Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
En quelques mots, on y est. Cuba, La Havane, comme un regret sans fond, comme la musique d'un vieux boléro. Un doigt de rhum Carta Blanca (quand il en reste), soleil de plomb, solitude. Magie des décors qui n'ont pas besoin de description, ou si peu.
Les héros de Padura sont des tendres ; ils se heurtent à la société, au destin, au temps qui passe ; à ce désir qu'ont les choses, souvent, d'arriver contre notre gré, sans nous consulter. Ainsi, les toits qui s'effondrent, les pénuries de rhum, le départ intempestif d'êtres aimés.
On trouve de tout dans ce recueil de nouvelles, amours bêtement gâchées, soldat en fin de mission à Luanda, archange noir, nuits torrides, jeunes gens désoeuvrés, fonctionnaires désabusés, souvenirs cuisants...
On trouve surtout le sel des romans de Leonardo Padura, sa marque de fabrique : l'humanité qui irradie à chaque ligne, la nostalgie des vies qu'on ne vit pas, et l'art suprême de nous plonger dans une île qu'on emporte toujours avec soi.
Au travers de ces 13 nouvelles , c'est toute l'atmosphère d'un Cuba nocturne mélancolique et désabusé qui vous apparaît …...
Vous voilà transporté dans l'ambiance un peu décadente d'un bar enfumé, bercé par la mélodie sensuelle d'une chanteuse de Boléro qu'accompagne un piano, ce boléro dont Padura écrit que le véritable plaisir de l'écouter « ne peut germer que sur les expériences amères de la vie »
C'est l'heure où, les verres de rhum Carta Blanca aidant, « on s'embarque dans la machine à remonter le temps», où les fantômes du passé vous envahissent, où l'on se raconte à l'oreille compatissante d'un ami, où l'on se confie à une rencontre d'un soir ; c'est aussi l'heure propice à recherche de celui ou celle avec qui on partagera quelques instants de plaisir furtif « La nuit a été créée pour chasser - la ville est une forêt où se promènent les proies » . Cette nuit se fait parfois tendre …..alors, ce qui désirait arriver arrive , puis disparaît et l'on se prend à espérer son retour …....
Une unité d'atmosphère, certes, mais aucune monotonie en raison d'une variété de personnages attachants aux personnalités et aux destins divers .
Si ce recueil a les charmes des histoires universelles où des anti-héros promènent leur spleen, il est bien sûr, ancré dans la réalité de la vie des habitants de la Havane, et procure ainsi au lecteur européen un éclairage sur la vie quotidienne à Cuba.
Au travers du récit de ces vies médiocres qu'on noie dans l'alcool, on retrouve des allusions à la guerre d'Angola , à ceux qui y sont restés, à ceux qui en sont revenus et qu'on a médaillés , on évoque aussi le travail « volontaire » : ce travail bénévole qu'on imposait pour permettre la réussite des projets politiques, la discrimination envers les Noirs, les pénuries, les coupures de courant intempestives , le Parti.. …....mais ne fait pas disparaître l'attachement à cette île , qu'on a eu parfois envie de quitter mais dont on a toujours rêvé quand on en était éloigné .
L'écriture impressionniste de Leonardo Padura, la tonalité nostalgique de son recueil ont exercé sur moi le même effet envoûtant que celui du boléro interprété par Violeta del Rio sur un des héros « un pouvoir de séduction lié non seulement au texte et à sa mélodie, mais aussi à une voix et à une façon de chanter »
Un personnage revient toujours dans l’œuvre de Leonardo Padura : il s’agit de Cuba. Le pays de l’auteur devient, sous sa plume, un personnage à part entière, tant l’écrivain tente de le comprendre, de le décrire, de le décrypter. Que ce soit par simple évocation ou en dévoilant les coulisses de son système (il n’y a qu’à lire le cycle qu’il consacre au lieutenant-enquêteur Mario Conde, cycle qui vient d’être réédité dans la collection Suites des éditions Métailié), Cuba n’est jamais loin, elle cultive sa différence qui devient une force sous la plume de Padura, sans être exempte de faiblesses. En recevant, en 2015, le prestigieux prix Princesse des Asturies, Leonardo Padura confirme ce talent et cette facilité qu’il a de manier les mots pour construire une œuvre cohérente et profonde.
Ce qui désirait arriver, son nouveau recueil de nouvelles, paru aux excellentes éditions Métailié, est une nouvelle pierre dans l’édification de cette œuvre. Cuba reste toujours au centre de l’attention. Il s’agit d’une véritable obsession qui coule dans les veines des différents personnages, une planche dans l’océan de la vie à laquelle ils ne peuvent que s’accrocher. Les treize nouvelles qui composent l’ouvrage, écrites entre 1985 et 2009, amènent le lecteur à parcourir les rues de La Havane, à explorer l’histoire du pays, à s’imprégner de cette douce et mélancolique indolence qui émane des personnages.
Nostalgiques, les personnages le sont tous : ils sont nostalgiques des promesses d’un avenir radieux que le pouvoir castriste assurait, des lendemains qui chantent et qui ne sont plus qu’une gigantesque gueule de bois commune. Cette nostalgie est parfaitement décrite dans la seconde nouvelle de l’ouvrage, « Neuf nuits avec Violeta del Río », où le narrateur est épris d’une chanteuse de boléro à la voix sublime « murmurante, chaude, profonde, soigneusement maîtrisée, qui semblait parler à l’oreille plus que chanter ». L’auteur dépeint alors, tel un tableau d’Edward Hopper, des personnages esseulés, mélancolique, à l’atmosphère chargée de fumée de cigares cubains et de rhum Carta Blanca. Souvenir merveilleux mais cruel du temps qui passe, des illusions qui enveloppaient notre jeunesse, le chaud murmure de Violeta del Río est tout cela, la réminiscence d’une sensation de bien-être qui est prodiguée par les rues de la Havane. Et, à l’instar de cette chanteuse de boléro, Rafaela qui, dans « Sonatine pour Rafaela », se souvient de ces rêves de gloire et de célébrité, de son talent inutilement gâché, par le seul rappel de la chanson As Time Goes By, qui connut sa véritable heure de gloire grâce au film Casablanca.
Tous les personnages de ces nouvelles sont en proie à une sorte de fatalisme, comme si La Havane, éternelle Circé, régnant sur l’île d’Ééa, ensorcelait ses habitants pour qu’ils ne quittent plus Cuba ou, dans le cas de ces internationalistes, ces Cubains qui ont participé à une mission à l’étranger et plus précisément en Angola, pour un infime lien les raccroche à cette île, que ce soit une femme (« Les limites de l’amour ») ou la rencontre avec un ancien camarade, dans un lieu où on s’y attend le moins (« La Porte d’Alcalá »).
L’auteur déploie alors son talent pour nous conter ces destins aux rêves brisés, se mouvant lentement dans la moiteur des rues de La Havane. Jamais cruel, Leonardo Padura raconte avec une profonde empathie ces vies, calmes, simples, limpides, qui cherche à concilier cette rage de désirs qui sourde au plus profond d’eux au dénuement de leur existence. Sublimes et touchantes, toujours élégantes, ces nouvelles ensorcellent le lecteur et le prend aux tripes, tout en le plongeant dans cette atmosphère chargée d’effluves qu’est Cuba.
Ne cherchez pas Mario Conde ! Il n'est pas l'un des héros de ce recueil de nouvelles ! Pourtant, on retrouve l'ambiance cubaine, le rhum et le boléro (Violetta la chanteuse de Les brumes du passé passe par là), la presque résignation et le désenchantement de la jeunesse, les espoirs déçus et quelques piques sur le régime (les campagnes forcées de cueillette de la canne à sucre).
Si le ton reste poétique, le verbe se fait parfois plus cru avec quelques nouvelles bien plus sensuelles que celles auxquelles l'auteur nous avait habitués. La femme d'ailleurs est au cœur de la plupart des ses courtes histoires écrites dans les années 1990 ; elle n'est plus seulement la femme-mère (à l'instar de Josefina qui nourrit la bande de copains dans les autres romans) ni un pur fantasme, elle devient une actrice réelle avec ses failles, ses échecs et aussi dans d'infimes victoires.
A l'image de la splendide couverture !
A l'occasion de cette toute nouvelle parution en France (en simultané avec la réédition de la série des Quatre saisons chez Métailié Suites), Leonardo Padura, avant de partir à Saint-Malo pour le Festival Etonnants Voyageurs, était de passage à Paris avec son épouse et j'ai eu l'immense plaisir de le rencontrer dans un café du 12ème arrondissement : le privilège d'un presque tête-à-tête et d'une discussion passionnante sur Cuba et sur la littérature, organisé par les éditions Métailié et Points que je remercie pour ce moment magique. Merci !!
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