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Paris 1931, l'Exposition Coloniale. Quelques jours avant l'inauguration officielle, empoisonnés ou victimes d'une nourriture inadaptée, tous les crocodiles du marigot meurent d'un coup.Une solution est négociée par les organisateurs afin de remédier à la catastrophe. Le cirque Hoffner de Francfort-sur-le-Main, qui souhaite renouveler l'intérêt du public allemand, veut bien prêter les siens, mais en échange d'autant de Canaques. Qu'à cela ne tienne !Les «cannibales» seront expédiés.Inspiré par ce fait authentique, le récit déroule l'intrigue sur fond du Paris des années trente - ses mentalités, l'univers étrange de l'Exposition - tout en mettant en perspective les révoltes qui devaient avoir lieu un demi-siècle plus tard en Nouvelle-Calédonie.
Avec son Cannibale, Didier Daeninckx entreprend de dénoncer le traitement réservé aux ressortissants autochtones du "Grand empire colonial français". Louable intention, plutôt réussie même si l'auteur n'évite pas un ou deux anachronismes.
Daeninckx n'a pas utilisé le moyen le plus simple pour y parvenir : son personnage, Gocéné, un vieux kanak, raconte à de jeunes indépendantistes son passé. Et là, ça se gâte. L'auteur n'a pas évité les pièges de l'exercice : la narration de Gocéné, trop détaillée est impossible à comprendre pour les deux jeunes (ex : nom des stations de métro et des rues de Paris...) et quand ce même Gocéné discute avec son compagnon d'infortune à Paris, le trop de détails n'est pas compréhensible. L'un connaît forcément ce que l'autre lui explique pourtant comme s'il ne le savait pas.
L''ensemble reste cependant une bonne lecture agréable et instructive.
Nouvelle-Calédonie 1985, deux hommes dans une voiture sont visés par un fusil tenu par un jeune kanak à un barrage sur un chemin. Gocéné en descend pour discuter, le blanc, Caroz, est sommé de faire demi-tour. « L’homme que tu as chassé sans même essayer de l’écouter, à soixante-quinze ans comme moi. Même s’il est Blanc, il est tout aussi kanak que toi et moi : il a fait des mois de prison, chez les siens, pour avoir pris ma défense...Un Blanc en prison çà cause d’un kanak ? C’est la première fois que j’entends ça ». Alors Gocéné raconte son histoire aux deux jeunes indépendantistes.
Gocéné, né à Canala en Nouvelle-Calédonie, fut une des cent onze personnes Canaques à être envoyées à Paris pour représenter « la culture ancestrale de l‘Océanie » lors de l’exposition coloniale de 1931. Bien sûr, ils n’y sont pas allés de leur plein gré, ils ont été désignés. « Il (l’adjoint du gouverneur Joseph Guyon) a commencé par nous appeler « mes amis », et tout le monde s’est méfié. Il a rendu hommage à nos pères, nos oncles qui étaient allés sauver la mère-patrie d’adoption, pendant la Grande Guerre, avant de nous annoncer que nous partirions dès le lendemain pour l’Europe. »
Ce séjour français ne fut pas une sinécure mais une honte. Sur le panneau devant leur enclos est écrit « Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie».Gocéné et les autres doivent pousser des cris, danser les seins nus pour les femmes, manger de la viande crue, pour bien attester du « bon sauvage ». Est-ce là leur culture ? Certains seront mêmes échangés, à un zoo allemand, contre des crocodiles vivants . « En échange je leur ai promis de leur prêter une trentaine de Canaques. Ils nous les rendront en septembre, à la fin de leur tournée. » ; c’est dire la considération que nous avions des habitants de nos colonies. Le maréchal Lyautey, dans son discours, lors de l’inauguration de l’exposition coloniale a dit : « une leçon d’union entre les races qu’il ne convient pas de hiérarchiser en races supérieures ou inférieures, mais de regarder comme différentes » !
Gocéné a promis de veiller sur la sécurité de Minoé, sa promise qui fait parti du lot prêté. Gocéné et son cousin Badimoin décident de pister le bus et les voici dans Paris à la recherche de la promise. Cela se termine par la mort, d’une balle tirée dans le dos, pour Badimoin et la prison pour Gocéné. Une seule personne blanche a pris leur parti, Caroz, ce qui lui a valu de l’emprisonnement. Beaucoup plus tard, ils se sont retrouvés et Caroz est venu en Nouvelle-Calédonie. Gocéné fera avec les indépendantistes ce que Caroz a fait avec lui.
En parallèle, l’auteur parle des évènements en cours en Nouvelle-Calédonie et qui ont conduit à la signature des accords de Nouméa en 1998.
Ce récit, inspiré d’un fait authentique, pose plusieurs questions. Un homme peut-il accepter d’être montré comme un cannibale, exposé comme un animal dans un zoo ? Un homme est-il un homme lorsqu’il est considéré comme un sous-homme de par sa couleur, son lieu de naissance ?
Un regard sur notre passé colonialiste et paternaliste qui, malheureusement n’a pas beaucoup changé. Si ce ne sont plus les autorités de l’État qui, théoriquement, considèrent les autochtones comme des cannibales ou des sous-hommes, ce sont les multinationales qui cannibalisent leurs terres pour leur seul profit et considèrent les « colonisés » comme autant de main-d’œuvre à très bon marché et que piller leurs richesses n’a aucune importance. Tout le relent xénophobe et raciste qui revient au galop montre que les choses n’évoluent pas dans le bons sens, loin s’en faut.
Un livre, paru en 1998, qu’il faut lire.
Paris, 1931, quelques jours avant l'ouverture de l'Exposition Coloniale, en grandes pompes, par le Président de la République Gaston Doumergue, tous les crocodiles meurent d'un coup. Une solution rapide est trouvée avec un cirque allemand qui, contre le prêt de ses alligators et autres reptiles demande à recevoir une partie des Kanaks exposés comme des cannibales. C'est ainsi que Gocéné, jeune homme extirpé de sa Calédonie natale est séparé de Minoé, sa jeune promise sur laquelle il avait promis de veiller. Minoé est envoyée en Allemagne. Gocéné s'évade et tente de la retrouver.
A partir d'un fait réel, Didier Daeninckx construit une histoire incroyable et folle dans la capitale de ce début des années trente. Fidèle à ses thèmes de prédilection et à ses indignations, il montre toute l'aberration et l'horreur de l'Exposition Coloniale. Mais quel cerveau malade a un jour eu l'idée d'exposer des hommes et des femmes, les obligeant à singer des pratiques qui ne sont même pas les leurs ? "Je leur explique qu'on nous obligeait, hommes et femmes, à danser nus, la taille et les reins recouverts d'un simple manou. Que nous n'avions pas le droit de parler entre nous, seulement de grogner comme des bêtes, pour provoquer les rires des gens, derrière les grilles... Qu'on nous a séparés ainsi qu'on le fait d'une portée de chiots, sans qu'aucun ne sache où était son frère, sa sœur. Qu'on nous traitait d'anthropophages, de polygames, qu'on insultait les noms légués par nos ancêtres..." (p.47)
Gocéné et son ami Badimoin avec lequel il s'échappe du parc de l'exposition vivent une aventure peu commune, rencontrent des gens qui les ignorent, d'autres qui les méprisent et certains qui les aident. Sans doute assez proche de la réalité de l'époque.
C'est un court roman, qui, comme toujours chez l'auteur se base sur un contexte fort qui ne peut pas laisser indifférent, et sous le prétexte de raconter une intrigue aborde les questions essentielles de la fraternité, de l'humanité, de la haine de l'autre par peur de la différence, du racisme, enfin de toutes ces choses qui ont une malheureuse tendance à revenir à la surface en ce moment et qui ne préparent pas le mieux.
Dans ce court récit, on se retrouve dans le Paris des années 30, pour l'Exposition Coloniale dans laquelle une tribu de Nouvelle-Calédonie, les Kanaks, est enfermée, comme des animaux. Cette histoire nous est racontée par le protagoniste, Gocénée, qui le raconte lui-même à deux jeunes rebelles calédoniens. Gocénée nous narre donc ses aventures, avec Badimoin, un ami Kanak également, au sein de Paris.
Bien sûr, discriminations et préjugés racistes de tous genres sont au rendez-vous. "Singes", "Cannibales", "Animaux de la jungle"... L'Homme blanc, caractérisé par les forces de police et les responsables de l'Exposition, se pense supérieur tout au long du récit, abaissant les Kanaks au rang de simple vitrine à regarder. Ils les forcent à se comporter de manière humiliante, allant jusqu'à envoyer une partie du groupe en Allemagne en échange d'alligators, Bref, ils n'ont tout simplement aucune considération pour Gocénée et ses amis.
A la fin du récit, on est face à une fin ouverte qui pose plusieurs questions : Doit-on agir sans se poser de question ? Est-ce l'hélicoptère ou les deux jeunes rebelles qui ont fait feu ? Gocénée a t'il été tué ?
Cannibale est une lecture très simple et très rapide, tout en étant intéressante. Le contexte historique nous apprend beaucoup, et on reste choqué par ce que l'Europe a pu faire dans le passé.
Dérangeant... J'ai honte que mes ancêtres est pu s'extasier face a un tel spectacle
étonnant, déroutant, mais surtout révoltant..
Dans l’univers du Paris de 1931, l’Exposition coloniale et ses mentalités. Comment regarder un homme nu dans une cage, tel un animal, droit dans les yeux ? La question ne se pose pas vraiment dans ce récit plus centré sur les personnages de Gocéné et Badimoin. C’est ce qui manque à cet ouvrage un peu trop fictif qui fini par ne plus être réaliste du tout. Comment deux indigènes peuvent-ils traverser Paris, le soir, sans qu’on ne les remarque, sachant qu’on est en pleine Exposition coloniale et que tous les jours des visiteurs viennent « admirer » des hommes en cage ?
Pour ma part, l’épaisseur du livre laisse à désirer, quand on l’achève, on en veut encore. Comme si l’histoire était, non pas inachevée, mais achevée précipitamment. Comme s’il fallait combler un vide entre l’incipit (au présent) et le retour au présent pour conclure l’histoire.
Ce récit est assez décevant car, en réalité, il nous fait espérer et nous conduit là où on ne s’y attend pas, et la surprise est, du moins, décevante. Au début de l’histoire, lorsque Gocéné parle de son ami français qui a fait de la prison pour lui, on s’attend à ce que l’auteur s’étende sur le sujet. Or, cet ami n’intervient qu’à la fin de l’histoire lorsqu’il se rebelle contre le policier venant de tuer Badimoin. Son apparition n’est que de courte durée.
Pour ce qui est du réalisme dans ce récit, ce n’est pas aussi négatif. En effet, la révolte des communistes devant l’exposition montre enfin que tous les français de l’époque n’étaient pas en accord avec cette forme de deshumanisation de l’homme.
Je reprocherai à ce roman de centrer son récit sur deux personnages fictifs et donc de ne pas être assez historique, pas assez réaliste non plus à cause de la simplicité de l’histoire et de sa brièveté.
Cependant, le thème des zoos humains est rare dans la littérature, et ce roman se distingue par le récit qu’il raconte mais aussi par le fait historique qu’il dénonce. Sa fonction est de nous rappeler qu’au début du XXème siècle, il était tout à fait normal de mettre des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières en cage, pour distraire les européens que nous sommes, pour contempler des « sauvages » venus d’un autre horizon., dont les valeurs se perdent derrières les barreaux.
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