Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
4 juillet 1989. Les moteurs d’un avion de chasse soviétique s’arrêtent en plein vol au-dessus de la Pologne. A peine le pilote s’est-il éjecté que les moteurs redémarrent. L’avion, en pilotage automatique, continue son chemin, franchit le Rideau de Fer et viole pendant plusieurs centaines de kilomètres l’espace aérien occidental, finissant sa course, à court de carburant, sur une maison de Kooigem, petit village de la campagne flamande près de Courtrai.
Bilan : un jeune homme tué au sol et, en pleine guerre froide, un conflit Est-Ouest évité de justesse.
Ce fait divers réel n’est pas le sujet principal du roman, mais lui sert de toile de fond. S’il s’attarde dans les premières pages sur ce qui se passe dans la tête du pilote pendant son parachutage (souvenirs d’enfance, réflexions sur la politique made in USSR), dans la cellule de crise d’une base belge de l’OTAN (où les oppositions partisanes entre démocrates et conservateurs US prennent le pas sur l’urgence de la situation) et dans la rédaction d’un journal bruxellois (où un journaliste s’oppose à son rédac’ chef plus intéressé par le profit que par l’info de qualité), Tom Lanoye braque la focale sur Vera qui, au même moment, découvre brutalement que son mari la trompe depuis un an avec une jeunette de la moitié de son âge (et qui, accessoirement, est une ex de leur fils).
Désastre familial banal versus incident qui aurait pu déclencher une troisième guerre mondiale, dans ce roman, la petite histoire téléscope la Grande. Et dans les deux cas, c’est tout un monde qui s’écroule à sa propre échelle.
Avec un sens aigu de la psychologie et son humour noir et grinçant, Tom Lanoye tire le portrait d’une famille petite-bourgeoise de la Flandre provinciale, et se moque allègrement des jeux de pouvoir politique ou médiatique. Avec un brin de nostalgie, il renvoie ses personnages à leurs souvenirs et à leurs désirs : qu’ont-ils donc fait de leurs rêves ?
Un roman tragi-comique où l’on découvre « comment les hommes vivent, en Flandre ou ailleurs, en attendant que le monde vole en éclats ».
#LisezVousLeBelge
Un texte pour une femme, seule en scène, seule au monde, seule en enfer. Un jeune homme a commis un attentat au gaz asphyxiant, 184 morts, lui aussi, abattu par la police. La femme qui parle, c’est sa mère. Elle raconte son fils, sa naissance, son enfance, son adolescence. Elle l’a élevé seule, comme elle a pu, avec peu de moyens mais avec amour et dignité. Mais quelque chose a mal tourné. Et là, elle cherche à comprendre ce qui lui a échappé. Lucide, elle se demande : pourquoi lui, pourquoi elle, qu’a-t-elle fait de mal, qu’aurait-elle dû faire, dire, éviter, taire ? Pourquoi son fils s’est-il radicalisé, lui, et pas un autre ? Des questions sans réponse, une souffrance sans fin, une double ou triple peine : son fils est un monstre, il est maintenant un cadavre et elle, quoi qu’il en coûte, elle est et reste sa mère, pour l’éternité.
Ce court texte est une commande faite à Tom Lanoye pour la commémoration du centième anniversaire de la première utilisation du gaz de combat pendant la Première Guerre mondiale en 1915, près d’Ypres en Belgique (d’où le nom du gaz : ypérite). Ce monologue a été joué pour la première fois le 17 avril 2015, soit avant les attentats de Paris et de Bruxelles. Étrangement prémonitoire, donc, et cela ajoute à sa force. Avec une économie d’effets et d’artifices, il met à nu cette femme, cette mère, et incise directement, jusqu’au cœur et à l’os, pour en extraire un mélange complexe d’amour, de douleur et de culpabilité, qui peut par moments mettre mal à l’aise. Un texte sobre, beau, émouvant et très puissant.
J’ai beaucoup hésité avant de lire ce livre. Parce que l’auteur y parle de sa mère qui, après une attaque cérébrale, ne s’exprime plus que dans un baragouin incompréhensible et qui, au fil du temps et d’autres attaques en série, est lâchée par son cerveau et par son corps, et tout ce que cela suppose d’humiliation. Parce que ma propre mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis plusieurs années et qu’elle ne s’exprime plus désormais que dans un baragouin dans lequel on parvient de temps en temps à reconnaître un mot ou un bout de phrase, et que son cerveau l’a lâchée sans espoir de retour, avec ce que cela implique en perte d’autonomie et donc de dignité (mais « heureusement », elle ne s’en rend plus compte), et sans compter, pour l’entourage, le déni d’abord, la révolte ensuite, puis la tristesse, mais pas l’acceptation. Bref, je me demandais si ce bouquin allait remuer le couteau dans la plaie. Pourtant je l’ai ouvert, lu, et je ne le regrette pas.
Tom Lanoye y raconte à la fois l’histoire de sa mère et l’histoire du livre lui-même et des difficultés qu’il a eues pour seulement arriver à en commencer l’écriture.
Josée, sa mère, est bouchère et comédienne de théâtre amateur à Saint-Nicolas (Sint-Niklaas), petite ville de la province d’Anvers. Commerçante et actrice, elle est une femme et une mère théâtrale, psycho-rigide, écrasante, qui n’hésite pas à jouer du chantage affectif sur ses enfants, feignant angoisse et désespoir dès que l’un d’eux dépasse de cinq minutes la permission de minuit. Autoritaire, fière, à la fois généreuse et « près de ses sous », obsédée par le qu’en-dira-t-on, elle-même n’a pas sa langue en poche et possède un art consommé de la répartie. Un sacré personnage, jusqu’au jour où elle est victime d’un AVC, perd ce qui la caractérisait, l’art de la parole, et décline peu à peu, malgré quelques périodes de rémission.
L’histoire du livre, c’est celle de la pression ressentie par l’auteur, de la part de sa mère d’abord : « tout de même, à quoi ça me sert d’avoir un fils écrivain célèbre si je ne suis même pas le personnage d’un de ses livres? Quelle ingratitude, de quoi j’aurais l’air ? » Déception pour elle puisqu’il n’écrira pas de son vivant. Pression de son père, après la mort de Josée, qui aurait tellement aimé voir son adorée ressusciter dans les pages d’un « beau gros livre ». Déception bis, Tom Lanoye ne commencera à écrire qu’après le décès de son père, deux ans après. Parce que « La vie de ma mère ne pouvait se décrire sans la sienne et inversement. C’est ainsi que ça se passe avec ces foutues amours éternelles, ces vies inséparables d’un temps révolu.[…] Avant que naisse le livre qu’il attendait si passionnément, il fallait qu’il la suive. Sa fin était l’un des chaînons de ce qu’il aurait lui-même aimé lire et partager, avec des baisers et des apéros en échange. « A ta santé, ma petite femme ! » ». Parce que « Ecrire, c’est détruire, faute de mieux. C’est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Ecrire, c’est chasser de son souvenir ».
Je ne regrette pas cette lecture, malgré quelques scènes poignantes, qui réveillent de pénibles échos. Mais Tom Lanoye ne fait ni dans le pathos, ni dans l’angélisme, il raconte la vie comme elle est, avec ses montagnes russes, et les gens comme ils sont, qualités et défauts, doutes et certitudes inclus, il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ? Et puis (ça ne parlera sans doute qu’aux Belges), mention spéciale à ce parler de chez nous (et au traducteur qui l’a si bien rendu en français): en lisant j’entendais dans ma tête ma grand-mère et ma marraine et leur patois flamand, bien loin du beau néerlandais du dictionnaire. Réaliste, truculent, pudique, tendre, nostalgique, plein de belgitude et écrit avec une grande justesse de ton, ce livre est un hommage très touchant de l’auteur à ses parents. Et pour moi, une belle découverte.
J'ai déjà lu et beaucoup aimé un livre de Tom Lanoye dans le même temps que je le découvrais avec Troisièmes noces. Ce livre sur le passage de l'enfance à l'adolescence est comme l'autre, Tom Lanoye ne se censure pas, il aborde tous les points : l'amour, la masturbation, l'éveil au désir, l'homosexualité, la religion, ... Certains comme l'église en tant qu'institution ne sont pas épargnés, ni les gens de la classe moyenne qui veulent flirter avec ceux de la classe supérieure, ce qui était vrai à l'époque l'est encore aujourd'hui dans certaines villes, comme par exemple celle dans laquelle je vis où tous les notables et ceux qui veulent faire partie du sérail inscrivent leurs enfants dans les écoles privées à grand renfort de sommes considérables versées (une manière de déculpabiliser sûrement) et de contre-vérités rabachées -"ils sont mieux encadrés", "ils font moins de bétises", "ils étudient mieux", "on ne les laisse pas faire n'importe quoi", j'en passe et des encore plus gratinées tout autant que pures inepties ; je pourrais être très virulent sur le sujet, je préfère laisser la place à Tom Lanoye- : "Même si elle possède parfois moins de poids financier que les ouvriers qu'elle hait, la classe moyenne se damnerait pour pouvoir accéder à la bourgeoisie et si elle n'atteint pas ce but dans sa vie, c'est à sa progéniture de franchir le pas dans une vie future. La traite tirée sur cette vie future est l'éducation qu'elle achète dès maintenant pour ses descendants." (p.57),
Mais ce qui est tout le long du livre le sujet le plus important, c'est bien sûr la découverte de l'amour et du désir. Z. est attirant sans le savoir et même sans le vouloir, et Tom découvre sans s'inquiéter et sans questionnement particulier son amour pour les garçons, pour un garçon. C'est ce qui m'a surpris un peu cette absence de questionnement : dans les années 70, l'homosexualité n'était pas autant exposée que de nos jours, mais peut-être l'auteur a-t-il voulu juste parler de sa puberté, de ses attirances comme il aurait pu le faire s'il avait été hétéro, ce qui est à bien y réfléchir une bonne chose, c'est lorsque l'on ne se posera plus la question des différences qu'enfin on s'acceptera tous.
Toujours bien écrit, simplement, directement, ce bouquin est sérieux mais recèle quelques touches d'humour, comme lorsque Tom se décrit comme le stéréotype du Premier de la classe C'est un bouquin qui tout en étant direct est sensible et délicat, tendre et un brin nostalgique. Tom Lanoye nous prend nous lecteur en témoin de son enfance et nous demande même en final, de "participer" à son livre en remplissant nous aussi notre boîte en carton, celle des soivenirs que l'on garde précieusement en nous.
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