"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un village de montagne proche de l'Italie.
Une violente tempête de neige démarre.
La fille du maire vient d'être retrouvée violée et assassinée.
Un étranger est arrivé au village avec son chien.
L'assassin ne peut être que lui, et, sous l'impulsion et la haine du maire, l'étranger est en voie d'être lynché.
Deux gendarmes bloqués par la tempête se réfugient dans la mairie avec l'étranger.
Bon, l'histoire me semble un peu improbable pour se dérouler de nos jours.
Les personnages sont caricaturés à outrance.
Des montagnards frustres, haineux, ne vivant que dans l’entre-soi.
Qui n'est pas natif du village est un ennemi.
L'affrontement entre le maire et les gendarmes tournant à une véritable guerre, improbable aussi.
Les descriptions chargées et ampoulées des lieux me font penser aux rédactions que l'on devait fournir autrefois à l'école, avec un maximum de vocabulaire et des tournures de phrases originales.
Trop c'est trop.
Bref, je n'ai pas été convaincue par ce roman, mais c'est très personnel et n'engage que moi.
C’est l’hiver. Un marcheur, sac à dos et chien, arrive dans un bled de montagne bien paumé pas très loin de l’Italie où il veut se rendre. La neige tombe à gros flocons et ce qui se prépare, c’est une tempête, une vraie, la pire de toutes. Il doit très vite trouver refuge pour lui et sa bête. Personne dans les rues de ce bled sans âme. Il se réfugie dans un café. Le patron n’est pas bien bavard. Il n’aime pas trop les étrangers surtout s’ils sont un peu basanés. Il lui conseille quand même d’aller passer la nuit à la ferme Arc-en-ciel où se trouve une bergerie. La nuit sera terrible…
La seule patrouille de flics qui traîne encore dans le coin a hâte de redescendre dans la vallée. Mais avant de partir, ils ont bien envie d’aller acheter quelques fromages de chèvre à la ferme Arc-en-ciel, paraît qu’ils sont très bons ces fromages... Faudrait quand même pas perdre trop de temps… Ils risqueraient de le regretter….
Allez, je me tais. J’ai adoré ce roman dans lequel l’atmosphère est particulièrement bien rendue grâce à un travail d’écriture exceptionnel. Franchement, c’est assez rare dans un roman policier de lire une évocation aussi vive et impressionnante des lieux. En effet, le paysage est presque le personnage principal de l’histoire tellement les descriptions sont saisissantes et l’atmosphère terriblement oppressante. On est plongé dans une tempête apocalyptique qui va retenir prisonniers dans un huis clos effrayant des gens qui se haïssent.
Cette tempête semble être la métaphore des tourments de certains, des haines qui les torturent et des souffrances intérieures qui les dévorent.
La pire des tragédies va avoir lieu. Et croyez-moi, vous êtes loin d’imaginer le degré de cruauté dont certains hommes sont capables par ignorance, bêtise et préjugés stupides ! Coupés du monde, les hommes deviennent des fauves. La justice, ils la font eux-mêmes ! Tout est permis… Le village devient alors le microcosme d’une société xénophobe et raciste renfermée sur elle-même, toujours prête à désigner du doigt des coupables et à user de la violence pour faire disparaître les boucs émissaires. La noirceur de l’âme humaine n’est pas belle à voir… C’est un gouffre sans fond… Effrayant...
Avec en sus un petit côté western pas piqué des vers… Faites gaffe de ne pas vous retrouver nez à nez avec une Winchester modèle 1894 calibre 30-30 ou un Colt modèle 1911 calibre 45. Ça fait des gros trous ces petites choses-là !
Si vous aimez les flics qui lisent Hugo et apprécient la poésie, allez-y, ce roman est fait pour vous !
Un prix Landerneau Polar 2024 archi-mérité !
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L'histoire
À la frontière des Alpes italiennes et françaises, le village de Tordinona est l’isolement incarné. Voyant la tempête qui se prépare là-haut, la patrouille de gendarmerie composée de Marcus et Nadia s’apprête à redescendre dans la vallée quand le garde champêtre du village découvre le corps de la fille du maire. Dès le lendemain, alors que le seul pont reliant le village au reste du monde a été détruit par une avalanche, le maire et une partie des villageois s’en prennent à un voyageur de passage qu’ils soupçonnent d’être l’assassin. Attachés à leur devoir, Nadia et Marcus s’opposent à leur haine et à leur désir de se faire justice. La tension ne cesse de monter, et avec elle, une question qui traverse les âges : que reste-t-il de notre humanité quand il n’y a (presque) plus personne pour faire respecter la loi ?
Mon avis
Un magnifique moment de lecture. La plume est poétique, le rythme est vif et dynamique, l'écriture est ciselée, l'atmosphère saisissante et le récit grandiose.
Un huis-clos dantesque où le mal règne quand le fragile vernis de la civilisation se dissous piétiné par une bande de villageois xénophobes et consanguins.
Quand la situation bascule dans le chaos, le courage peut-il être développé ou la lâcheté guérie ?
De neige et de vent », crépusculaire, vertigineux, dans les boucles d’une nature indomptée, hivernale, d’une beauté surprenante. C’est un roman sidérant de maîtrise, contemporain, sombre et tempétueux.
Un décorum emblématique, l’atmosphère à l’instar d’un brouillard épais. Ici, le reflet des noirceurs de l’âme humaine.
L’intensité d’une histoire, qui attire les torpeurs manichéennes. L’ombre et la lumière, la dualité et les disparités.
Les gravités sourdes et sournoises, des faillites sociétales. Bien au-delà d’un récit captivant, l’adrénaline fois mille, les signaux vifs des vulnérabilités. Le passage à l’acte sur un fil de plus en plus mince, où tout peut vite basculer dans l’épaisseur des paysages.
Aux lisières qui retiennent immanquablement les désenchantements, les jalousies, les rêves blessés, les affres intestines. Ce qui diffère du vertigineux et de l’enchantement.
Ne pas oublier que : « L’homme est un loup pour l’homme » selon Hobbes. Ici, tout prend sens.
Dévorant de messages, efficace, ce récit bouscule avec évidence et rigueur, le point d’altitude de la sérénité.
Le village de Tordinona est lui aussi un protagoniste central de ce huis-clos.
C’est une mise en abîme finement politique, sociétale, et sociologique. Une plongée dans le microcosme des préjugés prégnants. Entre la violence, la radicalité des a priori.
« C’est un vent féroce. C’est un hurlement. C’est un lieu perdu. La bise violente une armée de flocons affolés. Une silhouette se dessine à peine. »
Un voyageur des hasards, l’étrange (er), arrive subrepticement dans ce village où d’aucuns n’échappent aux virulences du rejet de l’autre. Qui, du regard, de l’hostilité, guetteurs (euses) des ombres.
Défendre le territoire, l’exigence de tranquillité. Il est ici. Cet homme. Victor Pasquinel.
« Ça fait des années qu’il marche à travers la France, et aussi en Italie. C’est là-bas qu’il veut se rendre. »
La tempête s’élève, insidieuse. Le vent tourne. Il fragilise, embrase et se métamorphose, insensible et irrémédiable.
L’écriture coopère avec ce temps des vulnérabilités.
« Les flocons jetés contre le visage de l’homme deviennent des balles cinglantes. »
On ressent le tumulte des neiges chahutées, l’effroi presque gémellaire avec ce qui va advenir d’implacable.
La langue d’une trame sublime, qui happe entre la fureur et le calme. Elle laisse surgir les profondeurs obsédantes dans une orée d’une nature writing majestueuse. Victor Pasquinel se dirige vers la ferme des jeunes marginaux. Des néoruraux, dont les villageois se méfient. Tout est mêlé, au corpus des éléments. Dans un même tempo, Orazio prévient le maire qu’un drame vient de se produire. Basile Gay, le maire, un homme xénophobe, anti-héros, rude et pervers, apprend de plein fouet qu’il s’agit de sa fille. Ils vont auprès d’elle. Le maire comprend que sa fille a été assassinée.
C’est le basculement dans le chaos. L’électrochoc qui va enclencher les haines et le vertige glacé des similitudes avec notre monde. Un absolu de rage, une scène au ralenti, filmique, irrévocable. L’hostilité ténébreuse et le froid qui gerce les cœurs. Tout est lié au délitement de ce village dont les frontières mentales vont être un exutoire de rejet.
Victor Pasquinel est soupçonné. Ce ne peut être que lui. Les frontières entre l’Italie et la France, le cœur des Alpes est foudroyé. L’unique pont qui relie le village du reste du monde vient de s’écrouler sous une avalanche. Prémonition. Le piège tarentule devient une parabole. On ressent d’emblée les déchirures d’un village où l’ambiance délétère est l’idiosyncrasie d’un racisme aux abois. Un village, emblème de faux-semblants, des hypocrisies, d’un racisme, celui du maire qui dirige les habitants d’une poigne de fer. Un gourou. Les anciens contre les justes arrivés. Le liant ne prend pas. Un village où d’aucuns est une cible. Une cabale est lancée. L’étau se resserre. Nadia et Marcus, sont les deux seuls policiers de ce village damné, virulent et prêt à imploser. Ils vont faire bloc contre le maire et ses acolytes qui accusent d’emblée Victor.
« La malédiction de ce lieu est le manque, le manque d’amour et le manque de mots. Il n’y a que le vent, qui ne fait jamais que passer, pour pousser son hurlement et enfeindre la règle de la saison froide et muette. »
« Et peu importe le prix à payer. Ce qui compte, c’est assouvir ses bas instincts et ses passions tristes. »
« De neige et de vent » est un huis-clos palpitant et lucide. La nature signifiante peinte avec l’art des mots de Sébastien Vidal. C’est un livre charnel, magnétique.
« Nous avons tous un destin, mais nous avons le libre arbitre. »
Un roman profondément humain, fulgurant et hypnotique.
Une canopée ténébreuse qui tient en haleine jusqu’à l’apothéose du point final. Publié par les majeures Éditions Le Mot et le reste.
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