"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le titre de ce roman m'intriguait. Quel point commun peut-il y avoir entre un philosophe allemand et une robe ?
En posant ce roman, je savais.
Petite fille grandie à l'ombre d'une grand-mère adorée, non scolarisée parce que fille, elle a été mariée rrès jeune à un jeune homme qui lui promettait de l'emmener loin de chez elle, dans ce pays magique où il travaillait.
Sauf qu'une fois arrivée, il l'a enveloppée dans cette armure noire qui l'enveloppe des pieds à la tête, de crainte qu'un autre homme puisse la lui ravir.
Emballée dans ces tissus, elle n'a que ses yeux pour découvrir le monde. Aucun droit de parler, même pas à l'institutrice de leur fille.
Jusqu'au jour où elle découvre dans la vitrine d'une boutique cette robe rouge. Il l ui en faudra du temps pour oser la regarder, à travers la vitre, puis posée sur le comptoir, puis, bien plus tard, oser la passer, bien cachée dans la cabine d'essayage ... et encore plus tard, l'acheter et la cacher dans sa marmite à secrets.
Un livre posé sur e paillasson du voisin, déchiffré par sa fille ...
Oser savoir ...
Et les premières lueurs de libération apparaîtront
Un roman poignant
Un roman très (trop) court qui résonne encore en moi et le fera longtemps
Une auteur dont je vais tâcher de découvrir d'autres opus
« Puisqu’il le faut.
Entraînons-nous à mourir.
A l’ombre des fleurs. »
Koyabashi Issa (1723-1828)
Émouvant, un cerisier en fleurs, un livre grand comme le monde « Chasser les ombres » est l’éphéméride. Louis est âgé, solitaire, malade, en proie à la dernière marche de sa vie, il sait l’heure urgente, sournoise et imprévisible. Dans un même tempo, ses pensées vers son fils du bout du monde au Japon, sont cruciales et battements de cœur. Il cherche dans le flot des errances, l’étincelle qui le raccrochera à la vie. Revoir son fils. Les années sans lui sont des écorchures vives et profondes.
« L’enfance est un puits sans fond. En sortir prend toute une vie et la mort nous y ramène invariablement. Louis en faisait l’expérience, il était à l’âge où chaque geste, chaque mot était un appel au recommencement. »
Écrire, dévoiler à son fils les mots épiphanies, l’amour et ses craintes abandonnées dans l’entrechoc de l’âge. Lui qui n’a pas son fils Lucas s’élever dans l’entrelac des jours glorieux. Ombre pour ombre, la pudeur des absences, « aux particules fragmentées des souvenirs ». Lucas vit avec Mikki, solaire et délicate aimant Flaubert et traductrice freelance. La connivence heureuse, un couple qui devine intuitivement les gravités, l’écorce rebelle des émancipations. Ils ont un fils, un jeune adolescent Akito signifiant « l’homme de l’aube » en hommage au poème Aube de Rimbaud. Akito est en proie aux turbulences intérieures. La flamboyance n’est plus. Il plonge dans un gouffre, la matrice égarée, refuse le jour et la lumière, les autres et lui-même.
« Le regard qui la fixait comme une étoile morte était celui d’Akito. »
« Chasser les ombres » est le liant. Ici, pas de roman, d’histoire, seul, le réel des possibilités. Les écueils arriment la trame, soufflent sur les ombres et forcent le destin. Lucas va recevoir une lettre, celle de son père. Le choc sera violent, un tsunami intérieur. Mais la gestuelle en filigrane aura raison de ses remords. Lui répondre ? Il faut attendre les bourgeons regain sur les branches encore frigorifiées. Ici, c’est l’aurore boréale, les mutations des cœurs qui vont œuvrer au chef-d’œuvre. Que ce livre est beau et donnant ! Poursuivre la lecture, les ombres s’enfuient même au profond de nos propres regards.
« On apprend à chasser les ombres ainsi. En s’aimant la nuit et en se parlant le jour. Se parler pour faire taire leur voix. »
Akito sombre dans sa chambre, radeau de Géricault, sables mouvants, vivre hors du temps et de l’espace dans les bruissements des ombres qui figent l’existence même. Un « hikikomoris » un reclus essentialiste, parabole de la rémanence. Que va-t-il se passer dans ce langage où tout est théologal, attente et murmure ? Lamia Berrada-Berca délivre des mots sur les maux, les renaissances en advenir. « Chasser les ombres » est un miracle. Louis et Lucas retrouveront-ils l’heure des fiançailles renouées ? Le seuil des révélations ?
« Chasser les ombres » est l’éternité. Culte, magistral et inoubliable. En lice pour le prix Hors Concours des éditions indépendantes 2021. Publié par les majeures Éditions Do.
Un roman aussi court qu'il est fort. La condition de la femme vue de l'intérieur en acceptation totale.
Avec l'espoir que la situation va changer avec l'arrivée en France, la jeune se rend compte qu'elle traverse le mode comme transparente et le regarde enfermé derrière sa burqa. Jusqu'au jour où les circonstances font entrer le désir de s'ouvrir, de s'instruire de gouter à cette liberté qui l'entoure.
D'une écriture simple mais pleine de poésie et de douceur, dans un monde entre deux, l'auteur nous porte, nous transporte et nous fait ressentir ce désir qu'une simple robe de couleur rouge, avec toute la symbolique, peut faire naitre.
Un très beau roman.
Ce tout petit opuscule nous fait pénétrer dans le quotidien d'une femme musulmane voilée, exilée en France avec son mari et sa fille, ne sachant ni lire ni parler le français.
Emprisonnée derrière son voile et le fait établi qu'une femme n'a aucun droit sinon celui de nourrir sa famille, "la jeune femme" (on ne connaitra son nom qu'à la moitié du livre, lorsqu'elle aura son premier geste de femme libre) vit retranchée dans son monde obscur jusqu'au jour où, par hasard, elle tombe en arrêt devant une robe rouge en vitrine : ce jour là, pour la première fois de sa vie, elle sera assaillie par un désir qui provoquera une fissure dans sa vie réglée... Peu de temps après, c'est un livre de Kant qui lui tombe entre les mains et qu'elle demande à sa fille de lui lire, qui va enclencher un lent cheminement vers l'autonomie, l'estime de soi et la liberté.
Un petit livre tout de sensibilité et de finesse.
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