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L'oeuvre de Heine est sous-tendue, quasiment depuis les premiers textes en prose des années 1820, par un projet autobiographique qui fournit la matière à des récits ou à des oeuvres de fiction et ne parvient à maturité que lorsque le poète, dans les années 1850, se trouve cloué sur son lit d'agonie.
L'autobiographie est alors un moyen de réévaluer sa vie, de jeter une lumière critique sur son allégeance à l'hégélianisme, de retracer ses relations avec des révolutionnaires, de reprendre une dernière fois sa croisade contre Mme de Staël et la vision faussement éthérée d'une Germanie perdue dans les brumes métaphysiques. Elle est aussi l'occasion d'un retour des thèmes religieux. Les Aveux de Heine sont publiés en 1854.
Il ne s'agit une fois de plus que d'une concrétisation partielle du grand projet autobiographique éternellement avorté. Dans ses papiers restaient encore les fragments de Mémoires qui ne furent publiés qu'en 1884, longtemps après sa mort. Lors de ses démêlés avec sa riche famille hambourgeoise, Heine avait longtemps fait planer la publication de Mémoires comme une menace à peine voilée. Pourtant, le texte posthume, très intimiste, évoque des rêveries d'enfance à propos de l'oncle Salomon von Geldern, cet aventurier des Lumières qui parcourut l'Orient, de Josepha la rouge, petite fille d'un bourreau qui semble sortir des légendes rhénanes.
Résolument fragmentaires, ces deux principaux écrits autobiographiques ne pouvaient être publiés dans une nouvelle traduction qu'avec un accompagnement de récits complémentaires, phases de rédaction préparatoires ou développements abandonnés. Il y a les articles où Heine critique Mme de Staël, son image de l'Allemagne étant avant tout antistaëlienne. Il y a les tentatives de comprendre son attachement à Bonaparte et surtout ses faiblesses pour le lointain successeur, Louis-Napoléon, qui vient de s'emparer du pouvoir en France.
Il y a des notes rédigées à diverses occasions sur l'histoire d'une vie, puis enfin les testaments. Romantique défroqué, Heine a gardé de ses origines littéraires une passion moins pour l'introspection que pour le retour spéculaire sur la vie déjà vécue. Ce retour ne saurait être rectiligne, rigoureusement structuré. Il est soumis à toutes les révisions suscitées par les conjonctures familiales, personnelles, intellectuelles.
Il tient à la fois de la variation musicale et d'une errance labyrinthique dont les principales étapes ont été rassemblées ici.
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