"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est une sorte de village de pêcheurs aux maisons d'un étage, niché au creux d'un bras de mer qui s'enfonce comme une langue, à l'extrême nord de la Norvège. C'est là que tout a commencé : l'accident sur la plateforme pétrolière, de l'autre côté du chenal, la fissure qui menace dangereusement le glacier et ces poissons qu'on a retrouvés morts. Et si tout était lié ?
C'est en tant qu'ingénieur géologue que Noah, enfant du pays, va revenir en mission et retrouver Anå, son amour de jeunesse, ainsi que les anciens amis qu'il avait initiés aux jeux de rôle. Il était alors Sigurd, du nom justement de cette maudite plateforme.
Un roman étrange, surprenant et fort bien écrit comme toujours avec Thomas B.Reverdy, c’est un plaisir de le lire …Y est finement amené le parallèle entre la saga évoquée par le jeu de rôles et la réalité, les différents chapitres y sont à lire en alternance.
Nous sommes au cœur du Grand Nord; le récit y est à la fois mythologique, scientifique et écologique … s’y mêle également l’histoire d'un amour contrarié et celle des amis d’enfance
En conclusion j’ai beaucoup aimé ce roman hors des sentiers battus ce qui fait un bien fou …
Lire également La montée des eaux ( exceptionnel ) Les évaporés , l’hiver du mécontentement
J’avais particulièrement apprécié L’hiver du mécontentement (Prix Interallié 2018), dans lequel Thomas B. Reverdy s’intéressait aux années Thatcher, socialement féroces et destructrices. Aussi, après avoir écouté l’auteur lors des Correspondances de Manosque 2021, je n’avais qu’un souhait, lire Climax. D’autant que le sujet portait sur le réchauffement climatique, un thème qui m’intéresse particulièrement, et, je pense, peut, ou du moins devrait intéresser tout un chacun.
L’action se situe autour d’un village de pêcheurs niché au creux d’un bras de mer qui s’enfonce comme une langue, à l’extrême nord de la Norvège, au nord de Tromsø et du cercle polaire où la nuit dure presque trois mois. Ces dernières années, grâce à l’exploration pétrolière, a été construit sur l’autre rive tout un port de commerce moderne, un des premiers ports de l’arcoil, le pétrole de l’Arctique.
Deux évènements se produisent : un accident sur la plateforme de forage au large, dans lequel deux Russes perdent la vie avec un troisième dans un état critique et une fissure qui menace dangereusement le glacier. Et si tout était lié ?
Ces faits vont remettre en présence la bande d’amis des années 1990.
Noah, devenu peu à peu spécialiste de l’offshore pétrolier et des forages en eaux profondes, revient au pays, en mission pour expertiser le plancher océanique et ses couches géologiques, suite à l’accident survenu sur la plateforme Sigurd, la première de ce type à passer l’hiver dans une mer possiblement recouverte de banquise. Il retrouve Anå, son amour de jeunesse qui va voir 43 ans et est mère de deux garçons.
Quant à Anders, géologue lui aussi, glaciologue plus exactement, lui n’a jamais quitté le nord, le Spitzberg et la banquise. Il analyse, écoute, observe, surveille le glacier, consacrant son expertise à la recherche, tenant des carnets dans lesquels il fait l’inventaire, garde la trace des animaux qu’il voit peu à peu disparaître sur la banquise. Il y a aussi Knut, revenu un peu fou de l’armée, qui vit isolé avec des chiens qu’il dresse comme une armée secrète.
Dans Climax, ce récit de fin du monde dans le contexte de réchauffement climatique , Thomas B. Reverdy alterne le déroulement des faits et l’action des divers protagonistes avec les jeux de rôle dans lesquels ceux-ci ados se racontaient les vieilles légendes nordiques de la mort des mondes et du crépuscule des dieux, Noah en était alors le « maître du jeu », tout en intercalant des éléments scientifiques montrant comment l’élévation de la température perturbe le fragile équilibre d’un territoire et menace un certain nombre d’espèces. « La banquise fracturée se met à dériver dangereusement. Menaçant le territoire naturel des ours blancs, le lieu de reproduction des phoques et de la morue arctique, elle-même proie de plus gros poissons, ainsi que de nombreux oiseaux migrateurs comme le macareux, le mergule, la fonte de la glace de mer est un désastre ».
J’ai le regret d’avouer que je me suis passablement perdue dans les passages concernant ces légendes nordiques. Elles m’ont empêchée de savourer pleinement ce bouquin. Je les ai trouvées beaucoup trop détaillées et je n’ai même pas apprécié le côté humoristique qui clôturait ces passages conseillant de se rendre par exemple au chapitre 7 pour connaître la suite. Dommage pour moi de ne pas en avoir saisi la portée…
Véritable interrogation sur l’avenir de notre planète, Climax pourrait se lire comme un livre d’aventures mais l’enjeu est trop grave et il est difficile après sa lecture de rester optimiste.
Non seulement, le changement est en cours, mais certains ont compris tout le profit qu’ils pouvaient tirer du réchauffement et vont encore l’accentuer à seul but de profit, mettant tout l’écosystème en péril…
Non seulement l’homme est responsable du réchauffement climatique, mais, plutôt que d’en tirer la leçon et de faire le maximum pour le limiter, continue à l’aggraver. Évidemment, Climax est une fiction, et peut-être tout n’est pas irrémédiable, mais l’urgence est là.
Par bonheur, le personnage de Anders qui garde toujours un œil rêveur et émerveillé sur la beauté qui l’environne apporte une note poétique. Il aime la solitude et la nature, affirmant « La solitude, dans la nature, ce n’est pas pareil… Dans la nature, on a pour soi la beauté du monde » : une belle note lumineuse dans ce monde déréglé ! Quant à Knut nous savourons par procuration sa vengeance avec ses chiens sur ce Russe trafiquant et son équipe.
Climax est un roman très contemporain et un roman à suspens, même si l’on en pressent l’issue, roman dans lequel Thomas B. Reverdy effectue un constat écologique pour le moins alarmiste. Ce magnifique décor du grand Nord dans lequel se déroule l’aventure apporte une splendide touche lumineuse avec la beauté de la nature mais, malheureusement, avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, prend une dimension crépusculaire.
Lorsque j’avais visité ces fjords, en allant jusqu’au Cap Nord, j’avais été époustouflée par ces paysages enchanteurs à couper le souffle, loin de me douter des conséquences apportées par la présence de l’homme sur terre. C’est terrifiant de savoir que ces contrées magnifiques sont sans doute amenées à terme à être complètement bouleversées…
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
"Il en faut peu parfois, il suffit d'un accident, d'un grain de sable dans l'équilibre fragile des jours, pour que tout s'écroule sans prévenir. Il suffit d'un rien. Le temps coule depuis si longtemps. Les secondes s'ajoutent aux secondes. On n'y pense pas. Et puis soudain, c'est comme s'il y en avait une de trop."
Sur le papier, ce roman avait de gros atouts pour me plaire. Le climat, la fin du monde, les légendes que les humains s'inventent depuis la nuit des temps pour tenter de se comprendre eux-mêmes ou de se perdre. Et puis les recommandations, les avis élogieux et le fait que j'avais déjà lu et plutôt aimé deux des précédents romans de l'auteur. Voici pourquoi Climax a atterri sous mes yeux et sera pourtant l'un de mes plus gros flops de cette rentrée.
Je n'ai rien contre le fouillis en littérature, à partir du moment où il finit par s'ordonner de façon cohérente et surtout où il procure au lecteur le plaisir du fouineur ou de l'assembleur. J'ai beaucoup plus de mal lorsque je sens pointer la démonstration avec ses gros sabots, ou la leçon avec son déballage de noms savants. Et pour peu que l'on tente de m'embarquer dans une analogie artificielle, là, je déclare forfait. Enfin non, je suis allée au bout, parce que encore une fois, toutes ces recommandations, ces avis qui le désignent comme LE livre de la rentrée, cela m'ennuyait de passer à côté d'un chef d’œuvre. Je me suis donc fait violence pour dépasser les 130 premières pages qui m'ont fait tantôt bailler d'ennui, tantôt sursauter et relire à plusieurs reprises des passages aux phrases tellement inutilement et inesthétiquement longues que mon cerveau avait du mal à capter la réalité de leur description. J'ai suivi péniblement Noah, Anders, Knut et Ana dans ces paysages crépusculaires de l'extrême nord de la Norvège, je me suis paumée dans ces histoires de jeux de rôles, ne sachant pas s'il fallait prendre à la lettre les instructions de fin de chapitres ou continuer bêtement à lire dans l'ordre. J'ai subi tous les cours de sciences de la nature, les loups, les poissons, la chaîne alimentaire. J'ai bien compris parce que c'est suffisamment répété, que le plus dangereux dans l'escalade, c'est la descente et je n'ai jamais autant rencontré le mot quinconce qu'au fil des 300 pages de cette histoire. J'attendais juste le moment où tout allait péter, puisque, on s'en doute, toutes ces conneries humaines qui accélèrent le réchauffement climatique, on allait bien les payer un jour.
Qu'on ne s'y trompe pas, je ne remets pas en cause le propos, oh que non. C'est son traitement qui me semble totalement à côté de la plaque, et surtout la qualité littéraire de l'ensemble, plutôt absente. A part quelques rares passages, une ou deux descriptions du paysage de glace, la scène de retrouvailles entre Ana et Noah, on alterne le cours magistral ("il faut bien comprendre ce qu'est un écosystème"), les séquences de jeu et les parcours solitaires des protagonistes, Noah l'ingénieur dans l'impossibilité d'alerter, Anders l'observateur spécialiste des glaciers, Knut qui a choisi de vivre dans la nature avec ses chiens plutôt que la compagnie des hommes (de la sympathie pour Knut, beaucoup même si on ne comprend pas trop ce qu'il fait là), Ana qui rumine ses regrets. Moralité : arrêtons de jouer notre avenir sur des coups de dés, le prochain grain de sable peut être celui de trop, la fin du monde n'est pas seulement une fiction même si la fiction peut nous aider à l'envisager. En fait, tout était dans l'extrait que j'ai cité au début de ce billet. Mais si on ne l'a pas compris, l'auteur en rajoute une couche avec une petite note de fin. On est quand même très loin du talent d'un Richard Powers qui parvient à façonner une matière d'une impressionnante densité pour la sublimer en un brillant objet littéraire. Et grâce auquel on possède une sacrée avance sur Reverdy en matière de prise de conscience (et de savoir-faire littéraire).
Climax est-il un mauvais livre ? Si l'on en croit l'auteur qui s'exprime à travers Noah page 111, "il n'y a pas de bons livres, il y a de bons lecteurs". Peut-être ne suis-je pas une bonne lectrice ?
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En bonus, un exemple de phrase inutilement et inesthétiquement longue : "Les nuits sans lune, le ciel noir recouvert d'étoiles semblait scintiller, vibrant comme la fourrure d'un animal ou les ailes d'un corbeau, quand le noir brillant le dispute à toutes les nuances de gris, au-dessus du glacier laiteux luisant de son propre éclat légèrement bleuté, comme une eau éclairée de sous la surface, pâle et d'un bleu qui ne dit pas son nom, comme les yeux des grands-mères."
(Chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2021/09/climax-de-thomas-b-reverdy.html
Un village de pêcheurs dans l'extrême nord de la Norvège. Tout commence par un accident sur la plateforme de forage pétrolier Sigurd. Une fissure menace dangereusement le glacier, les poissons sont retrouvés morts...
Noah, un enfant du pays, devenu expert géologue responsable du forage, revient en mission pour sa compagnie. Dix-huit ans plus tôt, il est parti brutalement abandonnant sa compagne Ana qui maintenant, à la quarantaine, s'occupe de sa pêcherie au port alors que ses deux fils ados rêvent d'envol et de pays lointains.
A l'époque Ana et Noah faisaient partie d'un groupe de jeunes comprenant Magnus, le frère d'Ana, Knut et Anders. Ce petit groupe que Noah avait réuni autour de lui vivait de récits et d'imagination, ils passaient leur temps à faire des jeux de rôle. Maintenant Anders, devenu glaciologue, étudie les mouvements des glaciers arctiques pour l'Institut et écrit sur tout ce qui est en train de disparaître en Arctique. Au moment de l'accident, il a ressenti dans sa montagne une sorte de tremblement de terre. Knut vit dans la forêt dans une église qu'il a retapée, entouré de son armée de chiens de guerre.
Après dix-huit ans, ils vont se trouver réunis dans cette région où le pétrole et son industrie ont remplacé le ski, la pêche et le tourisme " nous toucherons nos dividendes, c'est vrai, mais nous serons comme des zombies regardant passer sur l'océan les porte-containers. Le monde nous aura désertés." Une région où les Russes dominent et appliquent des conditions d’exploitation minière dignes de Germinal
A cause du réchauffement climatique le glacier diminue de 100 à 200 m chaque année "C'est à l'endroit le plus froid de la planète qu'on mesure le mieux son réchauffement, en Arctique elle se réchauffe deux fois plus vite qu'ailleurs, elle a déjà pris, en 100 ans, entre 4 et 7 degrés Celsius", les conséquences sont quasiment visibles à l’œil nu, d'une année sur l'autre. "C'était une vraie question de savoir ce qu'on pouvait y faire, de savoir quoi faire de ce qu'on savait, plutôt."
Un roman engagé, une alerte. L'auteur nous offre un subtil équilibre entre le documenté et le romanesque en y ajoutant des légendes nordiques (ce ne sont pas les parties que j'ai préférées). Les passages techniques restent très accessibles, l'auteur a effectué un gros travail de documentation qu'il restitue sans jamais être pesant, il explique parfaitement la mise en péril de l'écosystème par la disparition d'une toute petite crevette suite au réchauffement climatique... une toute petite crevette d'à peine deux centimètres de long mais qui est à la base de la vie dans cet océan "On pourrait s'en foutre qu'une espèce disparaisse, mais ce n'est jamais la seule conséquence. La morue polaire se nourrit de crevettes et est elle-même la nourriture principale du phoque et du béluga. Et le phoque annelé, c'est la nourriture principale de l'ours blanc. Parce que tout est lié. C'est tout l’écosystème qui bat de l'aile pour retrouver son équilibre."
Même si certains passages, comme les jeux de rôle autour desquels les jeunes ont fait connaissance, m'ont semblé trop détaillés, j'ai aimé ce roman pour son thème et pour la musicalité et la poésie qui se dégagent des longues phrases de Thomas B. Reverdy. Dans " Il était une ville" il nous racontait le déclin industriel et la fin de Détroit, ici c'est à la fin d'un monde qu'il nous convie.
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