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Parvenu au crépuscule de sa vie, Louis se prépare à mourir, seul, à Paris. Au même moment, à Tokyo, son petit-fils Akito décide sans raisons apparentes de se cloîtrer dans sa chambre. Ce séisme intime amène ses proches à se confronter à leur propre histoire : liens rompus, secrets enfouis, aspirations profondes, blessures refoulées... Face au caractère irrationnel de la situation, enfermés à leur tour dans l'incompréhension et la culpabilité, tous prennent conscience des liens ténus reliant l'existence à l'invisible.
Fable à la tonalité impressionniste à la fois profonde et légère, Chasser les ombres raconte, à travers le phénomène très particulier de ces reclus volontaires, les hikikomoris, une histoire universelle : la manière dont chacun se sent relié aux autres, dont chacun se crée un refuge intérieur, se trouve un point de fuite, se métamorphose ou se renferme, en explorant librement le sens de sa vie ou en rêvant l'image de sa mort. Comme l'ombre accompagne la lumière.
« Puisqu’il le faut.
Entraînons-nous à mourir.
A l’ombre des fleurs. »
Koyabashi Issa (1723-1828)
Émouvant, un cerisier en fleurs, un livre grand comme le monde « Chasser les ombres » est l’éphéméride. Louis est âgé, solitaire, malade, en proie à la dernière marche de sa vie, il sait l’heure urgente, sournoise et imprévisible. Dans un même tempo, ses pensées vers son fils du bout du monde au Japon, sont cruciales et battements de cœur. Il cherche dans le flot des errances, l’étincelle qui le raccrochera à la vie. Revoir son fils. Les années sans lui sont des écorchures vives et profondes.
« L’enfance est un puits sans fond. En sortir prend toute une vie et la mort nous y ramène invariablement. Louis en faisait l’expérience, il était à l’âge où chaque geste, chaque mot était un appel au recommencement. »
Écrire, dévoiler à son fils les mots épiphanies, l’amour et ses craintes abandonnées dans l’entrechoc de l’âge. Lui qui n’a pas son fils Lucas s’élever dans l’entrelac des jours glorieux. Ombre pour ombre, la pudeur des absences, « aux particules fragmentées des souvenirs ». Lucas vit avec Mikki, solaire et délicate aimant Flaubert et traductrice freelance. La connivence heureuse, un couple qui devine intuitivement les gravités, l’écorce rebelle des émancipations. Ils ont un fils, un jeune adolescent Akito signifiant « l’homme de l’aube » en hommage au poème Aube de Rimbaud. Akito est en proie aux turbulences intérieures. La flamboyance n’est plus. Il plonge dans un gouffre, la matrice égarée, refuse le jour et la lumière, les autres et lui-même.
« Le regard qui la fixait comme une étoile morte était celui d’Akito. »
« Chasser les ombres » est le liant. Ici, pas de roman, d’histoire, seul, le réel des possibilités. Les écueils arriment la trame, soufflent sur les ombres et forcent le destin. Lucas va recevoir une lettre, celle de son père. Le choc sera violent, un tsunami intérieur. Mais la gestuelle en filigrane aura raison de ses remords. Lui répondre ? Il faut attendre les bourgeons regain sur les branches encore frigorifiées. Ici, c’est l’aurore boréale, les mutations des cœurs qui vont œuvrer au chef-d’œuvre. Que ce livre est beau et donnant ! Poursuivre la lecture, les ombres s’enfuient même au profond de nos propres regards.
« On apprend à chasser les ombres ainsi. En s’aimant la nuit et en se parlant le jour. Se parler pour faire taire leur voix. »
Akito sombre dans sa chambre, radeau de Géricault, sables mouvants, vivre hors du temps et de l’espace dans les bruissements des ombres qui figent l’existence même. Un « hikikomoris » un reclus essentialiste, parabole de la rémanence. Que va-t-il se passer dans ce langage où tout est théologal, attente et murmure ? Lamia Berrada-Berca délivre des mots sur les maux, les renaissances en advenir. « Chasser les ombres » est un miracle. Louis et Lucas retrouveront-ils l’heure des fiançailles renouées ? Le seuil des révélations ?
« Chasser les ombres » est l’éternité. Culte, magistral et inoubliable. En lice pour le prix Hors Concours des éditions indépendantes 2021. Publié par les majeures Éditions Do.
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Bonjour,
Merci pour cet avis.
Magnifique haïku...