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Le 6 rue Lecomte abrite, à partir de 1925, le Service des affaires indigènes nord-africaines. Rattaché à la préfecture de police, il est chargé de surveiller les travailleurs coloniaux qui ne sont ni pleinement français ni étrangers. Bientôt surnommé le « bureau arabe », il accueille plus de 300 personnes par jour, essentiellement des Kabyles venus travailler à Paris. Le SAINA est un organe principalement répressif mais il traite néanmoins de nombreuses plaintes venues des deux bords de la Méditerranée. Ces requêtes donnent à comprendre la situation coloniale et l'expérience migratoire au quotidien : dettes de jeu, affaires familiales, demandes d'exonérations fiscales, dénonciation de faits de corruption, litiges fonciers, etc. Rédigées le plus souvent par des écrivains publics, elles sont la matière d'une micro-histoire intime et politique, qui relie la Kabylie et la métropole parisienne.
Explorant les quinze cartons d'archives, sauvées in extremis des caves humides d'une école, Emmanuel Blanchard a mené l'enquête. Les lettres exhumées révèlent les stratégies d'adaptation à l'État colonial de colonisés qui, finalement, n'apparaissent jamais autant « ingouvernables » que lorsqu'ils demandent à faire valoir leurs droits, c'est-à-dire à être gouvernés comme des administrés, non à être commandés comme des sujets.
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