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Animal domestique préféré des Français, compagnon fétiche des écrivains, figure incarnée de l'érotisme, symbole du guerrier libre et courageux, le chat a colonisé notre imaginaire. Indépendant et fier, il est souvent présenté comme ayant la réputation d'avoir domestiqué « ses humains ». De Baudelaire à Picasso, de Churchill à Doris Lessing, de Rossini à Kwon Yoonjoo, en passant par la comédie musicale Cats et les Pussy Riot, Stéphanie Hochet offre une promenade culturelle surprenante et riche à travers la centaine d'entrées que propose cet éloge, retraçant l'histoire des attachements si variés qui unissent les humains aux chats.
Évadé perpétuel, roi fainéant, curieux génie, quelle meilleure forme que celle d'un dictionnaire pour saisir les esquives et malices du chat ? Stéphanie Hochet en témoigne et dresse avec amour (et volupté !) un portrait subtil du petit félin, tissant anecdotes, souvenirs, histoire et réflexions érudites.
"Faire l'amour en présence d'un animal est une expérience amusante : le lapin tape du pied, le chien veut jouer avec vous, l'oiseau observe, le chat, lui, détourne le regard avec mépris, comme Mozart quitte la pièce où s'exercent les violonistes en herbe. Votre amateurisme l’incommode".
Puisque cet éloge s'affirme voluptueux, je suis allée directement à l'entrée "Volupté" de l'abécédaire qui constitue une forme idéale pour aborder la multiplicité des thèmes qui s'imposent lorsque l'on s'avise de traiter le sujet du félin. "Sybarite de la sieste, Lucullus de la gamelle, toujours prêt à la caresse, le chat est le champion de la délectation. Un félin frigide est une contradiction dans les termes : l'absolue volupté appartient à son essence". Que dire de plus ? En fait des tas de choses. Stéphanie Hochet avait déjà livré un Eloge du chat qui offrait un charmant voyage en compagnie de ces fauves et de ceux qu'ils ont tantôt asservis, tantôt inspirés, souvent les deux. Cette fois, les thèmes abordés sont beaucoup plus vastes à la fois historiques, artistiques, littéraires ou beaucoup plus pragmatiques.
J'ai ainsi appris que je suis ailourophile. Enfin, je le suis miraculeusement devenue après avoir été élevée dans une famille à tendance ailourophobe. Je parle de miracle mais le chat et moi partageons apparemment un point essentiel dans notre comportement : nous ne restons jamais dans une Église (cf. entrée "Belgique"). Voilà qui était fait pour nous rapprocher. Je ne vais pas passer en revue chacune des entrées mais celle qui explore "Les chats dans la peinture" est absolument passionnante qui nous apprend que le grand Léonard de Vinci était un Antispéciste avant l'heure. On passe par l'Egypte, forcément. Par l'Angleterre, évidemment. Et par le Japon, seul pays à avoir cédé plusieurs îles aux chats. On approfondit les relations qu'entretenaient Fujita (si doué dans sa représentation des chats !), Beaudelaire ou Patricia Highsmith avec les félins. On revisite la façon dont l'imaginaire et les mythologies se sont emparés de l'animal à travers des contes, des films ou des superstitions et l'on ne peut que constater la richesse et la diversité de cette source d'inspiration.
J'avoue avoir pris beaucoup de plaisir à arpenter ce terrain, tantôt surprise, parfois amusée de reconnaître en un comportement que je pensais spécifique à mon matou celui d'une myriade de ses semblables, comme ce goût pour la léchouille du plastique (cf. Manies) ou cette tendance à devenir collant (cf. Evolution). Emue aussi, de croiser au détour d'une page le témoignage de Jérémy Fel (cf. Plumelle), très affecté par la mort encore récente de sa fidèle compagne poilue. L'occasion d'évoquer le lien très particulier qui se crée avec chacun de ces félins, et leur disparition qui fait aussi partie de l'expérience. Des Aristochats à Emile Zola, de B.B. à Boris Vian, en passant par Cats, La Fontaine ou Doris Lessing, le chat laisse ses empreintes partout et marque son territoire. La très féline stylisation des lettres qui ouvrent chaque séquence de l'abécédaire contribue au plaisir de la lecture.
Si le chat fascine autant, c'est peut-être pour cette liberté qu'il affiche envers et contre tout, au point que les humains le taxeraient facilement d'ingratitude. Rien de tel que la liberté alliée à la beauté pour inspirer les artistes. Et amplifier le mystère.
"(...) Il est tout et son contraire. Là réside son mystère. Le chat est l'obscur, c'est à dire l'insituable, l'inattrapable. C'est moins physiquement que spirituellement qu'apparaît son insaisissabilité". (cf. Obscurité)
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