"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans un club huppé dont l'accès est strictement réservé aux étrangers et à quelques aristocrates locaux, un ancien valet de chambre du roi Farouk assure la fonction de majordome avec une sadique cruauté. À travers l'histoire mouvementée de ce club, l'auteur de L'Immeuble Yacoubian investit tout son talent de conteur pour explorer en profondeur les relations complexes entre dominants et dominés.
Après « L’immeuble Yacoubian », l’auteur nous livre un talentueux récit polyphonique sans répit en s’appuyant sur les faits réels de l’Histoire égyptienne à la fin des années 40, juste avant l’abolition de la royauté. (La république est proclamée en Égypte le 18 juin 1953, succédant au Royaume d'Égypte.)
Alaa El Aswany va créer un grand panel de personnages représentant l’ensemble de la société égyptienne (du roi –Farouk- au plus pauvre des citoyens) dont certains agiront au sein d’un comité révolutionnaire secret (dirigé dans l’Histoire vraie par Nasser) dans le but d’anéantir la monarchie et mettre fin à la colonisation. L’auteur va placer chacun d’eux sur une corde raide avec dénominateur commun, l’Automobile Club d’Egypte, dirigé par les Anglais. Il dresse ainsi un tableau remarquable de cette nation alors sous tutelle britannique.
Les paragraphes relativement courts finissent tous sur une mise en danger, ce qui donne un rythme accéléré et haletant à ce récit addictif de 638 pages. J’ai dévoré ce livre coup de cœur.
L’Automobile Club d’Egypte, au Caire, dans les années 40, toutes les castes sont réunies. Des serviteurs, employés, directeur, dandys anglais, jusqu’aux princes et roi d’Egypte. Tout ce petit monde qui gravite autour de ce club select qui accueille la haute société anglaise et égyptienne se côtoie chaque jour, chacun à un rôle à tenir, sans jamais se connaitre vraiment. Toutes ces vies et leur histoire qui s’entrecroisent forment un ensemble indissociable d’une société en mouvance, vers un changement qui va bouleverser radicalement les valeurs ancestrales de ce royaume entraînant la chute du joug colonial britannique.
Les différences marquées entre les castes, la noirceur que peut contenir l’humanité, le colonialisme et ses dérives, le combat inégal de la femme face à la toute-puissance masculine, que ce soit pour entreprendre des études que pour être maîtresse de sa vie face aux mariages organisés par les familles. Mais surtout les rapports humains merveilleusement retranscris quelques soient le rang ou les origines des personnages.
Dans les années 40, l’Egypte est encore occupée par les anglais qui règnent en maître, comme le font les anglais du Caire sur des armées de serviteurs traités comme des moins que rien par la classe dominante.
Le roi n’est qu’un fantoche. Les anglais ont du mal à considérer les égyptiens comme leurs égaux, ce ne sont que des serviteurs, des laissés pour compte. Les châtiments corporels, les humiliations, les salaires de misère sont leur quotidien. Les femmes sont dominées par des hommes sans scrupules, les serviteurs par des occupants ou des maitres sans humanité, les courtisans par un souverain despote et fornicateur. Et pourtant c’est une époque passionnante de réveil de la nationalité égyptienne. Les jeunes sont prêts à combattre pour libérer leur pays.
L’auteur nous entraine avec bonheur à la suite de ses protagonistes dans les quartiers du Caire chers aux occupants et aux maîtres. Nous les suivons dans les clubs, encore aujourd’hui héritage de cette époque, dans les hôtels, à travers les ruelles populaires du vieux quartier, à la sortie de la mosquée. Nous vivons à leur rythme, bercés par les bruits des rues, des marchés, les odeurs de cuisine ou les parfums des femmes qui étendent le linge sur les terrasses, toute l’ambiance de l’orient ensorceleur est présente au fil des pages. Un très beau moment de lecture.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !