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Une lecture très poétique.
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Malheureusement, je n’ai pas accroché, un roman d’une centaine de pages, une seule phrase qui dure exactement 100 pages, une phrase faite d’énumération, je me suis sentie comme essoufflée à la fin de cette lecture.
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J’étais par moment perdue dans ce que racontait l’auteur… Je pense que c’est dû au fait que le roman ne contient qu’une seule phrase, ça m’a perdu et j’avais envie que l’auteur trouve enfin cette femme qu’il attend, pour qu’il sorte de ses rêves et ouvre enfin un nouveau chapitre.
Quel étonnant roman, plutôt un long poème en prose, une lettre qui court du premier mot jusqu'au point d'interrogation final sur 100 pages, sans point, ni point virgule, risquant d'interrompre le fil de la pensée du narrateur qui attend la femme rêvée, fantasmée, qui jamais ne vient, cela l'énerve parfois mais de digression en digression, toujours il revient à cette attente de celle qu'il aimera, imaginant leurs conversations, leur étreinte et la rêverie se fait sensuelle...
Le précédent opus de l'auteur déjà bousculait la langue puisque n'y figurait aucun verbe. J'étais curieuse de découvrir cette plume atypique. Mais...je n'étais pas prête. Si intéressante que soit la démarche, je me suis essoufflée à cette lecture ! Le texte ainsi présenté est trop long pour moi malgré une langue riche et belle. Un ressenti en demi-teinte donc mais une expérience littéraire grâce aux 68 que je ne regrette pas !
Quel étonnant roman : il est construit comme un poème dédié aux femmes que le narrateur attend tout en vagabondant dans ses pensées.
Le texte est un monologue intérieur en une phrase, dénuée de ponctuation, que l'on lit d'une traite et j'ai du souvent reprendre ma respiration par manque de virgule, tant j'étais essoufflée. Mais quelle langue ! On pourrait facilement déclamer le texte .
Il manie les mots comme un jongleur, à l'aide d'un vocabulaire riche , imagé et poétique.
Ces femme espérées, il les attend, il les imagine, il se les rappelle, il les craint, il les sublime, dans un tourbillon de descriptions et sentiments divers.
C'est une lecture musicale , foisonnante comme le sont nos imaginations intérieures,
C'est une ode à l'amour et au jeu des mots.
Ce très petit livre est surprenant, tant par l'écriture que par ce qu'il raconte. Il nous narre l'envolée des pensées d'un homme qui attend longuement, patiemment une femme qui n'en finit pas de venir. Surprenant par l'écriture où le point n'existe pas mais où il y a pléthore de virgules, ce qui engendre une certaine confusion et un mélange dans les pensées. Mais c'est peut-être voulu ?
Cet ouvrage touche à la poésie et il faut y être sensible pour percevoir les différents aspects de cette envolée lyrique de mots. Je reste perplexe car si la tonalité m'a plu l'absence de point m'a essoufflée et je n'ai pas ressenti l'attente mais plutôt une certaine urgence.
Lu dans le cadre des 68 premières fois 2022.
https://quandsylit.over-blog.com/2022/08/aux-amours-loic-demey.html
Esméralda, Béatrice, Pénélope, Shéhérazade...
En une phrase qui court sur cent pages, Loïc Demey raconte la quête d'un homme pour la femme dont il est épris, la cherche et la rêve. Un premier roman à la fois original et exigeant.
Peut-être avez-vous noté la frilosité des éditeurs à qualifier les ouvrages qu'ils publient. Désormais, on laisse au lecteur le soin de découvrir ce qu'est un roman, un poème en prose, un récit. Cette entrée en matière pour souligner combien Loïc Demey fait preuve d'originalité. Après trois recueils de poésie, il nous offre un premier roman sous forme de longue phrase, de lettre à l'être aimée.
Une quête qui commence par ces trois mots «Où êtes-vous» et va se boucler 100 pages plus loin avec cette même interrogation «où êtes-vous lorsque je patiente aux amours». Constat d'échec à retrouver la femme qui a suscité tant de passion, tant de désir, tant d'envie? Oui et non, car si la belle et sensuelle Lise lui échappe encore, l'auteur aura pu poser sur le papier ce chant d'amour, dire la palette de sensations qu'il éprouve, recherché dans sa mémoire tous les petits détails qui racontent leur rencontre, des couleurs du papier peint à la température qu'il faisait et de sa façon de se vêtir au paysage traversé.
Certes, il faut se laisser happer par ce texte qui devrait dérouter plus d'un lecteur, mais si l'on plonge, alors l'exercice est aussi vivifiant qu'une traversée en apnée. Un exercice qui nous offre aussi de suivre les circonvolutions d'un cerveau qui, pour ne penser qu'à une seule chose, voit cependant affluer de nombreuses images, rêves, envies. Oui, Lise est une fête, oui, Lise est un fantasme, oui, Lise est le creuset de l'imagination de cet amoureux transi.
Un amoureux qui pourrait bien être le héros malheureux d'un opéra, d'un drame transposé en Italie ou il répondrait au nom de Sfortunato, et après avoir vidé deux bouteilles de vin, n'hésiterait pas à «échanger son âme contre un morceau de son ombre» pour enfin pouvoir approcher sa dulcinée, la jeune femme blonde à la robe en coquelicots, et alors se voir incapable de prononcer un mot. Un malheur qui va alors le plonger dans le désespoir. Jusqu'à ce que l'imagination ne reprenne le pouvoir.
Car on peut aussi lire cette phrase comme un hommage à l'art qui permet de transcender la douleur, à la littérature qui ouvre la route des possibles. Si Lise est insaisissable, alors elle peut aussi devenir une autre héroïne, Esméralda, Béatrice, Pénélope, Shéhérazade...
«Du plus loin que vous êtes je crois à votre venue, j'inventorie chaque signe mouvant du panorama, je veux dire les lieux prétendus de mon corps que vous habitez, l’endroit de ma pensée où vous résidez, j'espère ainsi qu’on espère sous le ciel dont les étoiles déjà ont succombé au temps, déjà se sont endormies lorsque leur brillance nous atteint, nous affecte et nous console de n'être que des grains façonnant un rocher sublime».
https://urlz.fr/j2VC
"à bien y réfléchir, les rêveries ne vont pas à la ligne, d'une pensée dépend une autre pensée, une action laisse la place à la prochaine"
De la même façon, les pensées du narrateur naviguent vers elle, ou elles, cette femme, cette autre, toutes ces femmes qu'il attend, qu'il espère, qu'il invente, se crée, s'imagine, découvre, comprend, écoute, aime, sent, touche, caresse, toutes celles qui sont, seront, ont été, celle qui enfin, peut-être, sans doute, le comprendra, l'aimera, l'espère à son tour, belle, insignifiante, quelconque, gracieuse, jolie, grande, petite, sublime, qu'importe pourvu que ce soit elle.
Quel étonnant roman, poème, livre, qui se lit sans point ni virgule, sans respiration ni ponctuation, qui se vit, se respire, s'essouffle, s'espére ou se désespére, qui dit, qui rêve, qui cherche, qui découvre, qui attend.
Espoir, espérance, point de suspension...
Sélection 68premièresfois 2022
Je ne peux que remercier les fées du groupe « 68 premières fois » de m'avoir fait lire ce texte car ce texte est un véritable OLNI, Objet Littéraire non identifié : une phrase de 100 pages qui est une lettre d'amour d'un homme pour sa prochaine, future aimante.
J'ai été happée par cette structure et ai aimé lire cette lettre et ses belles références qui jalonnent ce texte, on retrouve le petit Prince de Saint Exupéry, l'histoire d'Otto Sfortunato, un poète Italien de la Renaissance qui va commander un tableau de sa belle, qu'il a aperçu et qu'il aimerait tant retrouvé, cette ombra.
Je ne sais si c'est de la poésie, mais c'est un réel plaisir de lire ce texte, et il se lit d'une traite. Sans point, avec des virgules, nous suivons au plus prés les pensées de l'auteur, sa rêverie. Et j'ai aimé le suivre et même rêvé d'être la destination de cette lettre d'amour à une inconnu, croisé, fantasmé, rêvé.
Ce n'est pas un de ces premiers textes puisqu'il a déjà fait un OLNI, que je vais m'empresser de découvrir.
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
À se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps
Sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé
À toutes les apparences de la vie
Et de l’amour et toi, la seule
qui comptes aujourd’hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu’il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu’à être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l’ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos, À la mystérieuse in Corps et Biens, 1930
❝ j'ignore quelle est la prosodie de votre accent, si vous utilisez cette langue qui est la mienne jusqu'alors impuissante à susciter votre apparition, je ne fais que vous ébaucher, que vous bredouiller et je crains qu'à l'heure de notre confluence nous ne soyons pas en mesure de nous comprendre, mais dissipons cette inquiétude, ne nous attachons guère à ces menues vétilles, dans le cas où notre conversation trébucherait nous n'aurions qu'à nous servir du langage des merles et de l'alizé❞
Aux amours : portrait de l’amoureux en aventurier solitaire des mots et du temps long.
De moins en moins rares sont les livres dont le dispositif expérimental bouleverse nos habitudes de lecture, et c'est très bien. Ni roman ni poème, mais longue phrase qui prend son temps, le savoure même, qui déambule sur une centaine de pages où seules les virgules - à foison - ponctuent un (af)flux hésitant entre romanesque et poétique que rien ne semble vouloir contenir.
Un homme attend une femme qui tarde à venir à lui, mais se sait-elle attendue ?
Loïc Demey écrit l’attente, les minutes qui enflent, le temps qui s’étire et se déplie en une unique phrase. Privée de ces outils minuscules qui d’ordinaire lui donnent sa forme et son rythme, elle n’a de cesse de repousser le point final qui, perfide, mettrait un terme à sa rêverie. Oui, chez Loïc Demey, la phrase rêve et devient la forme incarnée du temps, tout en étant au plus près de ce que Jean-Michel Maulpoix appelle un no man’s time. Pas simple, mais pas contradictoire pour autant !
❝ une sensation ne sera jamais transposable en chiffres et en lettres, la séquence écoulée, dans son intégralité ou partiellement, la suivante débute sans transition ni raison ni ponctuation et pour retranscrire davantage de justesse mon impression même si la recherche d’une exactitude demeure vaine une question pourrait être formulée de cette manière n’ouvrons pas les guillemets préférez-vous que je vous attende ici ou aimeriez-vous que je vous attende ailleurs ne fermons pas les guillemets et allons à la ligne pour entamer un paragraphe ne débutant pas par un alinéa et sans majuscule une nouvelle idée parfoismêmesansespace mais, à bien y réfléchir, les rêveries ne vont pas à la ligne❞
Non, inutile de prendre une grande inspiration, laissez les mots venir à vous, offrez-vous à eux comme on offre son visage au soleil printanier : abandon et ravissement. La phrase rêvasse (le mot n'est certes pas joli mais dit assez bien cette rêverie sommeillante), elle a la lenteur évanescente qui sied à l’attente de cette femme ❝ fantomale❞, et prend des détours, somme toute peu pressée de gagner l'issue. Nulle urgence, nulle logorrhée. La lenteur engourdie fait bâiller le temps, car le plaisir n’est pas que dans l’attente, il est aussi dans les méandres de la pensée, dans ce qu’elle dévoile et ce qu’elle tait.
❝ What matters is precisely this; the unspoken at the edge of the spoken.❞
Virginia Woolf, A Writer's Diary, 21st July 1912
❝ demain vos paroles, votre visage et votre silhouette se seront effacés alors je vous inventerai encore, je vous chercherai encore, je vous attendrai ailleurs et nous nous retrouverons comme si jamais nous ne nous étions quittés, vous serez une autre déambulant dans une nouvelle histoire, la même mais au cœur d’une scène différente que je façonne, inlassablement, jusqu’à ce que vous consentiez à m’apparaître❞
L'écriture de Loïc Demey est une effeuilleuse. Il y a la richesse sensuelle de la langue, dans les mots choisis, dans les adjectifs et compléments de nom qui marchent à leur côté
❝ vos affirmations suffiront à rendre ma nuit placide et l’avenir affable, l’éternité cordiale, cet instant inoffensif, la joie leste et les affres discrètes parce que je doute, Lise, permettez-moi dans le cadre exclusif de cette lettre que je déposerai, ne sachant par l’entremise de quels vents l’expédier et à quels yeux l’adresser, sur le guéridon du vestibule, à côté du téléphone et sous ma clé de voiture, acceptez sans opposer de résistance, parmi les mots impétueux de cette lettre et seulement ici que je vous attribue cette identité exprimant la plénitude et le serment, ce prénom aux consonances de sable mouvant, il vous ira si bien, ma chère Lise, ma bien-aimée Lise, ma Lise évanescente et fugitive❞
dans leur agencement inédit pour demeurer liés à cette femme blonde à la robe aux coquelicots par un précieux cordon de signes
❝ je ne sais rien de vous ne connaissez rien de moi❞
et la faire voyager dans l'❝ univers en émanation❞ cher à Gaston Bachelard.
Cette attente est un moment de calme partagé, un temps d’intimité heureuse, d'une présence malgré l’absence, et l’ébranlement que, malgré tout, provoquerait l’irruption de Lise (joli prénom pour l'hypothétique lectrice de la lettre) dans un processus créatif jalousement gardé.
❝ seul compte et vit ce que mon imagination crée, une feuille de platane descend la rivière, à hauteur de l’îlot le courant l’entraîne à gauche, lui fait prendre ce bras d’eau plutôt que l’autre, la feuille se pose un instant sur la rive puis récupère le cours des flots, vous êtes allongée sur cette feuille et vous considérez longtemps le ciel en déplaçant les étoiles, vous remaniez à votre guise l’agencement des constellations, l’ordre et le tourbillon du cosmos, et je discerne la déraison de votre comportement, invraisemblable, insensé, vous redessinez l’espace et dans mes songes personne n’a le courage ni l’insolence de me contredire, au fil de mes rêveries je règne en créateur, en juge et maître❞
La phrase vague et divague, s’en va même naviguer sur d’autres textes, plus classiques, dont les voix racontent elles aussi les frissons sensuels d’amours improbables, exacerbés par l'attente interminable :
❝ c’était elle, il ne s’était pas trompé, magnifique et rayonnante, la chevelure exubérante, bouclée, un visage harmonieux fait de traits délicats, c’était elle et pourtant tout l’amour qu’il avait accumulé venait subitement de se dissiper, c’était elle et pour elle il ne ressentait rien. Otto Sfortunato era innamorato di un’ombra❞
Ombre ?
Illusion ?
Vide abyssal creusé par cette Arlésienne que Loïc Demey tente de faire venir à lui et qui ne viendra pas, préservant son mystère qu'il eût été dommage de ne pas garder intact. La phrase est partie à l'aventure et le point d’interrogation sur lequel elle vient buter n'est pas un point final. Elle m’a ramenée à l’un des chocs littéraires de mes années d'étudiante, une autre très longue phrase (une soixantaine de pages), lue il y a longtemps, celle de La nuit juste avant les forêts (Éditions de Minuit, 1988). Bernard-Marie Koltès y fait parler un jeune homme qui tente de retenir quelques heures, dans les rets des mots, un inconnu qu'il vient d'aborder dans la rue un soir où il est seul, effroyablement épouvantablement, atrocement seul. C'est d’une poésie crue, douloureuse, âpre, aussi éloignée que possible de la sensualité de la lettre que confie Loïc Demey à la douceur d'❝ un rouleau de papier bouffant❞. Pourtant, comme Koltès avant lui, Demey lance des filets de mots qui palpitent pour que s'y raccroche ❝ l'amour - ce versant escarpé de la solitude❞ (Christian Bobin, L'Éloignement du monde).
Lisez ce texte à voix haute pour connaître la joie d'exprimer toute la beauté de ce voyage intérieur qui parle d'amour autant que de solitude.
Lu dans le cadre de la sélection 2022 des #68premieresfois
https://www.calliope-petrichor.fr/2022/05/13/aux-amours-loïc-demey-buchet-chastel/
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