"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dès le réveil, été comme hiver, le temps parisien entre par la fenêtre du Narrateur, frontière entre le monde et l'intime. «Ce fut surtout de ma chambre que je perçus la vie extérieure pendant cette période.» Car, profitant d'une absence de sa mère, il a installé chez lui la femme aimée, Albertine, passagère clandestine qu'il tient cachée et surveille à chaque sortie, dans la crainte qu'elle lui préfère tel autre homme ou telle femme. Comment la retenir ? Faut-il dorer la cage du bel oiseau, cadeau après cadeau, dans une débauche de luxe ? Renoncer pour elle à sortir, à voyager, à vivre, en se consumant d'une jalousie sans objet ? Fou d'amour et de douleur, il se fait peu à peu le prisonnier de sa prisonnière. Tandis qu'Albertine devient la geôlière de son geôlier. L'amour est-il la valse mélancolique de deux victimes consentantes ? Dans ce magnifique roman introspectif paru en 1923, Proust développe magistralement sa vision de la jalousie, corollaire nécessaire de l'amour. Cet extraordinaire huis-clos est le récit d'une passion démesurée, qui se dévore elle-même. La Prisonnière offre l'une des plus belles réflexions de la littérature sur l'impossibilité de l'amour, pourtant éternellement recommencé.
Une relation amoureuse toxique dans tous ses états.
Au retour de Balbec, malgré l’avis négatif de sa mère, le narrateur invite Albertine à loger dans une chambre de son appartement parisien en l’absence de ses parents.
Il va tomber maladivement jaloux de cette jeune fille moderne et libre qu’il soupçonne d’avoir des relations amoureuses avec des femmes et va la faire chaperonner par leur amie Andrée lors de ses sorties. Albertine l’obsède. Chez lui, elle l’empêche de travailler et dehors il ne sait plus réfléchir et ne pense qu’à elle. Il finit par douter de son amour pour elle mais plutôt satisfaire son égo à la posséder. Dû aux multiples suspicions à l’égard de son amoureuse, il pense mettre fin à leur relation mais en vain. Il n’a de cesse de la combler de cadeaux somptueux et l’habiller des onéreux vêtements de chez Tiffany pensant ainsi l’attacher à lui mais lors des soirées passées chez lui il continue à détecter des mensonges.
La lecture de cette relation étouffante vint m’étouffer à mon tour quand enfin l’auteur ouvre une porte de sortie en retournant vers des personnages connus de la Recherche.
Albertine devait se rendre chez les Verdurin mais doutant que ce fut pour y rencontrer la fille de Vinteuil, le narrateur manigança pour qu’elle se décommande et reste à la maison. Il se rendra tout seul et en secret à cette soirée où le baron de Charlus fait jouer la sonate de Vinteuil par son amoureux Morel.
On y apprendra la mort de Swann, de Cottard et de Mme de Villeparisis.
Charlus toujours aussi vaniteux et imbu de sa personne de haut rang aristocratique s’approprie le succès de cette soirée ce qui n’est pas du goût des hôtes Verdurin ambitieux de reconnaissance sociale et jaloux d’être ignorés.
Mme Verdurin va en aparté faire croire à Morel les pires horreurs sur le compte du baron Charlus et le danger pour la réputation du jeune homme à fréquenter un tel malfrat. Morel la croit et rompt immédiatement.
Jouet du mauvais tour que lui ont fait les Verdurin, le baron secoué, reste hébété sous le coup de cette incompréhensible et brutale rupture. Sans réponse, il s’effondre comme un enfant et appelle à l’empathie car on découvre une âme sensible et tendre cachée derrière la façade de cet homme que rien ne semblait pouvoir ébranler.
De retour à l’appartement, le narrateur se fâche avec Albertine l’accusant de mensonges dont elle se défend ou dont elle explique le bien fondé en les avouant. Le narrateur décide la séparation mais finit par se raviser et continue à la combler de cadeaux en pensant lui acheter un yacht.
Albertine va cesser de sortir et se soumettre. Elle écoutera patiemment son amoureux disserter pendant des heures sur des sujets littéraires dont particulièrement ses riches analyses sur Dostoïevski.
Elle, qu’il dévalorise et culpabilise, va le surprendre avec ses connaissances en matière de peinture. Mais le répit sera de courte durée. Resté jaloux et fort de l’effet de son autorité pour faire d’Albertine sa chose, il va réitérer un éclat menaçant de séparation.
Confiant de sa main mise sur une Albertine docile et obéissante, il va définitivement en faire sa prisonnière la pensant incapable de le quitter.
Cette nuit-là, il entend la fenêtre de la chambre s’ouvrir. Elle respire l’air fais de la nuit.
Le lendemain à son réveil, la domestique Françoise annonce : « … à neuf heures, elle est partie. »
C’est un grand livre sur les amours compliquées qui met à nu tous les sentiments s’y rattachant et l’atmosphère qui s’en dégage.
NB. Dans ce 5eme tome on apprend fugacement que le narrateur se prénomme Marcel et que le narrateur est l’auteur…
Le texte sent tellement le vécu qu’il n’y a qu’un pas pour penser à la relation que Proust a eu avec Agostinelli.
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