Quand l'auteur revisite à sa façon le mythe du Chaperon rouge
C'est un conte, un conte bien réel. Une jeune femme ouvre les archives du tribunal d'Annecy pour revenir sur le fait divers qui a détruit sa famille, trente ans auparavant. Pourquoi ne lui a-t-on jamais parlé de sa cousine Sophie, victime à 9 ans du « monstre d'Annemasse » ? Elle plonge dans son histoire comme on plonge dans la gueule du loup. Le loup qui la guette depuis l'enfance. Le loup qui a tué, jeune assassin dont la vie a été pulvérisée par un drame. Le loup qui agit silencieusement au sein de chaque famille. Héloïse fait oeuvre de vérité, met en images les mauvais rêves, revient dans la maison de vacances où les petites filles vivaient en dehors du temps des adultes.
Revisitant le mythe du Chaperon rouge, Héloïse Guay de Bellissen, dans son roman le plus ambitieux, décrit admirablement le monde noir et solaire de l'enfance, et redonne au fantôme d'une fillette existence, dignité et amour.
Quand l'auteur revisite à sa façon le mythe du Chaperon rouge
Le sujet est difficile (le meurtre d'une petite fille de 9 ans) et j'ai failli abandonner. Finalement, je l'ai terminé et c'est pas mal. L'auteure est assez touchante et poétique et elle ne tombe ni dans le pathos ni dans le sentimentalisme. A découvrir!
« Cette histoire, c’est une histoire de non-dit de part et d’autre, de vacarme silencieux, d’enfance mise à nue, mise à mal, et d’écriture, de mots que les enfants se repassent. Il est passé par ici, il repassera par là. »
Je l’avoue humblement, jusqu’à ce que j’assiste à une rencontre en librairie réunissant Philippe Jaenada et Héloïse Guay de Bellissen, je ne connaissais rien de l’œuvre de cette dernière. Convaincue de pallier cette lacune par un éminent blogueur, c’est toutefois avec circonspection que je me lançai dans la lecture de « Dans le ventre du loup », le sujet me semblant ô combien difficile. Et puis, dès les premières pages, la magie a opéré. Celle-là même qui fait que tu ne peux plus reculer, qu’en apnée tu es, que la voix de l’autrice résonne en toi dans toute la force de sa fragilité, et que finalement, ce que tu appréhendais setransforme en coup de cœur !
Ce roman est celui d’enfances sacrifiées sur l’autel du silence. Sur celui de l’abominable. Sur celui de la violence. Ce silence-serpent qui enserre ses proies en les étouffant. Silence autour du meurtre atroce de Sophie, jeune cousine d’Héloïse, assassinée à l’âge de neuf ans par un psychopathe, à Annemasse. Silence, chape de plomb pesant sur les épaules du meurtrier, lui-même victime du Loup alors qu’il était enfant. Silence et secret , mots tus, mots ensevelis, mots pour maux.
C’est à l’âge adulte qu’Héloïse va apprendre ce qui lui avait été caché . Au fond d’elle-même, elle sentait que quelque chose n’allait pas. Sans pouvoir l’expliquer pour autant. Alors, une fois un coin de voile levé, elle va décider de partir sur les traces de sa cousine, pour « recréer un lien, revenir vers les origines, rassembler les bouches cousues ». Dès lors, les liens familiaux vont exploser, le voile va se lever, soulevant des coins sombres, faisant apparaître au grand jour des secrets, des souffrances.
J’ai eu l’impression de développer une photo de famille, une photographie argentique, négatif, bain révélateur, et agrandisseur.
L’écriture est bouleversante de sincérité, de fragilité, à l’image de l’autrice. Elle est à fleur de peau. Des extraits de contes traditionnels viennent ponctuer le récit, comme autant de respirations silencieuses. Dans le ventre du loup est un roman métaphorique et cathartique, fort, intense, qui te laisse haletant(e) de bout en bout. Un chef d’œuvre m’avait dit le copain blogueur qui m’en avait parlé. Je confirme : un chef d’œuvre !
Une enquête poignante et hurlant de sincérité. Une puissance d’écriture à couper le souffle. Un roman intense et superbe.
Hantée par le meurtre d’une cousine, Sophie, à l’âge de 9 ans, l’auteure qui n’en a pas vraiment mémoire, éprouve le besoin de faire remonter à la surface ce secret de famille duquel elle a été écartée. C’est dans un bureau du tribunal d’Annecy qu’elle va puiser dans 4 cartons de dossiers concernant l’affaire du «Monstre d’Annemasse » pour remettre les pièces d’un puzzle en place, ramasser les morceaux, faire ressurgir la mémoire, redonner vie à Sophie, la reconstruire belle et digne, faire remonter les non-dits et de vagues souvenirs. Alors, des vagues de souvenirs vont ressurgir et déferler puis surtout nous entrainer dans un voyage exploratoire extraordinaire du monde profond de l’enfance qui se cogne page après page à de courts extraits de contes effrayants qu’on lit aux enfants du monde entier, ceux écrits par les frères Grimm mais bien d’autres… ces histoires terribles de petits enfants dans le ventre des méchants loups, de grand-mères dévorées par des ogres, de petit garçon perdu dans les bois, ces lectures qu’on lit au bord du lit juste avant l’évanouissement vers les profondeurs obscures du sommeil et des rêves… Poésie haletante… Cauchemar réalité… Attention petits enfants aux grands méchants loups… Mais ces loups, eux, n’ont-ils pas une histoire cachée bien au fond d’eux et qu’ils n’ont peut-être jamais pu raconter ?... N’ont-ils jamais été écoutés, entendus, remarqués ? ... Horribilis intense… Parfum maudit porté par chacun de nous dans nos peurs inconscientes… Racines de nos frayeurs irraisonnées…
Le crime a atteint tout le monde : la famille proche et lointaine, l’école, les profs et les copains et les pas copains, les commerçants et il s’étend même à la ville entière. La honte de porter un tel monstre dans la commune. Mais la honte est aussi là où on ne la voit pas... Chez des parents veules et taiseux par exemple. Ou des témoins qui préfèrent fermer les yeux, tourner le dos, jouer les sourds... L’auteure va fouiller, chercher en chacun sa part d’ombre et de lumière et c’est surtout sa part de mystère propre qu’elle cherche, la part de ce fardeau qu’elle veut enfin décharger après décantation de tout, du tout. Rencontrer ses fantômes… Connaissance et reconnaissance de soi, de l’autre et des autres.
« Maintenant je te connais et par là même je me connais. Au revoir Sophie.
‘et la fillette sautait dehors en s’écriant : _ Oh, là, là, quelle peur j’ai eue. Comme il faisait noir dans le ventre du loup.’ Les frères Grimm, Le Petit Chaperon Rouge. »
Et, livrer sa part, elle le fait merveilleusement bien Madame Héloïse Guay de Bellissen !
« Un drame n’arrive jamais comme ça d’un coup. Il y a des amorces que l’on ne voit jamais, mais que l’on peut reconstruire plus tard et c’est ce que je suis venue chercher ici. Le plus fou c’est que je peux reconstruire l’histoire de ma famille à partir de l’homme qui l’a foutu en l’air. Peut-on dire en quelque sorte qu’il en fait partie ? Y a-t-il un destin commun, un arbre généalogique où se retrouvent ceux qui donnent la vie et ceux qui donnent la mort ? »
Note : J’ai beaucoup apprécié la qualité du papier utilisé par Flammarion pour ce livre, le titre fort à propos et l’illustration en couverture. Je ne manquerai pas de lire « Le roman de Boddah » Prix Méditerranée des lycéens, 1er livre d’H. Guay de Bellissen.
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