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À la cour de Louis XIV, le mot d'ordre est « plaire au roi ». Pauline et Cécile, désormais comtesse d'Altafuente, y évoluent librement, attisant la jalousie de Madame de Montespan. C'est alors que la cassette de la reine disparaît. Dans le même temps, Agnès, remplisseuse à la cour et amie de Cécile, est enlevée. La jeune comtesse se lance à sa recherche, d'autant plus inquiète pour son amie que le château de Versailles devient le théâtre de morts suspectes.
Ce troisième tome est à mes yeux le plus abouti, le plus soigné, le plus intense, et je n’en attendais pas moins d’Annie Jay. Jusqu’à présent, j’ai pris soin de savourer chaque tome pour faire durer le plaisir le plus longtemps possible, et chaque fois que j’en termine un, je suis triste de me dire que je me rapproche de plus en plus du final, et qu’après ça il n’y en aura plus…
Nous retrouvons Cécile et Pauline à Versailles. Tout va pour le mieux, même si les intrigues à la cour vont bon train et ne faiblissent pas, obligeant Pauline à se montrer prudente. Les choses s’enveniment un peu plus lorsque des décès surviennent au cœur même de Versailles. Sans parler de la cassette de la reine, qui disparaît en même temps qu’Agnès, une amie couturière de Cécile. Tout le monde pense qu’il s’agit d’un odieux larcin, mais Cécile, elle, est persuadée qu’il n’en est rien. Elle est bien décidée à apporter la lumière sur ces mystères, quitte à se mettre gravement en danger.
J’ai surtout été séduite par les thématiques que développe Annie Jay. Plus que de simples anecdotes, c’est tout un pan de la société qu’elle nous dépeint avec de nombreux détails. Moi qui n’ai connaissance de cette époque qu’à travers les manuels d’Histoire au collège et au lycée, j’ai été fascinée d’apprendre toutes ces choses.
L’auteur fait passer certains messages sans équivoque, en particulier la place qui est donnée à la femme. Ces femmes indépendantes, forcées de rester dans l'ombre parce qu'elles vivent dans une société misogyne. On en avait déjà eu un aperçu dans les tomes précédents avec Cécile qui essaie de se faire une place en temps que guérisseuse, mais qui est méprisée par les hommes médecins, persuadés qu’une femme n’a rien à faire dans ce milieu qui leur est réservé.
Dans L’aiguille empoisonnée, on passe encore un cran au-dessus, puisqu’on s’aperçoit très vite que la place d'une femme ordinaire est inexistante. Dans le monde de la couture, ce sont les hommes qui se chargent de réaliser les vêtements du dessus. Les femmes doivent se cantonner à ceux du dessous, à recoudre les ourlets ou à piquer les bijoux sur les robes. Si elles sont prises en train de concevoir des atours, c’en est fini pour elles.
Combien de fois n'ai-je pas levé les yeux au ciel en lisant certains passages honteux ? Parce que je sais que fut une époque, on pensait les femmes très limitées intellectuellement. Et aujourd'hui encore, certains hommes en sont persuadés et les enclavent. C’est révoltant.
Le roman prend vite des allures d'enquête policière. Les morts et les disparitions s'accumulent et on ignore ce qui se passe. Plus on avance, plus ça sent mauvais, et plus on se dit que la situation d'Agnès est précaire. La trame se déroule de manière très méthodique, étape par étape. Annie Jay pense à tout et soulève tous les questionnements que l'on pourrait se faire.
Elle nous offre également une vision très large de la situation, ce qui nous permet de tirer nos conclusions tout seuls. Cependant, elle prend garde à laisser le plus important dans l’ombre, ce qui est très frustrant. Le lecteur connaît le lien de cause à effet, mais pas le ou les personnages responsables de tous ces morts, ni la raison qui les pousse à faire ça.
J’en viens donc naturellement à l'histoire de l'aiguille, maintenant. Je n'en parlerai pas beaucoup, car elle fait partie intégrante de l'intrigue, mais je suis déçue que le titre en fasse mention. De fait, la surprise n'est pas totale. Par contre, le cheminement est très intéressant, et même assez stressant ! On se demande entre quelles mains cette fameuse aiguille va atterrir. Elle est comme une épée de Damoclès qui risque de s'abattre à tout moment. Aussi bien sur les personnages qu'on aime que sur ceux que l'on déteste.
Les personnages nous régalent, une fois encore. Cécile m'a bluffée ! Elle était déjà remarquable avant, mais ici, ça dépasse tout ce que j’avais espéré. C'est une héroïne qui a de la niaque et qui fourre son nez partout, même quand on ne lui demande pas. Non seulement elle a bon coeur, mais elle est extrêmement intelligente.
J'ai beaucoup aimé l'évolution de sa relation avec Fagon. Lui est un homme de science renommé, persuadé que la médecine est l'apanage des hommes, elle, une simple guérisseuse avide d'apprendre et de parfaire ses connaissances. Ils se cherchent des poux depuis le premier tome, et on voit peu à peu un subtil changement dans leurs rapports, qui se teinte de respect mutuel. Ça prouve qu'avec de la volonté, chaque personne - même la plus obtuse - est capable de changer, de se bonifier.
Madame de Montespan n'avait pas encore trop fait parler d'elle dans le tome précédent. Mais là, elle bat tous les records ! Mauvaise, envieuse et calculatrice, elle se comporte de manière impitoyable et continue d'intriguer pour gagner les faveurs des partisans. On se plaît à la haïr allègrement tant elle nous retourne le coeur ! Elle est tellement mal intentionnée qu'elle en devient risible, et même franchement pitoyable ! Plus rien de va : le roi ne pose plus le même regard sur elle, la cour chuchote sur son passage et elle prend de l'embonpoint. Comment rivaliser face à Pauline de Saint Beryl qui illumine une pièce grâce à sa fraîcheur, sa jeunesse et des magnifiques toilettes, aussi simples qu'élégantes ? Madame de Montespan n'a pas l'intention de se laisser faire !
Pauline est beaucoup plus effacée dans ce tome, à la limite de la frivolité. Elle ne fait pas grand cas de tout ce qui arrive et le rôle de la sauveuse revient indéniablement à Cécile qui fait montre de beaucoup d'astuce et de suspicion. Certains personnages font leur apparition occasionnellement dans la saga, mais marquent les esprits. Je pense surtout à Madame du Payol qui fait mine d'être sourde comme un pot alors qu'elle entend parfaitement bien en réalité !
En résumé, L’aiguille empoisonnée a frôlé le coup de cœur ! Un savant mélange d'intrigues et d'humour. Des touches très discrètes de romance et un danger qui plane et qui attend le bon moment pour s’abattre sur les personnages. Annie Jay réalise des prouesses en parvenant à se renouveler, tout en faisant passer des messages importants sur le féminisme. L’intrigue est complexe et finement élaborée ; quand on pense naïvement qu’il n’y en a plus, il y en a encore. Pour tout vous dire, je ne suis pas pressée de terminer la saga…
Ma chronique : http://april-the-seven.weebly.com/historique---classique/complots-a-versailles-annie-jay
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