"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Parcourant des routes maintes fois foulées depuis plus de vingt ans, allant à la rencontre des jeunes et des étudiants, interrogeant les prédicateurs et les imams, les militants islamistes et les responsables politiques, j'ai voulu comprendre le drame du 11 septembre en retournant dans la région même où il s'était noué. Qu'en était-il de la popularité de Ben Laden, du ressentiment contre l'Amérique, de l'exaltation religieuse et d'al jazeera - mais aussi de la fascination pour l'Occident, du désespoir face au chômage et de l'envie de partir ? De l'Égypte à la Syrie, du Liban au Qatar et aux Émirats arabes unis, j'ai recueilli à chaud impressions et témoignages, tenant cette Chronique d'une guerre d'Orient, pour voir comment cet ultime avatar du jihad commencé avec l'attaque contre New York avait fini par l'écrasement des Talibans et la traque de Ben Laden, au terme de cent jours qui ébranlèrent le monde, et précipitèrent le déclin politique de l'islamisme.»Gilles Kepel.
" Chronique d'une guerre d'Orient " de Gilles Kepel publié chez Gallimard en 2002.
Parcourant les routes au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, allant à la rencontre des jeunes et des étudiants, interrogeant les prédicateurs et les imams, les militants islamistes et les responsables politiques, Gilles Kepel - politologue français et spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain - tente de comprendre cette fascination pour l'Occident.
p. 56 : " Un peu plus tard, un collègue de Tripoli, grosse cité à majorité sunnite au nord du pays, m'apprendra que le prénom le plus populaire dans les maternités de la ville, depuis le 11 septembre, n'est autre qu'Oussama. "
En les interrogeant sur leurs rapports à Ben Laden, aux événements du 11 septembre, à la guerre en Afghanistan et au devenir immédiat du monde musulman, on se retrouve face à cet éternel débat entre désir d'émancipation sur un modèle occidental et le respect des traditions religieuses.
p. 19 " C'est une relation curieuse avec l'Amérique - et avec l'Occident en général - qui s'est construite dans notre univers globalisé : la défiance proclamée se combine avec une très forte attirance, le rejet du modèle avec l'admiration pour la démocratie dont la plupart des sociétés du monde musulman restent toujours privées, la revendication de la spécificité culturelle avec un désir de reconnaissance et l'envie irrépressible de participer, sur un pied d'égalité, à la culture universelle. "
Il en revient donc à l'auteur la nécessité de comprendre les motivations du jihad contre l'Occident.
De l'Egypte à la Syrie, du Liban au Quatar et aux Emirats arabes unis, l'émergence de cette haine est une problématique complexe, aux enjeux multiples, dont l'auteur nous témoigne ici les principaux aspects.
La complexe mais bien réelle construction de la modernité dans les pays arabes, sera longue et délicate de par l'instabilité politico-économique régnante.
p. 81 : " Dans une société où la ségrégation des sexes doit être strictement observée avant le mariage, où l'enseignement supérieur public n'est pas mixte, il est difficile de concilier cette pesante tradition avec le raz-de-marée d'une modernité qui fait affluer dans ces pays riches tous les gadgets de la haute technologie avec le franchissement des barrières de l'intime et de la pudeur qu'ils suscitent."
En perte de repères idéologiques et/ou religieux stables et porteurs, la jeune génération semble s'émerveiller devant des actes de terrorisme et de barbarie.
Les rapports délicats - et d'autant plus fragiles depuis les attentats du 11 septembre - qu'entretient le monde musulman avec les pays occidentaux démontrent notamment une incompréhension des cultures.
Loin de répondre à toutes les interrogations latentes du lecteur, cette chronique balaye cependant un large champ de pistes de compréhension.
" Chronique d'une guerre d'Orient " est un livre atypique par son style. Conçu sous forme d'un carnet de route, à la manière d'un journal personnel, on sent une réelle maîtrise de la langue et de la culture arabe de l'auteur.
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