Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Quelque part dans un paysage méditerranéen orageux familier et insaisissable, en marge d'un champ de bataille indéterminé, un soldat inconnu tente de fuir sa propre violence. Le 11 septembre 2001, sur la Havel, aux alentours de Berlin, à bord d'un petit paquebot de croisière, un colloque scientifique fait revivre la figure de Paul Heudeber, mathématicien est-allemand de génie, disparu tragiquement, resté fidèle à son côté du Mur de Berlin, malgré l'effondrement des idéologies.
La guerre, la désertion, l'amour et l'engagement... le nouveau roman de Mathias Enard - vif, bref, suspendu - observe ce que la guerre fait au plus intime de nos vies
"... une densité romanesque inversement proportionnelle à sa dépense de mots". Déjà, cette phrase aurait dû me faire hésiter.
J'ai tout de même commencé ma lecture, mais les faits présentés aléatoirement n'ont pas aidé à me faire entrer dans les récits.
Et puis ce soldat qui ne fait pas grand chose : beaucoup de mots pour ne dire aucune action.
Et puis à la page 80, l'auteur n'était pas encore entré dans le vif du sujet avec le mathématicien Paul.
C'est sans doute un roman construit comme une résolution de problème mathématique. Sans doute. Je ne suis pas allée assez loin pour l'éprouver.
Mais ma lecture du premier tiers de ce roman a été éprouvante (manque de patience ?)
J'ai fini par lâcher l'affaire.
Deux histoires en une, voilà ce que nous propose Mathias Énard avec « Déserter »
Le premier qui ouvre le bal est un soldat qui fuit une guerre, laquelle on ne sait pas, le lieu non plus mais toutes les guerres se ressemblent, non ? Et lorsqu’on est déserteur, on reste quand même un soldat avec ses réflexes et ces souvenirs qui collent à la peau.
« Tu es encore des leurs, tu portes toujours des armes, des munitions et des souvenirs de guerre, tu pourrais cacher le fusil et les cartouches dans un coin et devenir un mendiant, laisser le couteau aussi, les mendiants n’ont pas de poignard. »
La seconde histoire est plus complexe, avec de nombreux personnages qui gravitent autour de Paul Heudeber, ce mathématicien de génie auteur de « Les conjectures de Buchenwald » œuvre à la fois mathématique et littéraire écrite durant son internement à Buchenwald. C’est à travers les témoignages d’amis, de confrères qui admirent ses travaux, les lettres adressées à sa compagne et le récit de sa fille unique, Irina que va se reconstituer sous nos yeux la vie de Paul. Irina qui ne sait pas grand-chose de ses parents et découvre, longtemps après la disparition de son père, quel couple étrange il formait avec sa mère Maja dont il était éperdument amoureux -les lettres le prouvent- mais qui a choisi de vivre loin d’elle. Le mur les sépare. Tandis que Maja vit à l’ouest, Paul, communiste et antifasciste convaincu, est resté à Berlin Est, Irina se souvient des va et vient entre les deux Allemagnes pendant l’époque du rideau de fer. Lui, ce n’est pas son pays qu’il déserte et, pourtant, campé dans son obstination de ne pas affronter la réalité, il déserte le réel pour se plonger dans les mathématiques. Mais est-ce que l’infinité des nombres premiers jumeaux peux protéger de la vie et des désillusions ?
Il écrit à sa femme : « Les mathématiques sont un voile posé sur le monde, qui épouse les formes du monde, pour l’envelopper entièrement. »
Sa fille dit de lui « Mon père marchait sur deux jambes : l’algèbre et le communisme. Ces deux membres lui permettaient de parcourir la vie entière. Ces deux mondes lui avaient permis de survivre à la déportation. «
Irina, qui va aussi fuir toute sa vie en vivant et travaillant à l’étranger, revient sur le passé de ses parents. Tandis que son père se réfugie dans ses recherches, sa mère poursuit sa carrière et devient une personnalité du SPD. Peu à peu se construit comme un puzzle, l’histoire du couple qui a vécu les soubresauts de l’histoire du XXe siècle. Une lettre de Linden Pawley, chercheur en mathématique, lui apprend qu’il a été l’amant de sa mère Maja, mais qu’il avait conscience qu’il n’avait pas le génie de Paul Heudeber.
Et que devient le déserteur, celui que nous avons laissé dans une cabane au milieu du maquis ? Il va croiser une femme en fuite avec son âne borgne. Ces deux-là ne peuvent s’entendre, et pourtant, ils fuient la même horreur et cherchent l’oubli au-delà de la frontière. Encore faut-il l’atteindre au milieu des dangers. Cette histoire, c’est une sorte d’allégorie qui semble écrite uniquement pour nous ramener à cette idée brute de désertion. Ces retours à l’histoire sans date et sans nom de lieux du soldat déserteur font comme des pauses dans le récit complexe de Paul.
Ce que j’aime chez Mathias Énard, ce sont ces morceaux d’histoire dans lesquels évoluent ses personnages. On traverse ainsi, par récits juxtaposés, une période sombre du XXe siècle. A travers le colloque consacré à Paul Heudeber et qui se déroule précisément le 11 septembre 2001, jour de l’effondrement des tours jumelles, il nous rappelle ainsi une des grandes tragédies de ce début de siècle. Et il y a jusqu’à la guerre d’Ukraine qui sera évoquée au passage.
Le récit de Mathias Énard est d’une construction précise et documentée, il ne nous emmène pas n’importe où. Par contre, j’ai eu du mal avec les concepts mathématiques, j’avoue que ce n’est pas ma tasse de thé, et, malgré mes efforts je n’ai pas vu l’aspect littéraire dans l’énumération mathématique. (Voir page 191)
J’avoue m’être un peu perdue dans les méandres du récit mais, malgré cet écueil, j’ai aimé cette histoire qui plonge ses racines dans les mystères de la grande histoire.
Déserter, chacun le fait à sa manière et pour des raisons qui lui sont propres.
Mathias Enard a su, une nouvelle fois distiller les petites vies dans la grande histoire.
La lecture de « Déserter » ne m’est pas apparue plus aisée que celle de « La boussole », peut-être même plus tiraillante encore. Cela ne tenait pas au fait qu’il y racontait deux histoires totalement différentes. Ni qu’il avait laissé un flou total dans celle du déserteur quant à l’époque à laquelle elle se jouait, à l’endroit où il se trouvait, ou quelle guerre il avait fuit. Probablement une guerre parmi les plus récentes. Tout cela tout amateur de littérature s’en accommode, voire en joue lui aussi.
Le style de l’écriture change elle aussi selon que l’on se trouve dans l’une ou l’autre des histoires racontées. L’écriture des chapitres concernant le déserteur renoue légèrement avec celle de « Zone », ce livre sans points, sans chapitre, écrit tout d’une traite. Cette fois on est loin de cette extrême, mais il la réutilise petitement sous forme de phrases sans point, il va à la ligne, poursuit par une minuscule, puis refait de même un peu plus loin, pour finalement mettre un point à la fin de longues phrases regroupant plusieurs idées. Ça n’est pas désagréable (beaucoup moins fatiguant que dans « Zone »), ça donne une espèce de respiration arythmique, une longue inspire, une courte expire ou inversement. Bref un drôle de rythme respiratoire quand on essaie de le décoder. Peut-être que dans une de ses interviews, Mathias Enard a expliqué ce qu’il avait envie de faire, de créer.
L’histoire de Paul Heudeber nous est raconté une décennie après sa mort, lors d’une colloque qui commémore son nomes ses travaux et qui débute le 10 septembre 200. C’est d’ailleurs un de ses confrères, le mathématicien américain Linden Pawley qui révélera la clé du roman. Un grand nombre de personnages vont traverser son histoire.
Sa fille Irina nous raconte la vie du couple qu’il a formé avec Maja. Paul, mathématicien, communiste, antifasciste vivait à Berlin Est, de l’autre côté du mur, alors que Maja, elle aussi scientifique, vivait à l’Ouest et était active dans le SPD. Leur amour n’a pas été moins que fou. Leur passion a traversé les frontières et le temps. Une idée à donner ? celle de Maja qui écrit ceci à Paul : « Il y a maintenant un mois que je ne t’ai pas vue et la vie gèle ». De pareilles phrases se retrouvent régulièrement dans leur échange épistolaire, celui que leur fille décortique.
Paul a également laissé des écrits aussi bien mathématiques que littéraires lors de sa détention dans le Camp de Buchenwald. Pour Enard tout est prétexte pour parler de la grande histoire du XXe siècle.
Le déserteur quant à lui, il compte ses morts, n’en peut plus et largue les amarres de la guerre. Il ne voit qu’un endroit pour se sentir en sécurité, celui de la cabane de son père dans sa région natale, dans un décor montagneux. On vit sa fuite avec les armes gardées sur lui, puis une rencontre avec une personne aussi scabreuse que lui. En dire plus serait dommage.
Les images ne sont pas faciles pour le lecteur mais Enard a su les rendre supportables.
On est de plus en plus loin de ses livres faciles comme « Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants », - livre qui reste parmi mes oeuvres préférées - mais j’enchaine vite en rajoutant : quelle extraordinaire culture historique il nous transmet maintenant.
Mon bémol, celui qui m’est propre, c’est que, même en étant de formation scientifique, rien n’y a fait, je suis restée comme sourde à la compréhension des « mathématiques littéraires » dont Mathias Enard fait la description. Pas grave, j’aime la prose d’Enard, j’aime sa culture, j’aime ses émissions radiophoniques. Un jour peut-être, je le comprendrais encore mieux.
Citation :
Un extrait de lettre à Maja « Tu protégeais mes jours comme tu les protèges aujourd’hui, tu les adoucis même dans l’absence et Irina projette quelque chose de toi, une douceur, une consolation au passage du temps, un rayonnement qui provient de ton âme proche et lointaine. Tu es une maladie - ma passion à la maladie de l’infini, mon amour ne peut s’écrire autrement que par ton nom. Il n’y a pas d’autre façon de désigner l’amour, : te nommer. Reviens-moi vite. » Paul
Mathias Enard écrivait une biographie romancée sur un mathématicien fictif lorsque la guerre en Ukraine éclate. Déserter naît de cette situation, un choc qui vient conclure un siècle, le précédent, fait d'utopies ratées, de rêves fous toujours présents mais complètement détachés de la réalité maintenant vécue.
Maïa Scharnhorst est une femme politique de l'Allemagne de l'Ouest, toujours soupçonnée d'intelligence avec l'ennemi, celui de la RDA. Elle est morte en 2005 à 87 ans. Paul Heudeber est celui qui l'a tant aimée, même de l'autre côté du mur, à Berlin. Mathématicien renommé, il est communiste fervent et encarté depuis 1967 et antifasciste notoire. L'année 2021 avec son confinement et sa guerre proche pousse leur fille à raconter.
Irène a gardé le goût de l'histoire notamment lorsque son père racontait l'exposition universelle. Et, comme il était ce mathématicien apprécié, elle est devenue spécialiste de l'histoire des mathématiques. À partir de lettres, de poèmes, de films, elle retrace la vie de ce père énigmatique qui, communiste convaincu, a fui ses croyances politiques devant les réalités. Mais surtout, Paul est l'archétype de l'homme du XXeme siècle. Il a traversé Buchenwald qu'il s'interdisait de nommer ainsi, avant il y eut le camp de Gurs rassemblant entre autres “les indésirables ” fuyant les nazis.
Alors, naturellement, elle raconte l'hommage pour son père auquel sa mère a assisté. Lors de la conférence croisière organisée en 2001, les intervenants ont célébré l'institut de mathématiques qu'il avait créé en 1961. Seulement, nous sommes en septembre…
Le roman de Mathias Enard évolue parallèlement avec deux histoires : le soldat déserteur avec cette femme aux cheveux ras, et cette fille Irène qui part à la redécouverte de ses deux parents.
À aucun moment, les deux histoires ne se rencontrent. Leur point commun est la fuite. Celle du groupe de référence pour tenter d'oublier les morts, leurs regards interrogateurs qui reviennent, tant, la nuit. Mais aussi, la fuite de nos espoirs, idéaux qui ont enchanté notre présent, dont la croyance s'est effacée au fur et à mesure que des charniers se sont dévoilés mais aussi devant l'amour devenu mirage.
Jusqu'à la destruction du Mur, l'idéal socialisme de Paul, comme Mathias Enard le démontre, pouvait faire écran à la réalité. À partir des guerres de Yougoslavie, puis du fameux 11 septembre, la foi d'un monde diffèrent s'est effritée et les illusions se sont envolées, ne laissant que l'imaginaire pansait les esprits. Cette désertion décrite par Mathias Enard est à l'image du soldat déserteur, un lieu de solitude intense où le membre influent devient paria et où il ne reste que l'imaginaire pour se raccrocher à nos rêves et suivre notre humanité.
Le récit de ce soldat, tentant d'échapper aux cauchemars des exactions qu'il a organisés, retrouve grâce aux lieux de l'enfance sa propre compassion.
Mathias Enard écrit avec limpidité même si ses histoires révèlent des degrés de compréhension imbriqués. Mélangeant la langue de la narration à celle du tutoiement puis celle de la mémoire, Déserter étonne par la justesse de son propos, l'érudition dont il s'entoure et la poésie humaniste qu'il transmet.
Difficile de ne pas le découvrir !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/10/02/mathias-enard-deserter/
Avec sa virtuosité des mots, l’écrivain érudit met en scène un mathématicien fictif de grande renommée et un déserteur anonyme pour faire résonner ce que la guerre en Europe a été et les traces qu’elle a laissées au fin fond des âmes sans se cicatriser et qui nous poursuit dans la réflexion de l’Histoire et son terrible retour à une des portes de nos frontières.
Irina, une historienne des mathématiques septuagénaire se rappelle la vie de ses parents par bribes et va découvrir des pans de leurs existences qui lui avaient été cachés. Dossiers déchiquetés reconstitués, entretiens, lettres, écrits, souvenirs, poésies et voyages vont reconstituer le rideau opaque d’un passé qui lui était alors inconnu.
Elle se rappelle ce colloque de mathématiques en hommage à son père, organisé sur un petit bateau accosté sur une rive de la Havel près de Berlin, prévu pour le 11 septembre 2001 et qui n’a pas pu se tenir dû à l’attentat de New-York qui a retenu l’attention du monde entier les yeux rivés sur des écrans de télévision et fit régner la stupeur mais aussi la panique d’un professeur américain à bord dont la fille travaillait dans les tours à une époque où on croyait à la paix. Une paix aussi aléatoire qu'une équation...
Les participants finiront par parler ensemble et ainsi de fil en aiguille Irina apprendra beaucoup de choses sur son père, célèbre mathématicien est-allemand fervent communiste et rescapé des camps de Gurs (en France) et ensuite de Buchenwald et très amoureux de son épouse, Maja Sharnhorst, une femme politique de l’Allemagne de l’Ouest qui décédera peu de temps après le colloque.
Irina apprendra le rôle de sa mère et la relation qu’elle a eu avec son père entre l’Allemagne de l’Est et celle de l’Ouest, d’une époque murée à celle de la réunification.
Mathias Enard avec maestria sait mettre le poids étouffant des secrets et fardeaux en suspend en retraçant la grande histoire de deux dictatures qui se firent face et ses conséquences tout en nous faisant voyager dans l’histoire des mathématiques au parfum oriental, de Tusi aux quatrains de Khayyam si appréciés par Goethe.
En contrepoint, Mathias Enard met en scène un jeune paysan, une brute illettrée, habité par un patriotisme de propagande, parti au front dans une guerre qui n’a ni date ni lieu sinon qu’elle est actuelle avec des zones sans réseau téléphonique et des paysages méditerranéens sublimes où le sang, la boue, la barbarie, la frayeur, et la folie font résonner toutes les guerres et celle d’Ukraine à laquelle on ne peut éviter de penser.
L’écriture est sublime alors qu’il investit ce jeune combattant qui raconte la violence subie et qu’il a fait subir avant de prendre la décision de déserter.
« La guerre il voudrait se l’arracher comme une croûte morte ».
Dans sa fuite, il rencontrera une jeune fille en fuite elle aussi, avec un âne, les cheveux rasés et violée par des bougres sanguinaires.
L’art du non-dit et des silences sont d’une puissance remarquable pour aller chercher au tréfonds de l’horreur ce qu’il y a d’humanité pour continuer à vivre et à aimer coûte que coûte.
J’ai retrouvé des émanations de ‘Boussole’, de ‘La perfection du tir’, de ‘Zone’, avec leurs parfums d’Orient et de Méditerranée qui irriguent le livre à travers la géographie et l’Histoire que l’auteur sait si magistralement bien dépeindre et raconter mais j’ai aussi eu le plaisir de lire ses poèmes et ses lettres d’amour d’une qualité de premier ordre me rappelant que Mathias Enard n’est pas seulement un romancier hors pair mais aussi un grand poète. (Lire son recueil de poèmes: ‘Dernière communication à la société proustienne de Barcelone’).
‘Déserter’, c’est le fracas du monde dans des bruits étouffés suspendus au bout d’une plume curieuse, sensible, puissante et virtuose.
Virtuose de l'écriture à l'érudition immense, Mathias Énard a construit une œuvre singulière depuis maintenant vingt ans.
Mais cette fois-ci sa maestria n'a pas fonctionné sur moi.
Deux récits évoluent en parallèle sans jamais se rencontrer si bien que le parti pris de l'auteur m'a déconcertée. Je pense en effet que chacun d'entre eux aurait pu faire l'objet d'un traitement indépendant.
Errant dans un maquis méditerranéen, un homme fuit la guerre en implorant Dieu pour qu'il le protège. Il croise la route d'une femme et de son âne, animal hautement symbolique par le message messianique qu'il véhicule.
Portée par des envolées lyriques pour évoquer la violence et la nature protectrice, la narration, longue mélopée plaintive et menaçante, est quasiment dépourvue de points.
Le 11 septembre 2001, sur un bateau de croisière non loin de Berlin, un colloque rend hommage à Paul Heudeber, mathématicien de génie allemand qui fut déporté à Buchenwald. Vingt ans plus tard, la fille du chercheur se souvient de ce jour funeste pour le monde. Elle retourne aussi sur le parcours de ses parents vivant chacun des deux côtés du rideau de fer, Maja la mère à l'ouest et Paul le père à l'est.
Ce voyage dans le temps, soulignant combien les hommes sont victimes d'une Histoire écrite par d'autres, n'est pas toujours aisé à suivre.
Bref, je suis déçue de ne pas être parvenue à entrer dans ce roman.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-deserter-mathias-enard-actes-sud/
Un texte qui tresse des histoires dans l’Histoire (avec sa grande H). Deux axes / trames alternent :
• un homme, guerrier qui n’hésite pas à tuer, manifestement déserteur, rencontre une femme et son âne. C’est avec un style « enrichi » qu’Enard développe cette rencontre et une partie des histoires personnelles dans un univers de guerre. L’âne va être un personnage à part entière protégeant la femme ; ce qui lui vaut d’ailleurs sa photo sur la couverture (!) ;
• un colloque en la mémoire du mathématicien allemand Paul Heudeber – mathématicien – poète – communiste de conviction, qui se tient le 11 septembre 2001. Le style est plus classique en laissant la plume particulièrement à la fille de Paul et à des reprises de textes ou de lettres de Paul. Si on retrouve ainsi les guerres du XX ème : la seconde guerre mondiale avec les persécutions nazies, la guerre froide et la volonté de Paul de rester en Allemagne de l’Est, c’est aussi la guerre des attentats et des guerres à venir qui sont présentent : le colloque sera interrompu et clôturé après les chutes des tours et la sidération qu’elles provoquent.
Enard développe, au long de ces pages étranges pour le lecteur qui (peut) se demande(r) : pourquoi ; pourquoi deux histoires dans une, et qui ne se rejoignent pas directement ? … et c’est progressivement qu’on comprend que c’est de cela dont il s’agit : des histoires (avec leurs lots de passions, convictions, trahisons, amour, solidarité, …) dans l’Histoire, des guerres dans la Guerre omniprésente avec son lot de brutalité, de bestialité, de morts.
Deux histoires en parallèle nourrissent cette narration. Seront-elles vraiment parallèles jusqu'au bout ? L'une des deux évoque un soldat déserteur errant à la recherche d'une planque, d'où vient t'il ? Quelle armée a t'il fuit, pourquoi et en quelle année? Aucun élément ne permet de répondre à ces questions. L'autre, raconte la rencontre d'amis du mathématicien Paul Heudeber le 11 septembre 2001 pour lui rendre hommage et chaque épisode est daté et localisé précisément. Dans des contextes très différents, la même magie dramatique et romanesque produite par une grande économie de mots, mais une grande force évocatrice saisit le lecteur. Amour, fidélité, trahison, espoir, survie, conjectures se déploient tous au long des deux récits. Un très grand roman à déguster.
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