"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Recueil de fables, de contes en bande dessinée. C'est drôle, mordant, cruel, noir. Il y est question de la place de la femme dans une société patriarcale dans laquelle c'est l'homme qui doit rapporter l'argent à la maison, d'enfance, des conflits de génération, du chômage, de l'accès à l'instruction, à la culture, de l'apparition de nouveaux virus. Les sociétés de Ersin Karabulut sont dystopiques, utopiques, carrément flippantes et pas vraiment souhaitables. Il pousse le raisonnement et les dérives de nos sociétés actuelles à leur paroxysme : pourquoi sauver un enfant si cette bonne action nuit à sa carrière professionnelle ? Pourquoi ne pas vendre son corps si cela sert la notoriété, posthume certes, mais notoriété tout de même ? Et si la lecture et donc l'ouverture d'esprit, la curiosité devenaient des défauts à combattre ?
Les histoires dérivent vers le fantastique parce qu'en déroulant son raisonnement et en le poussant on arrive à des comportements qui, pour le moment, nous paraissent décalés et très loin des nôtres, mais qu'en sera-t-il dans vingt, trente ou cinquante ans ? C'est une critique sévère, une satire sociale et politique sans voile. C'est diablement bien fait et le graphisme qui peut changer d'une histoire à l'autre augmente le plaisir. Les scénarios sont inventifs et violemment critiques. Ersin Karabulut, que je découvre avec cet album, est un bédéiste de talent.
Chronque précedemment parue sur le blog www.sambabd.net
La Turquie, c’est loin (Et j’en sais quelque chose pour m’y être rendu à vélo dans une autre vie…), mais Ersin Karabulut, lui, est encore plus loin… Bien plus loin… Probablement perché je ne sais où… Parce qu’il doit lui en falloir de l’imagination et du recul pour nous pondre tout ça. Tout ça, c’est ce superbe recueil regroupant une quinzaine de contes plus dingues les uns que les autres, publié chez Fluide Glacial.
C’est, il me semble, une très grande qualité que de permettre à ses lecteurs de s’approprier son œuvre. Et c’est bien ce que fait l’auteur en pénétrant avec une justesse rare les recoins les plus hideux de l’âme humaine pour mieux les faire remonter à la surface de ses planches colorées. La preuve en est que chacun semble y voir les références qui lui sont chères. Certains évoquent Edgar Poe, d’autres Aldous Huxley, Orwell ou Lovecraft, et, pour ma part, j’y vois surtout du Kafka. Qu’il s’agisse de la maladie de peau avec qui les patients communiquent et nouent des relations, de cette excroissance phallique descendant du plafond dans la chambre des amoureux, ou bien encore du grand-père qui ne veut pas mourir, on est clairement dans un univers et des thèmes rappelant l’écrivain tchèque. En tout cas, quels que soient les sujets de ces contes, ils nous parlent et nous prennent aux tripes à coup sûr.
Ça commence d’ailleurs avec la couverture qui nous montre des gens se jetant dans le vide du haut de leurs immeubles dans un mouvement de suicide collectif. L’interprétation d’une société turque qui court à sa perte en maintenant à sa tête un homme comme Erdogan est peut-être un peu simpliste mais c’est celle qui fait le plus de sens. Et le regard de la femme sur la droite dont on se demande si elle cherche de l’aide ou si, dans un élan de pessimisme absolu, elle nous invite à la suivre… ce regard est obsédant, comme la plupart des contes et de leurs chutes.
Pour le dessin, Ersin Karabulut adapte constamment son style à son propos. Quand il faut un trait réaliste, il sait le faire, très bien même, mais là où il excelle, c’est bien dans la caricature. Les tronches que ce gars-là est capable de sortir de sa plume sont géniales. Hideuses et tartes à souhait ! Il justifie ainsi largement sa place parmi les grands noms du dessin humoristique de chez Fluide et d’ailleurs. Par certains côtés son trait me rappelle aussi celui de Crumb et de Serre.
Quoiqu’il en soit, si vous aimez un brin l’humour noir, cette BD est faite pour vous. C’est vraiment très fort !
Des contes délicieusement effroyables et au fort pouvoir de réalité!
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J'apprécie énormément les thèmes de celle-ci. Anticipation, fantastique, dystopie, humour noir.
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J'ai découvert ici un dessinateur/scénariste , chef de file de la très dynamique bande dessinée contemporaine turque. Qui raconte le quotidien des jeunes de sa génération, au travers des récits aux accents autobiographiques qui évoquent la situation particulièrement tendue que vit la société aujourd'hui.
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C'est un recueil de 15 contes ou fables aux allures d'anticipation, au ton humoristique/satirique. L'auteur veut faire passer le message d'une génération prisonnière d'un système de plus en plus répressif et oppressant.
On peut le mettre en parallèle avec la très bonne série anglaise "Black Mirror" .
C'est glaçant de vérité. Plus j'avançais dans mon récit et plus "ça me foutait les jetons" . Alors, oui , me direz-vous: pourquoi tu continues à lire, à te faire peur? C'est clair, mais cela me fascine,
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Mes contes préférés? "De l'or dans les mains" où les médecins peuvent prédire le futur métier d'un enfant dès la première échographie,
et "Famille nombreuse" qui permet de transférer une âme dans le corps d'un vivant.....
C'est délicieusement terrifiant quand on y songe.
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Parlons du trait. Les couleurs sont assez pastels; tantôt colorisé, tantôt monochrome, le dessin est très réaliste, avec beaucoup de lumière. Les détails sont multiples et précis. Les visages des personnages sont ultra réalistes (les rides par exemple ou les expressions sont bien reproduites).
Apparaissent aussi les caractères de quelques dirigeants de pays (pas forcément à leur avantage !).
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L'auteur n'est pas très optimiste dans cet ouvrage. Mais il pointe du doigt les travers de son pays (et par extension le monde entier). Politique, économique, social, médical, technologique, tous les travers (et abus) passent par son coup de crayon.
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J'ai passé un très bon moment (attention ça grince des dents!), un petit bijou perdu dans les bacs de librairie. Je vous le conseille fortement ; allez l'acheter ou l'emprunter, aucun regret à avoir.
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