"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Éric vient de laisser Georges, son compagnon, dans une maison de retraite. Georges a la maladie d'Alzheimer et n'est plus gérable au quotidien. Ce placement est donc pour Éric un ultime recours. Pourtant, cet acte qui devait lui redonner un peu d'oxygène produit tout le contraire. L'agitation qui régnait chez eux fait place au vide et au silence, lourd et oppressant maintenant que Georges ne vit plus dans leur appartement.
Comme si ce sentiment n'était pas assez pesant, le directeur de la maison de retraite lui demande de ne pas afficher sa relation amoureuse avec Georges au grand jour, par peur des réactions des autres résidents. D'abord contre, Éric va pourtant laisser cette situation s'installer car comme ils ont une différence d'âge assez importante, les résidents les prennent pour père et fils.
De son côté Georges, déjà très chamboulé par le changement de domicile, perçoit l'éloignement d'Éric sans en comprendre la cause. Plus il se montre démonstratif avec Éric, plus ce dernier le repousse, lui son unique repère dans ce nouvel environnement. Face à ce manque d'attention, Georges se renferme sur lui-même et devient plus agressif.
Thibaut Lambert nous offre là une belle leçon d'humilité.
Il réussit à évoquer admirablement, en un seul ouvrage, quatre sujets sociétaux presque tabous : la démence de la maladie d'Alzheimer, l'isolement des vieilles personnes, les relations amoureuses à différence d'âge importante et l'homosexualité.
Cette histoire en devient ainsi pleinement chargée en émotion.
Le scénario de Thibaut Lambert sur "Au coin d'une ride" :
Thibaut Lambert nous décrit avec une grande modestie une simple histoire d'amour dans toute sa complexité, d'autant plus si plusieurs facteurs sont plus ou moins mal vus ou mal gérés par la société actuelle.
Tout est basé sur un jeu subtil d'émotions fortes, se voulant être maladroitement dissimulées en présence d'éléments externes à la relation.
On devine admirablement bien la gêne du protagoniste principal, Eric, quant aux regards des autres sur lui et sur son compagnon, à travers sa réserve et sa frustration à ne pouvoir exprimer pleinement ses sentiments en public.
De son côté, le deuxième protagoniste, George, est lui aussi superbement bien décrit : Bipolaire comme peuvent l'être les personnes souffrant d'Alzheimer et, en ajoutant à cela, une certaine exubérance et indifférence du à son âge avancé.
Le cocktail formé par ce couple peu commun est ainsi détonnant mais émouvant.
L'auteur nous touche aussi car la maladie (Alzheimer mais aussi d'autres maladies comme cancers et compagnie) qui peut toucher un conjoint est une véritable épreuve à supporter à la fois pour le malade comme pour sa moitié.
Ce genre d'évènement peut avoir des conséquences catastrophiques pour un couple, mais il est révélateur de "vrai" amour. Chaque moitié souffre et supporte l'autre malgré le mal-être.
Et cela peut arriver à n'importe qui....
Outre ces sujets "sérieux", l'histoire est ponctuée de touches d'humour fort bienvenues, à l'image de ces trois petites vieilles commères ou du colocataire André...
Une belle et tendre histoire très humaine !
Le dessin de Thibaut Lambert sur "Au coin d'une ride":
Le dessin de Thibaut Lambert sert habilement le scénario.
Il est simple, au trait épais, parfois grossier (sans connotation négative), semi-réaliste.
L'auteur ne s'embarrasse pas de détails superflus et focalise sa ligne sur les personnages.
Ce choix est évidement judicieux car dans ce scénario tout est question d'émotions et de sentiments, et seuls les protagonistes peuvent les porter...
Bien que l'épaisseur du trait soit bien prononcée, les visages et les gestuelles des personnages sont très expressifs. Les émotions se révèlent... c'est là tout l'art de la suggestion par l'image.
Le lecteur interprète sans même se poser de question. La projection est réussie.
Les couleurs franches et unies apportent un peu de chaleur à cet environnement maussade qu'est la maison de retraite.
Ceci dit, l'unicité (absence de dégradé et variante de tonalité) fige l'image et permet de conserver cependant un certain spleen contextuel.
Il n'y a que peu d'effets ou d'artifices graphiques, le découpage en gaufrier fonctionne bien et la mise en page reste claire et aérée.
En bref, le dessin aussi simple qu'il soit, porte de manière très juste cette romance compliquée.
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