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En 1897, lorsque Rainer Maria Rilke rencontra Lou Andreas-Salomé à Munich, il avait vingt-deux ans, et déjà plusieurs plaquettes de poèmes à son actif. Lou en avait trente-six. Fille d'un général russe, passionnément et vainement aimée par Nietzsche rencontré à Rome en 1882, mariée depuis 1887 à l'orientaliste Friedrich Carl Andreas, elle avait publié, de son côté, un roman et de nombreux articles de revues.Après quatre années de liaison au cours desquelles se situent notamment leurs deux voyages en Russie et qui s'achevèrent sur une mise en garde pathétique de Lou à Rilke qui s'apprêtait à épouser Clara Westhoff, cet amour fera place à une amitié qui devait durer jusqu'à la mort du poète et rester sans doute la plus étroite et la plus nécessaire d'une vie où tant de figures féminines ont passé.«Dieu le sait : ton être aura été la véritable porte par laquelle j'accédai pour la première fois à l'air libre...», écrit Rilke à Lou en 1911. Et il est bien vrai que cette rencontre de 1897 a constitué pour le jeune poète encore vague et frêle une nouvelle naissance, et le commencement de son vrai travail.En dépit des pertes qui affectent cette correspondance, pertes dues, pour la première partie (1897-1901), à une volonté commune de destruction et, pour le reste, à de probables interventions extérieures, elle reste aujourd'hui, telle que l'a présentée intégralement Ernst Pfeiffer, la plus substantielle de toutes celles qu'a entretenues l'épistolier parfois excessivement fécond que fut Rilke.C'est en effet vers Lou seule, mère, maîtresse, amie, ami tout ensemble, que le poète s'est tourné chaque fois que le conflit qui opposait en lui la création et la vie, la poésie et l'amour, devenait trop cruel pour être affronté sans aide. Et seule Lou Andreas-Salomé, avec sa grande intelligence naturelle, sa connaissance et bientôt sa pratique de la psychanalyse, son amour inaltérable de la vie, pouvait donner aux questions anxieuses de Rilke sinon toujours les réponses, ou les fragments de réponse, du moins l'écho chaleureux qui devait l'aider à «surmonter». Il n'est donc pas surprenant que l'on trouve, à plus d'un moment de leurs échanges, nombre de pages qui comptent parmi ce qui s'est écrit de plus pénétrant et de plus brûlant sur les ténèbres souterraines où germe et mûrit, directement quelquefois, la poésie.
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