"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
S'il est un mot, un seul, qui traduise au plus juste l'aventure humaine du poète, c'est bien le soleil, la belle lumière. Elle est partout chez lui et sa métaphorisation est infinie. Jusqu'à l'aube naissante d'Arcane 17 et de la Verseuse du matin car le clair ruisseau n'est pas seulement celui qui conduira le corps démembré d'Osiris vers le salut mais aussi, bien plus tard, de façon très concrète cet Odet « si riant, si clair » qui sera à jamais et plus encore que le Lot sa rivière fétiche ! On se souvient du petit « calvaire alchimique » et de son Christ rayonnant, l'ultime « trouvaille » qu'il fit ici, en terre de Bretagne, à Quimper là encore, avant de sombrer dans la nuit.
Et puis il y a cette épitaphe célèbre qui irradie toujours de l' « or du temps » la pierre sombre, le « tombeau » dont l'alchimie avait fait le symbole même d'une « oeuvre au noir » sans laquelle, comme on sait, aucune aurore ne pouvait lever.
Nous évoquions plus haut la passion qu'il nourrissait pour les bénitiers de chevet et la fièvre avec laquelle il collectionna toute sa vie ces petits reliquaires, domestiques et naïfs. Parmi ces appliques murales que l'on accrochait près des lits avec le rameau de buis, sa prédilection allait à une « grande plaque », comme disent les spécialistes, un bel objet polychrome qui mesurait 33 cm c'est-à dire sensiblement plus que les modestes bénitiers populaires qu'on vendait dans les pardons et qu'on trouvait alors dans toutes les fermes de la Cornouaille intérieure.
Il représentait Saint Michel terrassant le dragon et peu importe qu'il s'agisse ici, il ne l'a jamais su, d'un « piratage » dont la faïencerie de Malicorne, dans la Sarthe, était coutumière et pas d'une production de la Grande Maison de Quimper et de ce quartier de Locmaria qu'il aimait. L'essentiel, c'est qu'il l'avait déniché en Bretagne, qu'il l'avait longuement « chiné » et qu'il y tenait comme à la prunelle de ses yeux.
Il était brisé « en mille morceaux », me dira Aube, sa fille, et parmi les quelques trois cents pièces qu'il possédait, à Saint-Cirq-Lapopie comme à Paris, c'est le seul qu'il fit restaurer. C'est aussi le seul que la famille a conservé, l'unique rescapé de la grande diaspora tragique de 2003.
J'ai longtemps pensé que son concurrent laïque, Saint Georges, avec en arrière-plan la belle princesse qu'il vient juste de délivrer, aurait été plus accordé à l'imaginaire de Breton qui préféra toujours les chevaliers aux anges, à l'exception notable de Lucifer, le Porte-lumière. J'avais rêvé d'une sorte de portrait de Breton en Saint Georges libérant allégoriquement la Bretagne captive, avec à ses pieds le dragon du conformisme et de la bêtise, le « grand courbe » de Peer Gynt, l'« unique artisan de l'opacité et du malheur ». Oui, le noble Saint Georges plutôt que l'archange belliqueux qui, le glaive à la main conduit les milices célestes. C'est que Michel est du ciel alors que Georges est de la terre et c'est la terre qu'aimait Breton, la vie terrestre, la seule « avec ses cicatrices d'évasion » mais la Merveille aussi et la chance à courir qui nous attend. Mais la tradition faïencière n'a jamais représenté le beau Saint Georges.
Et puis je me suis dit qu'après tout Michel était aussi le lumineux, le délégué en outre à une certaine justice à laquelle Breton n'était pas insensible même si c'est plutôt vers les hérétiques et les réfractaires que son coeur penchait, un juste tout de même et avec Yves de Tréguier et Santic du le déchaussé, notre petit poverello à nous, le saint le plus populaire de la Bretagne qu'il aimait
MARC LE GROS
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