"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Et si l'Afrique avait conquis le monde ?
Et si la traite des esclaves avait pris une route opposée, et que des millions d'Européens avaient voyagé en fond de cale des navires négriers ?
Doris est née en Angleterre dans une famille de laboureurs heureux.
Kidnappée par des trafiquants, revendue à différents propriétaires en Aphrika, elle obtient le statut envié de secrétaire du puissant Bwana.
Mais à la suite d'une tentative d'évasion, on l'expédie dans les champs de cannes à sucre : le châtiment ultime.
Pourtant, c'est dans les plantations et aux côtés de la solide viking Ye Mémé, que Doris découvre la culture métissée et résiliente des esclaves.
De manière inattendue, elle reprend contact avec ses racines blondes...
Dans ce roman uchronique, Bernardine Evaristo inverse les couleurs du passé, bouscule les rôles et les privilèges et interroge la complexité humaine de sa plume drôle et subversive.
Des racines blondes est le premier roman en prose de Bernardine Evaristo.
Il forme, avec Fille, femme, autre et Mr. Loverman une trilogie romanesque traversée par le travail de mémoire et la réflexion sur les systèmes de domination.
De l’autre côté du miroir, les couleurs sont inversées.
Les esclaves sont blancs, les esclavagistes sont noirs.
L’Afrique civilisée a construit une culture et une économie dynamique, notamment en capturant les Européens primitifs et en les utilisant comme esclaves.
Cette uchronie fournit la toile de fond du dernier roman de Bernadine Evaristo.
Doris Scagglethorpe, jeune anglaise, est amenée dans le Nouveau Monde comme esclave. C’est à travers son histoire que le lecteur découvre la torsion historique opérée par l’autrice. Un travail ingénieux qui inverse les rôles pour mieux pimenter la satire.
Tout les préjugés raciaux nous sont resservis mais les victimes ne sont plus les mêmes.
Les blancs ont un petit crâne donc ils ne peuvent pas être intelligents. Ils sont fainéants, ce sont des barbares sans culture, sans raffinement, ils se ressemblent tous, ils ne sont pas beaux.
Car de cette domination noire découlent aussi les normes esthétiques. Doris, rebaptisée Omorenomwara par son maître, est contrainte de porter ses cheveux blonds raides en cerceaux tressés sur toute la tête. Elle doit marcher pieds nus. Et seins nus. D’ailleurs, les blancs affranchis essaient de se bronzer, ceux qui peuvent se le permettre se font opérer pour aplatir leur nez…
Au milieu du roman, Bernardine Evaristo inclut un essai de 50 pages écrit par le propriétaire de Doris sur "La véritable nature du commerce des esclaves & remarques sur le caractère et les coutumes des europans ». Ce faux mémoire regorge de thèses scientifiques fumeuses et de valeurs morales pour justifier l'esclavage.
Avec « Des racines blondes », l’autrice est aussi drôle que tragique. L’absurdité et l’illégitimité de la domination d’un peuple sur un autre pourrait vraiment être une belle farce si ce n’était pas une réalité historique.
« Toute chose est sujette à interprétation : l’interprétation qui prévaut à un moment donné est une affaire de pouvoir et non de vérité ».
Nietzsche
« Des racines blondes » un futur grand classique qui restera gravé dans le marbre.
Solaire, coloré, judicieux, la pierre angulaire d’une littérature hors pair. Stimulant, complice, il prend notre visage dans ses mains, tout est connivence. Inventif, ici s’élève le fronton d’une fable finement politique.
Observez bien la carte géographique avant de commencer la lecture.
Le renversement de l’Histoire au garde-à-vous, une sacrée leçon lucide et implacable. Tel est le récit d’une autrice de renom, Bernardine Evaristo. L’Afrique conquérante, souveraine du monde. Les couleurs inversées, c’est le noir qui emporte la mise et croyez-moi bien, les signaux sont de sacrés avertissements et un retour du bâton. Les despotes devenus des esclaves, case noire et case blanche. L’antithétique en diapason, les couleurs mutent.
Le récit prend place. Nous sommes dans la magie d’une fiction de haute voltige.
Doris est une jeune enfant dont « les cheveux blonds raides coiffés en tresses auxquelles s’entremêlait du fil de fer et arrangées en cerceau au-dessus de la tête ». « Je voulais protester : nous les blanches n’avons pas la structure osseuse permettant de supporter cet échafaudage ». Elle vit avec ses parents, des serfs dans le Grand Nord en Angleterre. Ces derniers sont soumis au maître Lord Perceval Mortagne (Percy quand il avait le dos tourné). Et ce de génération en génération. Ils cultivent des choux, humbles et pauvres. La dime obligatoire, et tutti quanti. Doris va être kidnappée par des trafiquants et revendue en Aphrika. On ressent de plein fouet les mouvances de notre monde contemporain. La structure parabolique et insistante, le chef des esclaves est Kaga Konata Katamba 1er. « Quand Bwana m’a achetée, il a fait tatouer aussi son nom: KKK ». La peau marquée, la blancheur ensanglantée, la violence exacerbée, esclave devenue pour Madame Bienfaitrice, le masque, ne plus ressembler « aux misérables filles venues d’Europa ». « Je découvrais comment les Ambossans avaient endurci leur cœur contre notre humanité. Ils s’étaient convaincus que nous ne ressentions pas les choses de la même manière qu’eux et que par conséquent ils n’avaient pas à éprouver le moindre sentiment pour nous ». La transmutation coopère. Ce qui fût est bousculé. Les Arricians méprisent les occidentaux, les quartiers «Banlieues Vanille » « Cités Chocolat » pour les blancs libérés, tentes communautaires, symbole de nos propres rejets, la part sombre de notre contemporanéité. Le récit vibre en rythme géopolitique et pointe du doigt, dans une subtilité hors norme car tout est suggéré et flouté, les méandres de nos racines historiques.
« Pour les Ambossans les Banlieues Vanille étaient en général Zone interdite, sauf pour les chérifs qui traquaient les fugitifs dans les dunes ».
Doris va chercher à s’échapper. Le jour clef, où les Ambossans vont à la messe Voodoo, ce que d’aucuns ne manqueraient pour rien au monde. La fuite est risquée. Doris part, court, vole, se terre et ne désire qu’une liberté en advenir et son émancipation. Retrouver les siens et sa terre-mère. Sa tête est mise à prix pour qui ramènera la maigre esclave blonde Omorenomwara, alias Doris, et ce plutôt morte que vivante. Elle est dans le vif d’une peur intestine. Le périple est houleux. La société hostile à sa vue-même. Le racisme criant et son apparence frêle et apeurée font d’elle une source de vulnérabilité. Mais c’est mal la connaître.
Le récit est une transposition sociétale et idéologique. Les Noirs ont pris le pouvoir. La colonisation est caricaturée. Bernardine Evaristo décortique les diktats et ce roman devient malgré la fiction, un signal pour nos consciences. « Des racines blondes » où le summum est la création même de cette histoire. L’imagination de Bernardine Evaristo est le pictural de ce récit. Les noms des villes, des pays, les sous-entendus, les symboles forts. Europa l’île paradisiaque de la Nouvelle-Ambossa ou Japon-Occidental, et cetera. Il ne suffit pas de lire ce chef-d’œuvre, mais de s’imprégner aussi des couleurs, des intuitions d’une autrice éveillée qui remet d’équerre le tracé de notre Histoire. Ce roman gorgé de vitalité et d’une haute intelligence dont la morale, « ne fais confiance qu’à ceux qui le méritent » est inventif, audacieux. Politique, mémoriel, ce conte fabuleux est un signal pour nos consciences. Et si c’était nous ?
Cette fresque engagée, excelle, tant elle est critique de notre monde et de nos habitus sociologiques. « Apprendre à toujours se méfier », comme le disait Prosper Mérimée.
« Considérée comme l’héritière de Toni Morrison » Bernardine Evaristo après Fille, femme, autre, Mr Loverman et Manifesto, Des racines blondes est une consécration littéraire. Traduit à la perfection de l’anglais (Royaume-Uni) par Françoise Adelstain, publié par les majeures Éditions Globe.
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