Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
Je suis le fils ordinaire d'un homme ordinaire. Ceci est parfaitement évident. Mais au fur et à mesure que j'ai approfondi cette réalité, j'ai été convaincu que nous sommes tous le fruit du hasard, et que ce qui a eu lieu dans ma vie, dans celle de mon père, tout a été accidentel. Et pourtant, nous les humains, ne vivons-nous pas en considérant comme la seule réalité possible ce qui n'est après tout qu'un simple fait dû au hasard ?
Quand Murakami avait cinq ou six ans, lui et son père sont partis en vélo abandonner un chat sur la plage. Pourquoi ne pas le garder, que se sont-ils dits, était-ce un moment triste, tout cela, Murakami ne s'en souvient plus. Ce dont il se souvient en revanche, c'est que quand lui et son père sont rentrés à la maison, le chat était là. Et que sur le visage de son père, il y avait de la surprise, de l'admiration et du soulagement.
C'est là un des souvenirs que Murakami partage sur ce père qu'il a si mal connu. Un homme que les différentes guerres avaient changé, qui chaque matin honorait ses morts, qui avait dû renoncer à ses ambitions mais a composé des haïkus jusqu'à la fin de sa vie ; un homme, aussi, qui n'a jamais compris les aspirations de son fils.
Et à travers son père, c'est bien lui-même que Murakami questionne...
Nouvelle intimiste très joliment illustrée par Emiliano Ponzi. A savourer au coin du feu en s’abandonnant à la nostalgie.
Un texte court et émouvant sur la relation entre Murakami et son père. Les illustrations signé Emiliano Ponzi sont magnifiques et offrent au lecteur un plaisir visuel non négligeable. Cela donne en effet plus de consistance et de charme au récit.
Voici une citation qui a retenu mon attention et que je voudrais vous faire partager : « chacun de nous n'est qu'une goutte de pluie, anonyme parmi la multitude de gouttes qui tombent sur une vaste étendue de terre. Juste une goutte. Une goutte unique, qui possède son individualité, mais qui peut être remplacée. Et chacune de ces gouttes a ses propres sensations, elle a sa propre histoire et elle a la responsabilité de transmettre ce dont elle a hérité. Nous ne devons pas l'oublier. » (page 73)
Je vous conseille aussi « L'étrange bibliothèque » (Belfond, 2015) du même auteur. J'ai adoré.
« Abandonner un chat » est un récit autobiographique dans lequel Haruki Murakami évoque son père, et donc, en creux, lui-même aussi. Le premier souvenir qui lui vient à l’esprit et à la plume, c’est celui où, petit garçon, il est parti à vélo avec son père dans le but d’abandonner une chatte à quelques kilomètres de chez eux. Un abandon sans drame ni larmes, mais qui ne les a pas empêchés de se réjouir secrètement quand, de retour à la maison, ils ont découvert que la chatte y était revenue plus vite qu’eux ! L’auteur se remémore aussi la profonde piété de son père, son caractère silencieux et secret, et raconte comment il a cherché à découvrir et comprendre le comportement de celui-ci pendant la guerre sino-japonaise puis la deuxième guerre mondiale.
Tout en pudeur, il nous parle aussi de ses propres regrets de s’être éloigné de son père à l’âge adulte, de leur incompréhension mutuelle, de leur incommunicabilité pendant des dizaines d’années.
En 80 pages, difficile d’analyser en profondeur cette relation, qui au final n’est qu’effleurée, et c’est peut-être dommage. Il en reste un texte, joliment illustré par E. Ponzi, touchant, simple et délicat, qui ébauche le portrait sincère et nostalgique de ce père qui aura toujours été en partie inaccessible.
Cette fois-ci c’est un texte court mais beaucoup plus intime que nous livre Murakami, puisqu’il y est question de son père.
A travers ce récit, l’auteur essaie de retracer une partie de l’histoire de son père et d’expliquer les raisons de la relation compliquée qu’il entretenait avec lui.
Tout commence avec des souvenirs de moments ordinaires, ceux qui finalement marquent, comme cette anecdote du chat qu’un jour ils ont abandonné sur une plage et qu’ils ont eu la surprise de retrouver à leur retour à la maison…
L’auteur s’interroge sur la succession d’évènements qui l’amènent à ce qu’il est aujourd’hui, à commencer par son père, qui, s’il n’avait pas bénéficié d’un heureux coup du destin, aurait très probablement été victime de la guerre avant même de se marier et de devenir père.
La réflexion se porte aussi sur les changements que la guerre peut opérer à jamais dans la vie des personnes l’ayant vécue et l’impact qu’elle peut avoir sur leurs proches.
Tout au long de ma lecture, j'ai eu ce sentiment de proximité, l'impression de m'être assise sur un banc, sous un arbre avec l'auteur et d'avoir écouté ses confidences.
Un texte intime, superbement illustré par Emiliano Pouzi qui ravira les fans de l’auteur.
On pourrait, à propos de ce livre, se calquant sur la formule (célèbre et laconique) « boy, meets girl » dire (simplement) « man remembers father ». Oui, mais voilà, l’homme en question est l’écrivain Murakami, et l’hommage qu’il rend à son père décédé, fouillant comme tant d’autres avant lui ce rapport si particulier, est empreint des qualités qu’on lui connaît : sensibilité, nostalgie, acceptation de l’inévitable, sentiment de l’irréversibilité des choses et de leur caractère fortuit.
Ce récit autobiographique est également le portrait d’un pays, le Japon (où, comme dans les illustrations proposées, tradition et modernité se côtoient), la trajectoire personnelle étant indissociable du destin national, l’histoire privée indissolublement liée à l’Histoire...
« Un fragment anonyme de l’histoire »
Les références y sont constantes à l’écriture puisque Murakami père a été un grand poète, auteur de très beaux haïkus.
« Un jour, il a organisé une excursion dans les montagnes de Shiga, là où se trouve le temple Ishiyama. Nous nous sommes arrêtés dans un vieil ermitage où, dit-on, le poète Bashō avait séjourné un certain temps. Là, mon père a animé un atelier de haïkus. Cette scène, qui s’est déroulée durant un après-midi, subsiste, je ne sais pas très bien pourquoi, claire et vivante, dans ma mémoire. »
Des poèmes-cris époustouflants dans un monde où l’on n’avait pas le droit de s’ériger contre la guerre…
« Oiseaux qui migrent
Ah, où vont-ils
Vers mon pays sans doute
Être un soldat être un moine
Les mains jointes en prière
Et rejoindre la lune »
« Voilà ce qu’est l’histoire : une réalité froide et unique parmi une myriade d’éventualités. L’histoire n’appartient pas au passé. C’est quelque chose qui coule comme du sang chaud et vivant à l’intérieur de la conscience ou de l’inconscient et qui, inévitablement, se transmet à la génération suivante. »
« les résultats dépassent les causes, les absorbent, les neutralisent. »
Murakami part d’un souvenir frappant de jeunesse pour rédiger ce texte, pour notre plus grand plaisir. Il insiste sur le fait qu’il s’agit d’ordinaire, lui qui nous a habitués à l’extraordinaire :
« Il s’agit plutôt de scènes parfaitement ordinaires de la vie de tous les jours. »
C’est à partir de ce quotidien ténu, de ces observations « minuscules », de ces micro événements, que l’auteur tisse la trame de ce témoignage plein de pudeur et de tendresse (on imagine bien ces deux-là, maladroits dans leur affection, côte à côte, se parlant peu – les mots sont employés ailleurs) et, comme dans ces brefs poèmes, par petites touches qui vont droit à l’essentiel. Ni reproches ni regrets, si ce n’est comme toujours peut-être de n’avoir pas osé, pas pu dire à nos disparus à quel point on les aimait.
L’étrange pourtant, comme toujours, n’est jamais très loin. Les thématiques chères à Murakami de la mort, du sens de la vie, de l’impuissance, de l’admiration, du mérite, de la filiation et du soulagement sont présentes. Les symboles, tels que la lune, nous rappellent aussi son œuvre immanquablement.
« (...) nous sommes tous le fruit du hasard, et (...) tout ce qui a eu lieu dans ma vie et dans celle de mon père a été accidentel.
Et pourtant, nous, les humains, ne vivons-nous pas en considérant comme la seule réalité possible ce qui n’est après tout que le simple fait du hasard ? Autrement dit, chacun de nous n’est qu’une goutte de pluie, anonyme parmi la multitude de gouttes qui tombent sur une vaste étendue de terre. Juste une goutte. Une goutte unique, qui possède son individualité, mais qui peut être remplacée. Et chacune de ces gouttes a ses propres sensations, elle a sa propre histoire et elle a la responsabilité de transmettre ce dont elle a hérité. Nous ne devons pas l’oublier. Même si nous perdons notre moi individuel pour être englobés, effacés dans un collectif. Je devrais plutôt dire précisément parce que cette individualité est remplacée par du collectif. »
Une plongée somptueuse dans le vide – et le trop-plein – laissé par l’absence, irrémédiable puisque même « les souvenirs ne sont pas fiables ». Cet abandon, posé dès le titre, est irrémissible.
Et pourtant, quelque chose reste, qui apporte une certaine sérénité.
Un texte puissant, tout en douceur et profondeur qui nous parle et nous touche. Un grand Murakami.
#HarukiMurakami #NetGalleyFrance
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...
J'apprécie énormément les romans de Murakami, et voilà un billet qui me donne envie de découvrir ce livre