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Dans les premiers jours de la vie de Bo, il y a des bombes, une cigarette qui part en fumée, une société totalitaire qui s'installe. Bo grandit, aime la musique, les mathématiques, ses amis, une femme, une autre. Il bricole les ondes et les transistors, invente une télécommande et un réveil-cafetière-tourne-disque.
Pour sauver son fils, Bo doit quitter le pays. Alors les autorités proposent un marché : devenir leur agent pour partir. Comment assumer son choix, quel qu'il soit ?
Sur fond de jazz et de be-bop, porté par une écriture facétieuse, Celui qui comptait être heureux longtemps conte une histoire lumineuse et tragique à la fois.
Bon sang que j'ai aimé ce livre ! Je l'ai trouvé d'une beauté profonde. D'une beauté de fleuve que l'on a l'illusion d'apprivoiser mais qui continue de "passer sans passer".
Né sous les bombes, Bo est prédestiné par sa mère à être et à rester un "petit traitre". Dans la "Nouvelle Société" dictatoriale issue de la guerre, Bo grandit et montre vite sa passion des mathématiques appliquées aux transmissions. Devenu chercheur à l'Institut de Recherches Scientifiques, persuadé de l'importance de ses travaux, il résiste avec insolence aux ordres "d'en haut". Mais pour que son fils reçoive les soins nécessaires à sa survie, Bo doit négocier un voyage à l'étranger. Un marché lui est alors proposé par les autorités. Une alternative qui ne lui laisse que le choix entre le pire et le pire...
Tout est beau, tout est signifiant, tout est créatif dans ce roman ! Du titre qui joue sur la polysémie et l'homophonie du mot "compter" aux personnages qui parviennent à trouver des éclats de lumière sous l'étouffoir de la dictature en passant par l'écriture fluide, mouvante, pleine de fantaisies et de chagrins bâillonnés. Irina Teodorescu bouscule les codes romanesques dans un jeu perpétuel avec les temporalités, les voix, les points de vue et dessine ainsi un univers qu'elle met à notre portée jusqu'à nous en faire ressentir les moindres palpitations, les plus fines émotions. La poésie épouse le réalisme, l'humour embrasse le drame et du plus intime jaillit l'universel. Et tout cela en gommant toute apparence d'effort, tout procédé ostensible ! La lecture devient lumineuse, évidente, même dans ses anfractuosités les plus furtives.
L'on devine, l'on ressent profondément dans les fibres du récit, une douleur latente, un questionnement qui brûle encore et qui devient nôtre par la magie de cette écriture et de ces choix narratifs. Il est tout proche de nous, celui qui comptait être heureux longtemps, il nous est familier, il nous est parent, il nous est semblable. Son histoire pose une question de conscience, de négociation insoluble entre des devoirs irréconciliables, entre sentiments et intégrité. Mais c'est au lecteur de discerner ces strates interprétatives car rien n'est explicitement asséné. Et c'est là aussi que réside la force du roman d'Irina Teodorescu : dans tout ce qu'il dit bien au-delà des mots.
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