Révélé en France par son roman Sukkwan Island publié en France en janvier 2010, il remporte unimmense succès immédiat et obtient le prix Médicis étranger. Abordant le thème de l'Amérique d'aujourd'hui, ses romans mettent en exergue des personnages aux relations souvent conflictuelles pour dépeindre une Amérique en proie à ses démons. Son dernier roman, Dernier jour sur terre, il nous plonge dans la vie d’un tueur pour éclairer son propre passé, réflexion sur la banalisation de l'usage des armes aux Etats-Unis.
Chronique Les explorateurs de la rentrée
Dernier jour sur terre est un récit sur les tueurs de masse, comme les Etats-Unis en produit, et plus particulièrement sur l’histoire de Steve Kazmierczak et la tuerie de l’université de l’Illinois en février 2008.
Plus que le sujet en lui-même, l’idée de l’auteur d’essayer de comprendre ce qui fait basculer un citoyen lambda des Etats-Unis plutôt qu’un autre, en tueur de masse est intéressante. Et plus encore, ce qui me semblait intéressant dans ce livre, c’est l’éclairage qu’apporte l’auteur sur le phénomène, à la lumière de son expérience personnelle et de son histoire familiale.
Tout citoyen américain entretient un relation privilégiée avec les armes à feu : fascination, héritage historique, familial, extrême facilité d’accès, rapport ambigüe entre droit et crime, sécurité et danger. Pourquoi certains basculent?
L’auteur lui-même raconte son lien ambigüe et dangereux avec les armes à feu.
Mais le parallèle avec son histoire personnelle tourne vite court. Finalement, peu d’explications sur ce qui a transformé Steve en assassin, et l’auteur non. Le milieu familial, le désamour, les jeux violents, le mal-être adolescent, les frustrations, la fragilité psychiatrique, les traumatismes ? Un mélange de tout cela à la fois? Des pistes avancées mais qui pourraient en fait concerner beaucoup de monde et n’expliquent donc pas les choses. L’enquête est assez fouillée , intéressante au début, mais j’ai trouvé qu’elle n’explique en fin de compte pas grand chose. J’ai également trouvé que les retranscriptions de mails rendaient un peu fastidieuse la lecture du livre.
Bien que laissant, à mon avis, le lecteur sur sa faim, le livre a au moins le mérite de dénoncer l’accès libre aux armes à feu et le rapport complètement fou que les Etats-unis entretiennent avec elles.
Quiconque est rentré dans un livre de David Vann sait qu'il ne sera jamais question de légèreté ou de bien être ambiant avec cet auteur. "Dernier jour sur terre" ne fait pas exception. Sauf qu'ici pas de fiction mais un document qui met en parallèle l'adolescence de Steve Kazmierczak, tueur de masse américain tristement célèbre et celle de l'auteur lui-même, dont on découvre des éléments qui éclairent une bonne partie de son œuvre. Comment les comportements des deux protagonistes vont diverger et donner deux versions que l'on sait à l'avance différentes du malaise de la jeunesse américaine ? L’exercice me semblait périlleux pour David Vann dont je suis pourtant un lecteur assidu. J’avançais comme on avance sur un sentier que l’on a déjà emprunté avec d’autres guides. Je pouvais difficilement aborder ce roman d’investigation et surtout ce thème sans emporter le mode d’emploi déjà distribué à l’entrée par Michael Moore (Bowling for Colombine) et Gus Van Sant (Elephant). Certes deux œuvres cinématographiques et pas littéraires, mais qui avaient semblait-il fait le tour du sujet et surtout utiliser les traitements adéquat.
C’est à la croisée de leurs chemins que David Vann a pris la main et m’a convaincu de refaire le chemin déjà parcouru. Là où Michael Moore en bon vieux roublard du documentaire américain emportait tout sur son passage à grand renfort d’images fortes et de témoignages savamment choisis, Gus Van Sant comme à son habitude regardait sans juger à l’intérieur même de l’univers des assassins, les suivant comme on assiste dans un cauchemar à une tragédie sur laquelle on ne peut intervenir. David Vann prend une troisième voie et nous oblige ainsi à laisser au bord de la route nos références qui pourraient devenir trop lourdes à porter. Il passe de l’autre côté, et devient le deuxième personnage principal de cette histoire. Il met à nu son expérience et devient celui qui n’a jamais été aussi près d’un de ces tueurs de masse, puisqu’il alterne très intelligemment le parcours du jeune assassin et le sien, avec tout ce qu’il peut y avoir de douloureux dans cette thérapie littéraire. On le suit, on devine ce qui à un moment donné a permis de distribuer différemment les cartes pour le jeune Steve et le jeune David. J’ai ressenti cette confession froide de l’auteur de façon assez bouleversante du fait qu’elle met bien évidemment en lumière ce malaise familial constant que l’on retrouve dans le reste de son œuvre. « Dernier jour sur terre » en est donc une clef. Il aurait été très dommage de s’e passer.