"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J'ai choisi ce livre pour son titre et pour sa belle couverture, où une jeune femme avec un foulard rouge dit chut.
Mais que va nous raconter ce texte ?
L'auteur va nous parler d'un homme ordinaire, ordinaire (!!!) pas tout à fait car il travaille dans un crematorium à Moscou. Et il est emprisonné et interrogé. Nous allons apprendre comment fonctionne l'administration russe, soviétique.
Ce texte parle de la banalité du mal, à travers les interrogatoires, les lettres que le Kermalator envoie à sa douce.
Ce texte est glaçant et de plus, tout est vrai même si l'auteur a préféré faire un roman. Glaçant car d'une cruelle actualité lorsque nous entendons certaines informations provenant de Russie et d'Ukraine.
Même si cette lecture est éprouvante, cela parle d'un pan de l'histoire et nous alerte de rester vigilant.
Je vais lire les autres textes de cet auteur.
#Kremulator #NetGalleyFrance
C'est un autre des titres qui me tenait à coeur de lire : son auteur, Sacha Filipenko, Саша Филипенко, est un écrivain d'expression russe mais d'origine du Bélarus, plus précisément de Minsk sa capitale, qui l'a vu naître. Les Éditions Noir sur Blanc nous révèlent qu'en tant qu'opposant à Poutine et à Alexandre Loukachenko, président du Bélarus, Sacha Filipenko a dû quitter la Russie en 2020 pour vivre aujourd'hui en Suisse. Après les manifestations qui ont suivi l'élection présidentielle de 2020, Filipenko est devenue l'une des voix du mouvement de protestation biélorusse en Europe. J'ai envie de dire qu'avant même de le lire, on apprécie déjà son auteur. Si dans le fils perdu publié précédemment, il évoque son pays natal, ici, il choisit de revenir sur un personnage passé bien inaperçu dans l'infinité des pages de l'histoire soviétique qui n'en reste pas moins une figure peu commune, par la trajectoire de vie qui fut la sienne : Piotr Ilitch Nesterenko.
La forme choisie pour narrer l'histoire de sa vie est tout aussi peu ordinaire : l'auteur s'en explique en préambule, il a choisi la forme de différents interrogatoires – dans une première partie – pour refaire le fil de sa biographie, alors qu'il a été arrêté et emprisonné, accusé d'être un ennemi d'état. À mi-chemin entre fiction et récit biographique, l'histoire de Piotr Nesterenko est celle d'un Russe blanc, qui a tout essayé pour sauver sa peau, loin de l'autoritarisme soviétique, un homme peu scrupuleux, qui pourtant a péché par amour. Kremulator, c'est ce tout premier directeur du crématorium de Moscou qu'était Piotr Nesterenko lorsqu'il fut arrêté en raison de l'article 58, sanctionnant les contre-révolutionnaires. Kremulator, c'est aussi cette allusion à peine cachée au Kremlin, c'est la machine qui finit de broyer les os des êtres humains incinérés qui subsistent encore au milieu des cendres, c'est pour Sacha Filipenko, la métaphore ultime pour désigner le pouvoir soviétique.
Automne 1941, Nesterenko est arrêté, incarcéré, interrogé. Sacha Filipenko donne la voix à son personnage, son Kremulator, qui raconte les événements en s'adressant à ce que l'on devine être la femme aimée, depuis son arrestation, ses interrogatoires de ce fidèle au pouvoir, le citoyen directeur Perepelitsa. le tout entrecoupé de réminiscences de sa famille, son enfance, de ses origines et d'un passé qu'il a fui à travers l'Europe et qui a fini par le rattraper. le destin de Nesterenko est une parfaite illustration du système soviétique, de son fonctionnement, son totalitarisme : le besoin de recourir aux néologismes, Kremulator, totalgique, démontre de cette impossibilité à définir de façon satisfaisante la dimension de ce que fut le système. Il faut inventer, unir deux notions en une seule expression, pour donner plus de puissance, à l'image de tous ces corps incinérés, à la chaîne, sans plus de soin ou d'intérêt, comme si derrière ces corps, il n'y avait pas eu d'existence, des proches attachés à lui. Et comme on peut souvent le lire, l'auteur utilise la dérision à travers un Nesterenko désabusé pour répondre à l'interrogatoire du camarade-enquêteur, au système, au destin qui s'apprête à être le sien, à l'ineptie globale. On ne peut pas ne pas penser aux camps allemands, aux fours crématoires, en parallèle des interrogatoires du Kremulator, qui parle de sa tâche sur un ton très détaché, sans oublier les détails sordides sur le fabricant de ces fours qu'ils ont morbidement en commun avec les Allemands. Il semblerait que plus l'on tombe dans le détail inutile et superflu, plus ces derniers participent à accentuer l'horreur de la situation. Une horreur atténuée par la redondance de ces « ma douce »qu'il adresse à cette maîtresse absente.
On aime les dialogues savoureux, l'ironie pince-sans-rire, provocatrice d'un Nesterenko, toujours sur la ligne rouge avec son interrogateur, une ligne qu'il lui arrive même souvent de dépasser, où même le scénario de sa propre mort devient objet de débat. Et ce double retournement de situation qui scelle le destin de notre homme soviétique, qui n'a pas su s'habituer à Paris, dans une histoire d'amour qu'il n'imagine plus qu'il ne vit. Nous avons ici le parfait exemple de l'ennemi du peuple soviétique, tantôt blanc, tantôt rouge, passé par la Yougoslavie, la France, avant de revenir chez lui dans un piège qui va se refermer sur lui : un homme dont les convictions épousent la voie de secours qui peut le sauver, et qui a choisit d'écouter son instinct de préservation plutôt que de suivre la voie du bien. le roman a reçu le Prix littéraire français Transfuge du meilleur roman européen 2024, il a été adapté au théâtre. En 2024, la première de la pièce basée sur le roman a eu lieu à Berlin, mise en scène par Maxim Didenko, avec Maxim Sukhanov. Au printemps 2024, des projections de Kremulator sont prévues, en plus de Berlin, à Limassol et à Amsterdam.
Moscou, 1941. Piotr Nesterenko, le directeur du crematorium, est arrêté, accusé d’espionnage au profit de puissances étrangères ennemies.
De par son métier, Nesterenko est le témoin malgré lui, depuis des années, des grandes purges staliniennes, puisque des milliers de cadavres de « traîtres » et autres « espions » lui sont littéralement passés dans les mains avant d’être enfournés dans l’incinérateur.
A ce titre, Nesterenko n’est pas étonné par son arrestation, et ne se fait aucune illusion sur l’issue de son propre « procès ». Cependant, la bureaucratie soviétique étant ce qu’elle est, il faut bien en passer par un minimum de semblant de procédure équitable. Et donc Nesterenko est interrogé en long et en large par un commissaire-enquêteur. C’est au fil de ces interrogatoires qu’on découvre son histoire aussi tumultueuse que celle de son pays. Officier dans l’armée blanche du tsar, il fuit les bolcheviks, s’exile à Constantinople, passe par l’Ukraine, la Serbie, la Pologne, la Bulgarie avant d’échouer à Paris où il sera chauffeur de taxi, avant d’être recruté par le NKVD et de rentrer en URSS. Où il postulera au crematorium, et finira directeur de celui-ci et de l’ensemble des cimetières de Moscou. Toute son histoire est liée par le fil (blanc ou rouge) du désir de l’exilé de rentrer au bercail, et celui de l’amoureux éperdu de retrouver la femme de sa vie.
Mêlant documents historiques (Nesterenko a bien existé) et fiction, Sacha Filipenko recrée avec brio et intelligence les dialogues entre Nesterenko et son enquêteur attitré, en les entrelardant d’une ironie et d’un humour noir irrésistibles. Interrogé et interrogateur jouent à un jeu de chat et de souris impitoyable, même si chacun sait parfaitement que les dés sont pipés et l’issue inéluctable.
A travers le destin mouvementé de cet opportuniste de Nesterenko, l’auteur, opposant notoire à Poutine, raconte aussi l’histoire de la Russie totalitaire et de ses dirigeants obsessionnels et paranoïaques pendant la première moitié du 20ème siècle.
Et comme l’Histoire, c’est bien connu, repasse les plats, peut-être ce portrait est-il à nouveau/toujours d’actualité…
En partenariat avec les Editions Noir sur Blanc via Netgalley.
#Kremulator #NetGalleyFrance
Zisk, jeune homme de 16ans étudiant la musique en Biélorussie est victime d’un accident qui le plonge dans un coma profond dont l’espoir de sortie est quasi nul. Elvira, sa grand-mère convaincue que le pronostic des médecins est faux, croit à une sortie prochaine de ce coma et met tout en œuvre pour y contribuer en prenant pension dans sa chambre et en lui parlant avec beaucoup d’amour. Dix ans plus tard, Zisk émerge de son sommeil profond et retrouve progressivement ses fonctions motrices et intellectuelles qui lui permettent de constater que peu de choses ont vraiment changé dans son environnement. Le dictateur Loukachenko est toujours président et va à nouveau être réélu, les libertés sont toujours bafouées et le grand frère russe veille au statu quo. Cette réflexion sur la difficulté de trouver sa place dans un pays figé s’intègre parfaitement dans le contexte actuel des « actions spéciales » menées par la Russie en Ukraine pour dissuader les Biélorusses des velléités de démocratie qui pourraient les animer.
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