, l'injustice, l'indignation arrive presque à certains moments à faire de son récit un pamphlet anti-république islamique.
Il faut écouter l'auteure. Il faut comprendre. La solution, elle la trouve, elle l'invente et l'écrit à demi-mot, en considérant la lâcheté des Nations Unies, elle estime que désormais l'issue pour l'Iran a de grandes chances de ne venir que de l'intérieur. Si seulement c'était possible. La revue en ligne Middle East Eye affirme qu'en 2020, l'Iran détient le triste record d'avoir été le pays ayant exécuté le plus de femmes au monde. La blague, c'est que depuis un an, ce même pays a été élu membre permanent de l'ONU en charge de la promotion du droit des femmes (à se taire, peut-être ?). J'ai découvert Chahdortt Djavann à travers ce récit puissant, que j'ai lu d'une traite, sur un pays qui a fini par se retourner sur les siens, la famille de l'auteure tout comme ces femmes iraniennes, et sur son propre avenir, ses enfants. J'ai très envie de continuer à découvrir l'oeuvre, très engagée politiquement contre l'Islam radical, de cette survivante qui revient de bien loin.
Première lecture de cet écrivain* d'origine iranienne, et c'est peu de dire qu'elle m'a marquée.
C'est un livre singulier et puissant qui nous balade entre témoignage et réalité romancée.
L'auteur dénonce, à travers différentes histoires, ce qu'il se passe actuellement dans son beau pays, ce pourquoi elle culpabilise d'être en France. Elle, qui a eu le malheur (comme tant d'autres) de naître sans pénis, dans ce pays, qui donne des droits et des devoirs en fonction de ces quelques grammes, présents ou non à la naissance, mais qui a pu s'en échapper.
Elle interpelle le lecteur, ce qui donne encore plus de force à ce récit. Elle ne suit aucune règle, mélangeant le témoignage et les récits ancrés dans la réalité mais romancés. Et c'est aussi ça qui a contribué à réellement m'embarquer. Jusqu'à la fin, la dernière histoire, que l'on souhaiterait de tout cœur être d'actualité, ou au moins dans un futur proche.
Ce qu'il se passe en Iran est effroyable, et il serait bon que chacun lise ce livre pour l'appréhender réellement.
*écrivain ou écrivaine.
Dans la langue persane, il n'y a aucune distinction de genre pour les noms, les pronoms et les adjectifs... (je l'ai appris dans ce livre) ce qui est fou quand on sait la différence faite entre les hommes et les femmes, dans les pays où elle est parlée. Mais ils se débrouillent quand même, vous pouvez bien l'imaginer, pour indiquer le sexe (ou le genre) de la personne dont il est question.
Mais pourquoi même vouloir faire une distinction ? C'est le même métier, que l'on fait, qu'on ait un pénis ou non. Mentionner son sexe (ou son genre) à travers le nom de son métier est-il pertinent et bénéfique, ou devrions-nous faire abstraction de cette distinction, qui pourrait même nous desservir ?
Je sais bien que c'est pour donner plus de visibilité aux femmes, mais est-ce là l'important ?
A ce sujet, la réflexion de l'auteur m'a intéressée. Et si certains féministes se trompaient de combat ? Je n'ai pas la réponse, mais c'est intéressant de voir les choses sous un autre angle. Y'a de quoi mouliner dans la caboche !
"Certains féministes ajoutent un e au mot écrivain et aux autres métiers pour compenser ou pour souligner leur manque du pénis. Moi, je m'en fous éperdument d'un e de plus. Un e ne change rien à l'affaire. Un e ne remplace pas un pénis."
Plusieurs histoires composent ce roman. Toutes traitent de la place des femmes en Iran, pays natal de l’auteure.
Si j’ai eu un peu de mal à apprécier le style de l’auteure au premier chapitre, j’ai été conquise par la puissance de sa narration sur toute la suite du roman.
Incontestablement des mots qui me resteront longtemps en mémoire.
A lire les cheveux au vent.
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